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A New York se dessine la grande mue de l’aide au développement

Luis Lema - samedi25 septembre 2010

samedi 25 septembre 2010

Le sommet sur les Objectifs du millénaire pour le développement a donné lieu à un vif débat. L’assistance aux pauvres façon grand-papa semble révolue. Le président américain Barack Obama contribue à cette évolution

Les trois jours de débats qui viennent de se terminer aux Nations unies à New York n’étaient pas seulement un test d’entrée pour le nouveau président Joseph Deiss (qui l’a passé sans heurts). Cette réunion sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) représentait aussi une sorte d’état des lieux de la politique du développement. Et, dans un monde devenu un mouchoir de poche du fait de la circulation des biens et de l’information, ils pourraient bien marquer un tournant, mettant fin à l’idée du développement telle qu’on l’a perçue pendant des décennies.

« Nous faisons fausse route »

Sur le plan des acquis concrets, peu de choses à se mettre sous la dent. Du côté des pays riches, des promesses illusoires (la taxe sur les transactions financières voulue par Nicolas Sarkozy). Du côté des Etats pauvres, la mise en avant des progrès accomplis, et la complainte, mille fois renouvelée, selon laquelle la crise financière éloigne les donateurs de leurs obligations.

En toile de fond, pourtant, le débat s’est aiguisé, qui avait déjà surgi au moment même de l’établissement des Objectifs du millénaire, en l’an 2000. Ces « objectifs » – qui vont de l’éradication de la faim à la création d’un « environnement durable » en passant par la lutte contre le sida et le paludisme ou par l’amélioration de la santé maternelle – résument-ils le bon développement, ou ne sont-ils que des indicateurs, parmi d’autres, d’une réalité plus vaste et complexe ?

Parmi d’autres, l’Allemagne a rappelé la nécessité d’une bonne gouvernance comme condition du développement et du progrès. La Suisse n’a pas été en reste, dont la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey soulignait l’influence décisive de la fragilité des structures étatiques, des conflits armés ou du niveau élevé de violence. La Suisse a frappé juste en évoquant « la réciprocité » entre pays donateurs et bénéficiaires qui doit accompagner, selon elle, l’aide au développement, en y attachant le respect des droits de l’homme. Mais son message a pu paraître très malhabile : « Faisons-nous fausse route ? » a interrogé la conseillère fédérale, tandis que des centaines de milliers de personnes doivent aujourd’hui d’être en vie grâce aux Objectifs du millénaire de l’ONU.

La dilapidation de l’argent dans les violences et les conflits ; les gaspillages entraînés par la corruption et l’avidité des tyrans locaux ; les contrats bidon, les postes de travail n’existant que sur le papier, les réalisations à jamais inachevées… Tout cela n’est pas nouveau dans le monde du développement, et ces tares lui sont presque consubstantielles. Mais, alors que les ressources sont comptées et que l’information est partout, l’assistance aux pauvres façon grand-papa semble désormais avoir trouvé ses limites au point de voir surgir les critiques au sein même de son temple onusien. Après tout, bon nombre de pays en développement connaissent aujourd’hui une croissance économique, tandis que les donateurs traditionnels se débattent avec les effets de l’une des plus longues récessions de l’histoire…

Sécurité nationale

De fait, ce sont les Américains qui ont pris le premier rôle dans le concert de critiques qui a entouré le sommet. « Il y a une erreur de perception en Amérique selon laquelle les gens sont pauvres parce qu’ils manquent de biens et qu’il suffirait de leur donner des aliments, des médicaments ou des écoles pour les sortir de la pauvreté, commentait Gregory Adams, l’un des directeurs de l’organisation Oxfam. Or si vous n’impliquez pas les gens dans leur propre développement, ils n’échapperont jamais à la pauvreté. »

Barack Obama a annoncé à la réunion de l’ONU l’établissement par les Etats-Unis d’une politique globale du développement, la première à être jamais annoncée par un président américain. Présente dans 85 pays, l’USAID est la plus importante organisation étatique de ce type dans le monde. Mais elle est en pleine déroute : il a fallu plus d’un an pour lui trouver un nouveau chef, et autant pour établir cette nouvelle stratégie. Celle-ci insistera sur la croissance économique comme facteur de développement, vérifiera la durabilité des progrès, tirera parti des développements technologiques, et fera dépendre l’aide des résultats obtenus. Une politique, en un mot, conforme aux exigences du XXIe siècle.

Plus fondamentalement, pourtant, le développement fera désormais partie aux Etats-Unis de la stratégie de sécurité nationale, pratiquement au même titre que la défense ou la diplomatie. Avec le risque, sans doute, de lier la lutte contre la pauvreté aux intérêts politiques des Etats-Unis. Mais avec un espoir également. Comme le résumait Nicholas Kristof, du New York Times : « Le domaine de la sécurité nationale, c’est là où l’argent se trouve. Et la lutte contre la pauvreté, c’est là où est le succès (pour assurer la sécurité mondiale). »


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