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Elections au Pérou : les inquiétudes du Monde

Julien Salingue | acrimed.org | 9 juin 2011

vendredi 10 juin 2011

Elections au Pérou : les inquiétudes du Monde

Dimanche 5 juin : Ollanta Humala remporte l’élection présidentielle au Pérou, avec plus de 51,5 % des voix. Son adversaire, Keiko Fujimori, reconnaît sa défaite le 6 juin. La lointaine Amérique latine va de nouveau faire les frais de la malinformation, pour ne pas dire de la désinformation, de la part de certains médias français. Le Monde s’est une fois de plus illustré.

Le 6 juin au matin, un premier article est mis en ligne sur le site du quotidien du soir : « Humala se déclare vainqueur de la présidentielle au Pérou ». L’article, basé sur une dépêche AFP, est très factuel, et sera modifié au fur et à mesure du dépouillement. Son titre, nous y reviendrons, sera lui aussi changé. Le lendemain, un nouvel article est publié sur Lemonde.fr : « Inquiétudes au Pérou après l’élection à la présidence d’Ollanta Humala ». Un tel titre est, pour le moins, surprenant : pourquoi une élection démocratique, dont les résultats ont été reconnus par les deux protagonistes, susciterait-elle des inquiétudes ?

Le premier intertitre de l’article semble apporter un élément de réponse : « Une menace à la démocratie ». Si la démocratie est menacée, il y a effectivement de quoi s’inquiéter… Mais la lecture de l’article nous apprend que l’expression « menace à la démocratie » a en réalité été employée… contre l’adversaire d’Ollanta Humala, Keiko Fujimori, par le prix Nobel de littérature péruvien Mario Vargas Llosa. La défaite de Keiko Fujimori devrait donc rassurer ! Les raisons de s’inquiéter sont ailleurs, et il faut aller plus avant dans l’article pour les connaître et, surtout, pour savoir qui s’inquiète :

« Mme Fujimori a […] exhorté le président élu à “continuer sur la voie économique tracée et maintenir les règles claires”, afin de rassurer les marchés et le monde des affaires qui craignent que le nationaliste prenne des mesures faisant fuir les investisseurs. Lundi, les opérations de la Bourse de Valeurs de Lima ont dû être interrompues pendant deux heures, après avoir brusquement chuté de plus de 7 %, en réaction aux résultats électoraux. […] La peur s’est aussi installée chez certains Péruviens, dans la capitale de Lima notamment, qui a voté en majorité pour Keiko Fujimori, et de nombreux messages publiés sur les réseaux sociaux prévoient le pire pour le prochain gouvernement. […] De nombreux secteurs de la société réclament donc déjà au nationaliste d’envoyer des signes permettant de rassurer les investisseurs et, de manière générale, une société qui doute ».

Nous voilà enfin renseignés ! Les inquiétudes sont donc celles des « marchés », du « monde des affaires », et d’une partie de l’électorat de Keiko Fujimori, laquelle a été, apprend-on par ailleurs, « soutenue par de nombreux représentants de la droite traditionnelle, […] une grande partie de l’élite sociale et économique mais aussi de la classe moyenne urbaine ». Est-ce le programme du futur président qui les inquiète ? Ce n’est pas grâce à cet article qu’on l’apprendra, puisqu’il ne consacre pas la moindre ligne aux projets d’Ollanta Humala, uniquement qualifié de « nationaliste ». Il faut se reporter à la dépêche AFP « étoffée » de la veille pour apprendre que « la priorité de Humala est de partager la croissance, qui s’élevait à 8,7 % en 2010, dans un des pays les plus inégaux du monde », car « au Pérou, la prospérité qui règne à Lima, sur la côte, pour une élite blanche, n’a jamais concerné le pays de l’intérieur, des Andes ou de l’Amazonie, indien surtout, et spectaculairement sous-développé ».

Il ne nous appartient pas de juger du programme d’Ollanta Humala, et encore moins de faire un quelconque pronostic sur ses réalisations futures. Mais, de toute évidence, certains Péruviens ont peut-être de quoi être « inquiets ». Et d’autres, rassurés, voire pleins d’espoir. Or, si le sort de « l’élite blanche » semble inquiéter Le Monde, celui des exclus de la croissance ne semble pas préoccuper outre mesure la rédaction du quotidien.

P.-S. : le 8 juin, nous avons pu constater que les titres des articles ont changé sur Lemonde.fr. «  Inquiétudes au Pérou après l’élection à la présidence d’Ollanta Humala » a été subrepticement transformé en « Le Pérou, entre espoir et inquiétude, après l’élection d’Ollanta Humala ». Mais toujours pas une ligne sur les secteurs de la population péruvienne qui « espèrent ». Quant à la dépêche AFP étoffée, elle est désormais titrée « Au Pérou, la victoire d’Ollanta Humala effraie les milieux économiques ». Voilà qui est plus clair. Chacun pourra néanmoins s’assurer des titres originaux dans les barres d’adresse.


Debate Victoria de Ollanta Humala en Perú : ¿Populismo o Democracia ? (TuerKa CMI 9 Junio)

La victoria del izquierdista Ollanta Humala frente al fujimorismo ha abierto muchas esperanzas respecto a la consolidación del giro antineoliberal de la región latinoamericana que viene produciéndose en los últimos años. Según se conocía su victoria la Bolsa de Valores de Lima caía en picado, dejando clara la reacción de las élites económicas a su triunfo en las urnas.


Voir en ligne : Elections au Pérou : les inquiétudes du Monde

Messages

  • On peut aussi lire l’article "Pérou, d’une arrière-cour à l’autre ?" du monde diplo...

    Le 5 juin, M. Ollanta Humala (gauche) a remporté le scrutin présidentiel péruvien avec 51,6 % des votes, contre 48,4 % pour son adversaire, Mme Keiko Fujimori (droite).

    La nouvelle a provoqué la plus forte chute de la Bourse de Lima depuis sa création (12,51 %) : lors du précédent scrutin, en 2006, M. Humala n’avait-il pas affiché sa proximité avec le président vénézuélien, M. Hugo Chávez ? « Une erreur », n’a-t-il pourtant eu de cesse de répéter au cours de la campagne 2011, préférant se réclamer de l’ancien président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, mieux vu des marchés financiers.

    Après avoir assuré qu’un second tour entre Mme Fujimori et M. Humala imposait aux Péruviens de choisir « entre le cancer et le sida », l’intellectuel libéral Mario Vargas Llosa – prix Nobel de littérature 2011 – a apporté son soutien au candidat de gauche, suivi par une partie de la bourgeoisie. C’est que Mme Fujimori n’est autre que la fille de l’ancien président Alberto Fujimori. Au pouvoir entre 1990 et 2000, celui-ci purge actuellement une peine de vingt-cinq ans de prison pour corruption et violations des droits humains. Voter pour une candidate dont l’un des objectifs était de réhabiliter son père « reviendrait à légitimer la pire dictature dont nous ayons souffert au cours de notre longue histoire républicaine », a justifié M. Vargas Llosa.
    .../...

    la suite...

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