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Moins d’un Français sur deux juge la police efficace

Laurent Borredon | lemonde.fr | lundi 19 décembre 2011

lundi 19 décembre 2011

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Il y a en France, une forme de divorce entre les habitants de quartiers dits "difficiles" et ceux qui sont chargés de les protéger. Les policiers le reconnaissent –et s’en plaignent –, les habitants le répètent, et, aujourd’hui, il est possible de le chiffrer : 51,1% des habitants de zones urbaines sensibles (ZUS) estiment que l’action des forces de l’ordre est inefficace, dont 18,9% "pas efficace du tout" (contre respectivement 27,7 % et 7,9 % pour l’ensemble des Français).


La carte du jugement négatif recoupe, pour partie, celle du Front national, avec le Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d'Azur en tête.

La carte du jugement négatif recoupe, pour partie, celle du Front national, avec le Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur en tête.ONDRP, INSEE, Infographie "Le Monde"

Le chiffre, qui concerne la période 2007-2011, est issu du dernier bulletin de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), à paraître mardi 20 décembre, qui s’intéresse à l’opinion des Français sur l’efficacité de la police et de la gendarmerie. L’étude provient des résultats des enquêtes de victimation réalisée par l’Insee et l’ONDRP auprès de 17 000 personnes chaque année depuis 2007.

Plus largement, le travail de l’Observatoire permet de dessiner le profil de la France fâchée avec sa police ou sa gendarmerie : un portrait pas forcément surprenant, mais désormais incontestable. Profitant de son échantillon important sur les cinq années d’enquête – 85 000 personnes –, l’ONDRP a tenté de déterminer les critères qui pèsent réellement sur le jugement que les Français portent sur la police ou la gendarmerie.

En clair, si un jeune chômeur issu d’un quartier sensible a de grandes chances de porter un regard sévère sur les forces de l’ordre – et c’est bien le cas –, est-ce parce qu’il est jeune, chômeur ou habitant d’une cité ? Conclusion : plus que la situation au regard de l’emploi ou de l’âge, c’est bien le fait de résider dans un quartier difficile qui entraîne le jugement négatif – et de manière spectaculaire. Corollaire de ce constat : les locataires de HLM sont tout aussi durs avec les policiers.

FRACTURE TRADITIONNELLE ENTRE OUEST ET EST DE LA FRANCE

L’enquête confirme également l’effet dévastateur des incivilités et de la petite délinquance sur l’image des forces de l’ordre : plus de 60 % des personnes ayant déclaré que des équipements collectifs ou des voitures ont souvent été détruits ou détériorés dans leur quartier au cours des douze derniers mois jugent l’action de la police ou de la gendarmerie inefficace. Une proportion qui grimpe à 64 % lorsque le quartier subit des problèmes de drogues. Alors que le fait d’avoir été cambriolé a un effet bien moindre (44 % de jugements négatifs).

Géographiquement, la fracture traditionnelle entre ouest et est de la France est confirmée. La carte du jugement négatif sur les forces de sécurité recoupe d’ailleurs, pour partie, la carte du vote Front national, avec le Nord-Pas-de-Calais et la Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le peloton de tête.

Les policiers et les gendarmes se seraient-ils éloignés de la population depuis 2002 ? C’est, avec l’hyperactivité législative, l’une des principales critiques faites à la politique de sécurité de Nicolas Sarkozy et de ses successeurs au ministère de l’intérieur. L’enquête permet également d’apporter une réponse à cette question : moins de la moitié des Français jugent l’action de la police et de la gendarmerie efficace.

La proportion est toutefois orientée à la baisse depuis cinq ans – 47,9 % en 2007, 46,4 % en 2011 –, la part d’avis défavorables baissant également, de 29,7 % à 26,4 %. Ce sont donc les indécis, ceux qui préfèrent répondre prudemment "ne sait pas", qui ont connu un bond de cinq points en cinq ans : ils sont aujourd’hui plus nombreux (27,2 %) que les critiques.

Pour Cyril Rizk, responsable des statistiques à l’ONDRP, les Français "ont une opinion moins tranchée". En 2007, "de façon pas forcément connectée avec la délinquance réelle, d’ailleurs, les points de vue étaient beaucoup plus nets", explique M. Rizk.

Entre-temps, le débat public sur la sécurité a changé de nature. Et, depuis 2009, les chiffres de la délinquance "d’appropriation" –vols, cambriolages, etc. – sont repartis à la hausse. L’évolution du sentiment d’insécurité avec. En 2008, 12,3 % des Françaises et 7,1 % des Français déclaraient se sentir en insécurité dans leur quartier, contre respectivement 14,3 % et 7,4 % en 2011.

Face à ce jugement critique des Français sur l’efficacité des forces de sécurité, et notamment de ceux résidant dans des ZUS, le gouvernement et l’UMP répondent "lutte contre la délinquance des mineurs et effectivité des peines".

Au Parti socialiste, le programme prévoit la mise en place de zones de sécurité prioritaires dans les quartiers sensibles. Le sénateur et maire de Dijon, François Rebsamen, qui a été chargé des questions de sécurité dans la campagne de François Hollande, en annonce une centaine, mais n’a pas encore précisé les critères définissant ces zones. Il existe, en France, près de 750 zones urbaines sensibles rassemblant environ 4,5 millions d’habitants.


Laurent Borredon


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