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Enquête : Xavier Bertrand impose une forte réduction des subventions aux associations de lutte contre le sida

Christophe Martet | yagg.com | 19 mars 2011 8:30

lundi 21 mars 2011

C’est un tournant dans l’histoire de l’épidémie de sida. Pour la première fois, les crédits accordés par le ministère de la Santé aux associations qui œuvrent dans le champ de cette maladie sont amputés, et pour l’instant, elles se taisent sauf le Syndicat national des entreprises gaies (lire Le Sneg annonce que sa subvention est amputée de 14%)… Pour l’instant, car à l’occasion de notre enquête, plusieurs représentants d’associations ont accepté de sortir leur calculette et confirment à Yagg que la baisse des crédits est parfois sévère.

LES GROSSES ASSOCIATIONS VONT PAYER LE PRIX FORT

Pourtant, toutes les associations ne sont pas logées à la même enseigne. Il y a les grosses, qui vont payer le prix fort, et les autres, qui seront moins touchées. En effet, la Direction générale de la santé (DGS) a choisi de tailler dans les subventions de tout le monde selon un principe chiffré. Les associations qui recevaient l’an dernier une subvention supérieure à 135000€ voient celle-ci amputée de 14% en 2011, les autres subissent une baisse de 2%. Certaines ont eu chaud. Act Up-Paris, qui perçoit 125000€ de la DGS, passe tout juste… Le ministère aurait voulu s’éviter un zap qu’il ne s’y serait pas pris autrement.

Pour Aides et le Sneg, en revanche, ainsi que pour trois autres structures (qui ne sont pas identifiées), la baisse est brutale : le Sneg va perdre 90000€ de subventions pour 2011. Du côté de Aides, la baisse est encore plus spectaculaire : ce sont 500000€ d’aide du ministère qui s’envolent.

Pour la principale association de lutte contre le sida, qui a dû faire face en début d’année à des révélations sur les avantages en nature non déclarés d’un de ses anciens présidents, le choc est encore plus brutal puisque du côté des Agences régionales de santé, les coupes sont encore plus fortes : 600000€ en moins pour l’enveloppe prévention de Aides. Dans certaines régions, comme la Bourgogne, la baisse est de 50%. En tout, ce sont 1,1 million d’euros, sur les 7 millions du pôle prévention, qui n’entrent pas dans les caisses.

Conséquence immédiate : le magazine Remaides va être entièrement financé sur des fonds privés. La DGS aurait en effet souhaité que trois titres de la presse associative (Remaides, Transversal et le Journal du sida) fusionnent pour ne plus en subventionner qu’un seul. Incertitude également pour Séronet, le site d’infos et de convivialité pour les séropositifs.

« 2012 VA ÊTRE PIRE QUE 2011″

Alain Legrand, directeur général délégué de Aides, joint par téléphone, lance, guère optimiste : « 2012 va être pire que 2011″. Même s’il reconnaît que depuis l’arrivée du nouveau ministre, « le cabinet et la DGS sont sur la même longueur d’onde » (comprendre : ce n’était pas le cas sous Roselyne Bachelot), le rouleau compresseur des économies semble avoir anéanti toute idée de révolte du côté de Aides. L’an dernier, l’association avait symboliquement fermé les portes de ses délégations partout en France. Avant d’obtenir de Roselyne Bachelot le maintien des crédits. Cette année, autre ministre, autre attitude.

De son côté, Marc Dixneuf, directeur des programmes associatifs France de Sidaction, n’est guère surpris. Selon lui, cela fait déjà plusieurs années que les budgets prévention se réduisent au niveau local et que la DGS souhaite revoir ses crédits à la baisse.

Selon nos informations, Sida Info Service sera également touché, même si sa principale subvention, qui couvre 75% de son budget, provient de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Le TRT-5 nous a confirmé que la baisse aura bien lieu, même si les crédits DGS ne représentent qu’environ 15% de leur budget.

DES LICENCIEMENTS AU SNEG, MOINS DE COLLECTE À AIDES

Face à cette nouvelle donne, que faire ? Pour les associations touchées à hauteur de 2%, l’impact ne sera pas trop difficile à encaisser. Il n’en est pas de même pour les grosses structures. Le Sneg a déjà annoncé des licenciements de délégués prévention. À Aides, les embauches ont cessé et les départs ne sont pas remplacés. Mais réduire les effectifs pour Aides ne changerait rien pour cette année : ce qui va baisser, ce sont les frais de collectes de rue, tant critiquées pour leur coût. Mais c’est donc un cercle vicieux qui risque de s’installer : moins de collecte signifie moins d’argent privé. Pour Alain Legrand, « on a l’impression que la DGS espère que le Sidaction 2011 [qui aura lieu du 1er au 3 avril, ndlr] va couvrir le manque à gagner ». Une affirmation réfutée du côté de Xavier Bertrand.

« TOUT CE QUI A ÉTÉ ACTÉ SERA TENU »

Dans un tel contexte, les ambitions affichées dans le Plan national de lutte contre le VIH/sida 2010-2014 ne risquent-elles pas de rester lettre morte ? « Tout ce qui a été acté sera tenu », martèle le cabinet du ministre de la Santé. Et la DGS fait valoir que les associations pourront aussi répondre à des appels à projets. Ainsi, la nouvelle stratégie de dépistage rapide communautaire va bénéficier d’une enveloppe de 3,5 millions d’euros en 2011. « Mais l’appel d’offres a été repoussé à juin, souligne Alain Legrand, et beaucoup d’associations, y compris Aides, n’ont pas encore reçu leur homologation pour faire du dépistage ».

Les associations s’interrogent encore sur l’opportunité d’une communication autour de cette baisse des subventions. On perçoit un certain embarras… ou une sorte de fatalisme face à une politique gouvernementale qui, il y a quelques années, auraient fait bondir les militants. Mais en sabrant massivement dans les budgets des principales structures et en laissant quasiment intactes les autres subventions, le ministère n’a-t-il pas divisé pour mieux régner ?


Voir en ligne : Enquête : Xavier Bertrand impose une forte réduction des subventions aux associations de lutte contre le sida

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