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À l’heure du massacre d’Alep... Opinion critique de Michel Sitbon

Michel Sitbon | samedi 11 août 2012

samedi 11 août 2012


À l’heure du massacre d’Alep...
Opinion critique de Michel Sitbon

Michel Sitbon | samedi 11 août 2012 - titre modifié le 20 août 2012

À l’heure du massacre d’Alep, une ville en voie d’être pulvérisée par l’armée gouvernementale, bombardée du ciel et envahie par 20000 hommes derrière un paquet de tanks, tout ça avec le soutien tacite de la "communauté internationale", c’est un peu triste de te voir colporter la propagande stalinienne abjecte qui vient en soutien d’un régime qui a institué la torture à une échelle sans précédent – à côté de quoi militaires français en Algérie, comme en Argentine, où la Gestapo de jadis, apparaissent presque mesurés…

Trop content de ne plus figurer dans ta rubrique copinages dans un tel contexte…

Si un peu d’information t’intéressait, j’ai tenté d’en produire cette semaine sur Paris s’éveille (et j’avoue que je consultais ton sommaire dans l’espoir que tu en aies repris quelque chose…)

On vérifie là le terrible degré de confusion atteint. Un demi-siècle de tragi-comédie proche-orientale nous y aura certes préparé. Et ça n’est que maintenant qu’on peut comprendre que le meilleur garant de la politique israélienne dégueulasse, c’est depuis toujours Assad, avec le hezbollah libanais et le hamas palestinien, qui ne sont là que pour servir d’alibi aux partisans du Grand Israël, empêchant toute possibilité de résolution du conflit, au prix du martyre de la Cisjordanie et de Gaza.

Cette histoire du Quatar et de l’Arabie séoudite qui fourniraient des armes aux insurgés syriens est on ne peut plus douteuse – ces deux-là prenant soin de ne pas la démentir, alors que les armes dont disposent les révolutionnaires sont toujours pour l’essentiel celles qu’ils ont récupérées grâce aux déserteurs puis dans les combats.

Il y a plus d’un an pourtant, tu avais publié mon article Voltaire au bout de la nuit, où j’avais la prétention d’avoir démonté la cochonnerie du dispositif rhétorique mis en place en soutien de la dictature, dont tu reproduis aujourd’hui de simples variantes.

Il y a un peu moins de vingt ans, le même genre de truks et d’astuces avait permis de procéder au génocide des tutsi avec la complicité générale y compris de l’extrême-gauche, dont l’abstention était parfaitement en phase avec la désinformation institutionnelle. Il y a un peu plus de trente ans, le même phénomène s’était produit au Cambodge. Depuis une quinzaine d’années, c’est l’utilisation massive de l’arme alimentaire contre le peuple de Corée du nord qui ne sera même pas parvenue à émouvoir les staliniens, et que tous tolèrent de même…

À quoi cela sert-il donc de se fatiguer à produire de l’information "alternative" si c’est pour – comme le courant du même nom, ainsi que le dénonce justement un de tes articles du jour à un autre sujet – répandre les pires sornettes de la propagande d’État ?

Des fois que tu ne l’aies pas relevé, j’attirerai simplement ton attention sur le fait que la seule "aide" internationale qui parvienne en Syrie aujourd’hui, c’est l’aide alimentaire que l’on apporte au Croissnt rouge syrien, une organisation gouvernementale. Quant au seul plan d’intervention, il a été élaboré au cas où ceux qu’on appelle les "rebelles" approcheraient des lieux où sont entreposées les armes chimiques de Assad. Quant aux "pressions diplomatiques", Fabius a d’ores et déjà annoncé qu’il ne réunirait le Conseil de sécurité que le 30 août, laisant tout le temps à Assad pour pulvériser Alep.

Quant aux malheureux chrétiens, pris en otage par Assad, il n’y a pas le début de ce dont tu parles, pas la moindre indication qu’ils aient jamais été pris à partie par les révolutionnaires, parmi lesquels se trouvent d’ailleurs de nombreux chrétiens, comme des alaouites, comme de toutes les composantes de la population. Hormis la propagande du régime, le seul fait confessionnel qu’on puisse relever, c’est que depuis toujours la police politique recrute intensivement parmi les alaouites des montagnes, ce qui leur vaut mauvaise réputation. Mais la seule opposante syrienne que je connaisse, en exil à Paris, est d’une importante famille alouite de Lattaquié – et c’est l’ensemble de son groupe familial qui a basculé dans l’opposition du fait de l’horreur que le régime inflige à son peuple avec tes applaudissements…

Triste tristesse.

michel

PS Je vois avec effroi que le site de Paris s’éveille est supposé être "en maintenance", à l’instant où je voulais t’en redonner le lien… Pourvu que ça ne dure pas, car je me sens bien seul à dire les choses comme elles sont, dénonçant jour après jour l’abject traitement journalistique de la Syrie, et la politique criminelle de nos gouvernants, en France comme aux États-Unis.

