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Vive l’assistanat !

Sylvain Gouz | rue89.com | 14 mai 2011

dimanche 15 mai 2011

Comment osent-ils ? Comment oser qualifier l’assistanat de « cancer » ? Outre qu’elle est injurieuse pour les personnes visées, l’expression traduit un décrochage avec le réel, inquiétant voire pathologique, pour celui qui l’emploie. Sans compter qu’elle est assez indigne vis-à-vis des personnes atteintes d’un « vrai » cancer.

D’abord qu’est-ce que ce mot d’assistance veut dire ? Tout simplement la mise en œuvre, directe ou indirecte, de quelques principes inscrits dans le préambule de la constitution et qui sont en quelque sorte le socle de notre vivre ensemble :

  • « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. » (art. 5)
  • « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » (art. 10)
  • « [La Nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » (art.11)

Ainsi, d’un strict point de vue juridique, les allocations familiales, les allocations logement, les allocations chômage et le RSA correspondent aux obligations que se sont donnés les citoyens français en adoptant leur constitution. Rappelons que ce préambule, issu de la constitution de 1946, est repris explicitement dans la constitution de 1958 qui nous régit.

Wauquiez se lance dans une dérisoire bagarre de chiffres

Alors qu’est-ce qui choque nos petits esprits dans ces allocations diverses ?

Sans calcul d’apothicaire, le smic est depuis le 1er janvier de 1 070,76 euros net pour 35 heures. Le RSA, lui, s’étage de 467 euros pour une personne seule, à 1 167 euros pour un couple avec trois enfants.

A partir de là, un ministre, Laurent Wauquier, conclue que certains bénéficiaires du RSA rechigneraient à reprendre un travail − par hypothèse payé au smic − si ce travail ne rapportait que quelques euros de plus (voire de moins) que leurs allocations. Mais une autre ministre, Roselyne Bachelot, estime, chiffres à l’appui, que le smicard s’en sort toujours mieux que le bénéficiaire du RSA.

Cette bagarre de chiffres est cependant assez dérisoire.

Même si toucher un salaire est pour chacun une des raisons de travailler, ce n’est pas la seule.

Autrement dit, parmi les chômeurs au RSA, il en est beaucoup qui préfèreraient travailler ; y compris à rémunération égale. Ne serait-ce que pour exister différemment dans le regard des autres et à leurs propres yeux.

Le patron moyen du CAC 40 a gagné 2,4 millions d’euros en 2010

Autrement dit, nul ne choisit d’être au RSA pour ne pas travailler. Celui qui pense le contraire n’a jamais vraiment écouté les usagers de Pôle emploi − ce que Wauquiez, ancien ministre de l’Emploi, aurait dû faire lors de ces déplacements de l’époque.

Avec 1 000 euros ou 1 100 euros par mois, la vie est et reste une galère pour les uns comme pour les autres. C’est ne rien savoir des conditions de vie des Français pauvres que de raisonner sur les smicards ou sur les personnes au RSA comme on l’a entendu.

Et ceci à l’heure où − c’est peu original de l’écrire − 300 000 foyers dont le patrimoine se situe entre 800 000 euros et 1 300 000 euros vont se voir exonérés d’ISF et où l’impôt sur la fortune des plus riches va se trouver allégé.

Alors que les grands patrons du CAC 40 ont gagné chacun en moyenne 2 460 000 euros en 2010 (chiffres cités par Les Echos et Le Figaro), soit plus de 200 000 euros par mois, équivalents à 190 smic ou 438 RSA de base.

Un revenu minimum d’existence pour tous

Mais là n’est peut-être pas l’essentiel. Il faut se demander comment ce pays, la France, qui a connu plus de soixante ans de croissance, interrompue à trois reprises seulement en 1975, 1993 et 2009, n’est pas en mesure d’assurer un revenu minimum à tous ses citoyens.

Cette idée est loin d’être originale. Sur la place publique, Dominique de Villepin l’a avancée sous la forme d’un revenu citoyen, en l’assortissant toutefois d’une « activité dans la vie de la cité ».

Parmi les philosophes ou les économistes nombreux sont ceux qui, en France ou ailleurs, préconisent depuis longtemps l’instauration d’un revenu d’existence, pour le coup absolument détaché de l’exercice d’une quelconque activité.

Un tel revenu serait tout simplement attribué « inconditionnellement de la naissance à la mort, égal pour tous et cumulable sans restrictions avec n’importe quel revenu d’activité » selon l’heureuse formule du professeur Yoland Bresson, auteur notamment de « Le Revenu d’existence ou la métamorphose de l’être social » (éditions L’Esprit Frappeur).

S’agirait-il d’assistance ? Oui, trois fois oui, au sens le plus noble de ce mot : il s’agit d’assister tous nos concitoyens parce qu’ils sont nos concitoyens et que vivre ensemble signifie rien moins que se porter assistance mutuelle.

Mais, rassurons certains d’entre nous, un tel revenu d’existence pour tous serait de surcroît rentable pour la collectivité en provoquant un regain de consommation et un surcroît de croissance ce qui à terme permettrait un vrai retour sur son financement (assuré notamment par une fiscalité plus juste).

Alors chiche… Et donc, vive l’assistanat !



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