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Prostitution ? Proxénétisme ? Abolition ?

Arizmendi Ruben | lemonde.fr | lundi 23 juillet 2012

lundi 6 août 2012

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Apologie de la prostitution : une attitude politiquement incorrecte ?
Arizmendi Ruben | lemonde.fr | lundi 23 juillet 2012

Quelle imposture ! La nouvelle Assemblée nationale est constituée, les travaux reprennent, les lois votées vont allègrement défiler, dans cette spirale infinie de codification de l’existence ; et un des premiers dossiers qui sera mis sur table sera sans doute celui de la prostitution, car l’on suppose un dossier facile, gagné d’avance et qui donnera la bonne impression d’efficacité et même de bonne entente entre la gauche et la droite. En cela, l’Assemblé républicaine suivra la bonne habitude déjà ancienne dans l’Eglise : lorsque celle-ci n’a pas grande chose à dire ou doit esquiver des dossiers trop sensibles, urgents, elle se met à faire de la morale sexuelle, et de la plus réactionnaire.

La prostitution, un dossier facile ? Seulement pour celle ou celui qui voit dans l’interdiction de cette activité la bonne décision pour se mettre à la poche quelques groupes de pression, certains lobbyings, qui se disent féministes.

Comment peut-on arriver si simplement à interdire ou même, avec l’arrogance caractéristique du moraliste, à "abolir" un comportement sexuel d’adultes consentants ?
La seule explication en est que l’on juge autre chose que cet acte, que l’on passe à coté de celui-ci. Et en effet, jusqu’à présent tout l’argumentaire de l’Assemblé a porté sur le proxénétisme, pas sur la prostitution. Mais c’est la même chose ! nous dira-t-on. Non, de même que ce n’est pas la même chose le football et les matchs truqués, les compétitions de cyclisme et le dopage.

Qu’appelle-t-on prostitution ? La vente du corps pour le plaisir génital ? Pas vraiment, car il n’y a pas de vente de corps à proprement dit, et en ce qui est du plaisir, il semble qu’il transcende les zones érogènes. Le seul cas de vente du corps est cet acte odieux de vente d’organes, pour le reste si l’on cherche un minimum de précision, l’acte prostituant doit être décrit tout autrement : comme une vente de caresses sexuelles, actives et passives, réciproques.

Il est curieux que ceux qui prônent, à juste titre, le respect de la sphère intime de la personne soient ceux mêmes qui se servent des ces expressions figées –vente du corps - si inappropriées pour parler de cet acte ; comme si le corps était quelque chose d’autre, d’externe au sujet. Paradoxalement, c’est le même principe du respect de la sphère intime de la personne cité à titre d’argument contre la prostitution qu’en réalité la justifie, la dignifie. C’est le sujet, la personne elle même, qui entre en contact avec le client par ce geste de caresses sexuelles. Autrement dit, la prostitution implique une relation pleinement humaine.

L’expérience montre d’ailleurs et de multiples façons cette dimension intersubjective de l’acte prostituant :

 l’attitude, si fréquemment observée chez le (ou la) client, qui accorde une importance capitale à l’accueil, au regard, à l’expression du visage, aux mots de la prostituées (ou le prostitué) ;
 l’étonnante diversité de gestes qui singularisent chaque prostitué(e), révélateurs indéniables de la diversité de tempéraments, de personnalités, alors qu’il s’agit de poser un même acte ;
 les fidélités naissantes (le client devient souvent fidèle à une prostituée,
ou prostitué) ;
 les affections réciproques qui se créent ;
 la reconnaissance mutuelle de visages lors d’une deuxième visite (souvent même lorsque beaucoup de temps s’est écoulé entre elles)
 l’intégration dans la mémoire affective du sujet (le "client") du moment passé avec la (le) prostituée

Mais dans l’acte prostituant, l’intimité est touchée, oui et non ? C’est bien l’individu qui dans la caresse est touché, ce qui place pleinement l’acte dans la sphère de l’humain ; mais en même temps, la personne prostituée réussit à préserver son intimité grâce à la capacité polysémique du langage non verbal (corporelle, si vous tenez à cette dichotomie), grâce à l’expressivité polysémique du toucher. Ceci nous est révélé par quelques attitudes souvent constatées : si la personne prostituée permet au client de toucher quelques zones érogènes, elle se réserve également d’autres zones ; cette réserve lui permet de garder entière la symbolique d’une intimité affective à laquelle le client n’a pas d’accès, et ceci malgré la proximité corporelle. Cette démarcation est possible car notre expression corporelle ne seulement est polysémique, mais également capable d’un certain déplacement des zones de symbolisation. La zone qui exprime l’affection intime que je ne partage qu’avec la personne aimée, par exemple, peut être transférée du sexe vers les lèvres, le visage, les cheveux.

Ces innombrables expériences, bien que fondamentales pour la compréhension de cette activité, non pas été évoquées par la moraliste Assemblée Nationale qui était pressées de laver ses mains en période électorale à cause de l’affaire DSK. Que dans une démocratie moderne le client soit par décret condamné sans lui accorder la parole, c’est une imposture ; de même que rendre impossible à la prostituée l’exercice de son son métier au nom d’un soi-disant féminisme.


Arizmendi Ruben, docteur en philosophie


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