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Cette étrange prohibition du cannabis…

Karim Miské | lesinrocks.com | 21 juin 2011

jeudi 23 juin 2011

kesneme

Le débat autour de la question du cannabis laisse songeur. D’un côté, les partisans de la légalisation alignent une série de raisonnements logiques pour justifier leur position qui tire notamment sa force de l’échec patent de quarante ans de politiques répressives. Face à eux, les prohibitionnistes se contentent de faire assaut d’arguments d’autorité et de tautologies sans proposer ne serait-ce que le début d’une politique nouvelle. Quelle peut bien être la raison de cette troublante crispation autoritaire ? Pour tenter de comprendre, écoutons Manuel Valls, l’un des prohibitionnistes les plus actifs ces temps-ci dans les médias. Sur son site web, le maire d’Évry affirme  :

« Toute substance qui contribue à l’aliénation des hommes est en soi hérésie. » Une déclaration qui semble entrer en contradiction avec les propos relativement confus qu’il a tenus la semaine dernière sur France Inter : « Bien évidemment, même si nous savons qu’en France il y a un rapport culturel très particulier à l’alcool, ça n’est pas en renversant notre système de valeurs qu’on répond à cette question majeure. »

En d’autres termes : il faut prohiber toute substance qui contribue à l’aliénation des hommes. Sauf l’alcool, qui fait partie de la culture française. C’est donc en tant que substance aliénante allogène (voire hérétique pour reprendre le vocabulaire religieux de Manuel Valls) que le cannabis doit être interdit. Cela même si, selon le rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 30.000 décès sont imputables en France à l’alcool alors qu’en dehors de 230 accidents de la route mortels, on n’a pas réussi à prouver l’existence d’une surmortalité due au cannabis. Et même si d’après le rapport Roques établi pour le ministère de la santé en 1998, le Cannabis est la drogue qui suscite le moins de dépendance, loin derrière l’alcool. Mais également derrière les médicaments hypnotiques et anxyolytiques qu’il est si facile de se procurer par le biais de son médecin de famille.

Toute substance qui contribue à l’aliénation des hommes est en soi hérésie. La phrase de Manuel Valls est forte. Elle sonne bien. Las ! Le reste du discours du maire d’Évry montre que cette martiale déclaration de foi en une nature inaliénable de l’homme présente quelques lacunes. Qu’il s’agisse de l’alcool, des médicaments ou des nombreuses addictions sans substance que notre société offre en grand nombre. Les maladies individuelles en lien avec les pratiques sociales de consommation telles que les définit la Fédération Française d’Addictologie. Jeux vidéos, achats compulsifs, sexe ou nourriture à haute dose. Tout ce qui permet de remplir son vide intérieur au lieu de s’y confronter.

Et si ce qui est en jeu dans cette étrange crispation sur la prohibition du cannabis n’était pas la lutte pour la désaliénation de l’homme, à laquelle Manuel Valls, ainsi que Claude Guéant, François Fillon et les autres prohibitionnistes majoritaires dans la classe politique, montrent tant d’attachement ? Et si l’objectif confusément poursuivi était plutôt de charger une drogue de tous les maux pour masquer notre tolérance aux dépendances multiples qu’engendre le type de société qui est le nôtre ? De masquer le fait que comme l’explique la psychanalyste Cynthia Fleury :

« Dans notre société de l’hyperconsommation, l’addiction devient la norme et non plus la marge. » Car, « Le propre d’une société addictogène, c’est d’instrumentaliser nos manques. »

Sans que personne ne se l’avoue vraiment, l’interdiction du cannabis semble bien avoir une fonction précise. Le maintien irrationnel de cette prohibition, au risque de permettre la formation de véritables maffias dans nos cités, nous permet d’éviter de contempler cette vérité aussi banale que dérangeante : nous sommes tous des toxicomanes. C’est ce qui fait tourner ce monde. Et la majorité d’entre nous semble bien préférer incriminer les fumeurs de joints plutôt que d’affronter son angoisse.

Ce qui peut se comprendre.


Transmis par Anne & Ahmid
Thu, 23 Jun 2011 12:35:57 -0700


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Messages

  • pour vous donner un peu des "nouvelles de l’intérieur" ; à 23 ans, j’ai de la peine à chercher dans mes connaissances ceux qui ne se défoncent pas, et ceux malgré de multiples déménagements, changement de régions, et un tempérament à être sociable à attiré les autres
    _sincèrement ! j’ai connus des centaines de personnes et ceux qui se sont gardé de cette plaie se compte avec les doigts...

    n’étant pas un consommateur je me sent tel un OVNI, depuis l’entré au lycée, j’ai perpétuellement essuyer remarques et étonnements (le plus souvent à la limite de la consternation) de la part de mes contemporains...
    faut que vous compreniez en fait qu’aujourd’hui, pour notre jeunesse consommer est un must... si l’on ne se défonces pas il faut au moins se cuiter avec tout les alcools et finir minable/vomir/prendre des photos de son vomi régulièrement sinon comme ont dit "mais tu vis pas toi !" "tu baise au moins ?!" s’amuser en soirée prendre du bon temps... ça ne parait apparemment pas crédible si ça n’est pas fait sous l’emprise de drogue.

     il y a une pression sociale et culturelle énorme, et ça il faudrait penser à le prendre en compte

    ce que j’essaye de vous expliquer c’est que ma génération, derrière les fausses-apparence est une catastrophe...
    c’est pour quoi j’ai aimer lire la partie de votre article qui parle du rapport à l’addiction de nos société, maintenant que j’ai étaler les cartes je vais pouvoir donner mon avis sur le sujet.

  • Le Cannabis en vente libre...
    a la limite moi, je m’en fout un peu, que le cannabis soit au même niveau que le tabacs et l’alcool dans nos rayons, c’est déplorable, mais je saurais m’en protéger et je m’efforcerais d’en protéger mes proches.
     mais qu’est-ce qui prendra la place du canabis ?

    les arguments partisans sont gentillets, plein d’innocences...
     tués le trafic illégal, éviter les coupages toxiques... et pourquoi pas créer de nouveaux emploies agricoles et renflouer les caisse de l’état grâce à ça ? :)

    et les mafias des cités elle vont s’évanouir ? vous croyais que toutes ses petites mains vont accrocher casquette et banane-lacoste au porte manteau pour aller bosser à l’usine ? faut pas rêver le business ne s’arrête pas...

    une fois que la chose sera passé, l’euphorie populaire redescendu, il faudra un nouvel interdit à brisé pour les jeunes...
    les dealers seront là, prêt à vendre, que ce soit de la coke, de l’héro ou autre.

     j’aime bien les films sur l’époque de la prohibition d’alcool ; les mafias, les gangsters, les cigares cubains... et puis la soif liberté du peuple et la pression de la criminalité ont eu raison de cette prohibition qui voulais protéger les gens d’eux mêmes.
     ont en arrive au même point de crise avec le cannabis.
    comme pour le tabac, si il est taxé, le trafic subsistera, on ne règle pas l’aliénation et la dépendance, mais surtout : quand on arrivera au prochain point de crise avec la prochaine saloperie a laquelle le peuple sera accros ont fait quoi ? on recommence ?

    je sais pas mais je me dis qu’un jour ou l’autre on évolue et on se sorte la tête du seau de merde. parce que plus on avance et plus ont perd des plumes.

    et pour finir je dirais que je reste toujours imperméable face à des demi-solutions qui sont aussi mais surtout des nouveaux problèmes

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