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Le renseignement français doit pouvoir être contrôlé

David Dufresne | lemonde.fr | mercredi 30 mai 2012

mercredi 30 mai 2012

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Le renseignement français doit pouvoir être contrôlé
David Dufresne | lemonde.fr | mercredi 30 mai 2012

Dans l’arrière-boutique du renseignement, la rumeur est un produit phare. Ces derniers jours, elle concernait l’un des tenanciers les plus en vue : Bernard Squarcini, gérant de la marque DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) et proche fournisseur de l’ancien président de la République. Bernard Squarcini allait-il survivre au nouveau pouvoir ? Il a finalement été limogé, mercredi 30 mai, comme le demandait il y a peu, par le biais de Twitter, sans grande courtoisie, celui qui est devenu depuis ministre de l’intérieur, Manuel Valls.

>> Lire Valls remplace le trio de tête de la hiérarchie policière

Cette rumeur était dérisoire. C’est moins la blouse du gérant qui importe que le coeur même de son métier. François Hollande élu, la France va-t-elle persévérer, comme Nicolas Sarkozy l’avait voulu, avec un renseignement présidentialiste, placé sous la tutelle de l’Elysée ; ou le pays va-t-il se décider à réguler enfin le nébuleux secteur des services, à l’image des Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada ou l’Australie, qui se sont tous dotés d’organismes de contrôle ?

En créant la DCRI, Nicolas Sarkozy avait lancé un "machin" emballé et vendu comme un contrepoids : la délégation parlementaire au renseignement, confiée à quelques élus estimés pour leur discrétion. Une délégation comme une coquille vide, et vidée de tout moyen, dont la mission laisse pantois le chaland-citoyen : "suivre l’activité générale et les moyens des services spécialisés" en s’assurant qu’aucune information qui lui soit transmise puisse "porter ni sur les activités opérationnelles de ces services, [ni] les instructions données par les pouvoirs publics, [ni] le financement de ces activités". Dans la foulée de l’affaire Merah, l’un des responsables de ladite délégation l’avait d’ailleurs reconnu devant les caméras, avec ce sourire qu’arborent les vendeurs qui n’ont plus rien en stock : "On n’est pas là pour fliquer les services."

Or c’est bien le problème. En matière de renseignement, la République n’a pas oublié secrets d’Etat, droit divin et autres lettres de cachet (avec les fiascos que l’on connaît en matière de lutte antiterroriste, de Tarnac à Montauban-Toulouse) : il n’y a rien pour contrôler les services. Rien pour surveiller les surveillants. Rien pour savoir, avec précision, où va le 1,2 milliard d’euros annuels alloués à la DCRI, la Direction générale de la sécurité extérieure, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la Direction du renseignement militaire, et autres succursales. Rien pour débattre de la notion même de "secret défense" brandie comme un "circulez, il n’y a rien à voir". Rien pour discuter infiltrations, fonds secrets, écoutes téléphoniques, fadettes, dont l’usage exponentiel démontre la (dé) mesure. Prenons Merah : un fou de Dieu, un infiltré, une taupe ?

Il est hélas probable que rien ne change. D’abord parce que la gauche au pouvoir n’a jamais été en reste, question braderies sur les principes (Irlandais de Vincennes, Renseignements généraux longtemps renforcés, etc.) et qu’elle a remisé, depuis belle lurette, ce qui faisait son coeur de cible : la défense des libertés individuelles et collectives. De plus près, ce n’est guère mieux : récemment, un des think tanks du Parti socialiste a préconisé qu’on ne touche surtout pas à la vitrine DCRI ; le magasin doit rester ouvert, et avec les mêmes pratiques, tout juste pourrait-on jouer sur les horaires et corriger les marges.

Quant au candidat Hollande, son programme était beau comme une fin de déballage marchand, quand ne restent que les miettes. Il se limitait à "engager une vaste réflexion" sur le renseignement en France. Il suffit de relire le dépliant pour comprendre. Réflexion. Engager. Vaste. Ça sent la fin de série.

Et dire qu’en octobre 2011 une instance avait pourtant ouvert la voie. Elle disait que "le contrôle judiciaire et parlementaire revêt une importance cruciale pour l’Etat de droit et la démocratie. Cela s’applique aussi, et surtout, aux services dits spéciaux dont les activités sont généralement tenues secrètes. Les services de renseignements et de sécurité de l’Etat (...) ne doivent pas être dispensés de rendre compte de leurs actes, sous peine de voir émerger une culture d’impunité néfaste qui minerait le fondement même des institutions démocratiques". C’était dans une petite échoppe de rien du tout : l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, résolution 1838. Il serait bon d’y aller faire un tour.


David Dufresne est l’auteur de Tarnac, magasin général (Calmann-Lévy, 488 p., 20 €). Il est candidat (Parti pirate) aux élections législatives dans la 15e circonscription de Paris.



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Transmis par Gérard Valler
collectifs locaux anti-délation
Wed, 30 May 2012 19:53:41 +0200










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