Messages

  • Tout d’abord bravo Bernard de diffuser cette opinion critique de Michel Sitbon.

    Quant à Monsieur Sitbon que je salue au passage je constate que son texte est aussi déploratif qu’il est peu documenté. Beaucoup de dénonciation généralistes, d’indignation, d’allégations, mais peu de données factuelles et sourcées. Vous avez tout à fait le droit de défendre la position qui est la vôtre, mais cela ne vous dispense pas d’argumenter au plus près de la réalité du terrain d’une part ; et sans occulter les enjeux internationaux d’autre part. Le tout en vous efforçant de ne pas céder aux sirènes de la simplification outrancière qui réduisent à une approche binaire, manichéenne, la présentation des événements. A situation complexe, analyse complexe.

    A titre d’exemple, je rappelle que tous les observateurs reconnaissent la présence massive de combattants appartenant à Al Kaida et venu de l’étranger. Par ailleur, à qui ferez-vous croire qu’une escouade de bons hommes, légitimement insurgés contre un régime despotique, pourrait, sans préparation militaire, sans armement digne de ce nom, armés de leur seule bravoure et de leur enthousiasme révolutionnaire, pourrait résister aussi longtemps aux assult d’une armée de métier comme celle de la Syrie ! D’autres autrement plus aguerris, Ira, Eta, s’y sont essayés sans jamais parvenir à leurs fins alors même que leurs objectifs, dans un environnement démocratique, étaient nettement moins ambitieux que celui de vouloir renverser un régime tyrannique et son appareil d’Etat répressif !

    Aussi, ce qu’à titre personnel je déplore dans cette histoire, c’est la formidable hypocrisie et le nom moins extravagant cynisme qui animent les diplomaties et les médias occidentaux ! Et l’on ne peut pas non plus occulter les enjeux de géopolitique internationale qui traversent ce conflit. Nul ne peut faire l"économie de ces considérations s’il souhaite livrer une analyse des événements tendant à l’objectivité.

    • Le soulèvement du peuple syrien contre une dictature qui l’écrase depuis quatre décennies a été, dès le départ, présenté par le régime et par ses relais de la presse alternative sur internet comme une invasion étrangère de mercenaires financés par le Qatar et l’Arabie séoudite, avec l’appui d’Israël et des États-Unis.

      Or, on sait que ce soulèvement populaire pacifique a été d’emblée confronté à la violence sans bornes du régime qui n’a pas hésité à tirer sur la foule et à recourir à la torture à une échelle industrielle rarement atteinte dans l’histoire humaine, les seuls précédents comparables étant ceux de l’Allemagne nazie pendant la guerre mondiale, de l’armée française en Algérie, puis des mêmes en appui à l’armée argentine sous Videla.

      L’impopularité de ces méthodes extrêmes aura fini par produire de nombreuses défections dans l’armée, ce qui a permis à l’opposition de commencer à se défendre, en passant à la confrontation militaire. L’Armée syrienne de libération, ainsi apparue, est principalement équipée des armes qu’elle a pu récupérer du fait de ces défections, ainsi de celles dont elle a pu s’emparer à l’occasion des combats.

      Loin d’être soutenue par un flux d’armes importées, l’ASL en est réduite à subir les bombardements et les mitraillages aériens contre lesquels elle ne peut rien. On relève une seule exception d’un avion abattu grâce à une auto-mitrailleuse lourde manifestement récupérée sur l’adversaire, puisqu’elle était d’origine russe.

      Non seulement l’opposition n’est pas ou fort peu soutenue de l’extérieur, mais tout au contraire, elle se voit opposée l’abstention unanime de la communauté internationale qui se contente de déclarations vertueuses, mais n’aura acheminé à ce jour de véritable soutien qu’aux organisations gouvernementales du Croissant rouge syrien à qui est donnée de l’aide alimentaire devenue très nécessaire après dix-huit mois de guerre civile.

      La politique de non-ingérence assumée par les puissances occidentales prend prétexte du véto que la Russie et la Chine opposent à toute mesure au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Or, l’Assemblée générale de l’ONU a, au contraire, voté à une majorité écrasante à la fois des déclarations de soutien à l’opposition et des critiques sévères envers le Conseil de sécurité.

      La France, le Royaume-Uni et les États-Unis – les trois puissances qui ont à la fois la capacité militaire et politique d’intervenir – se réfugient derrière les vétos russes et chinois, sans avoir à aucun moment sérieusement proposé de politique alternative à la passivité criminelle du monde qui regarde un peuple se faire écraser par son État, des villes entières se faire détruire une par une, et les morts se multiplier par dizaines de milliers.

      Cette politique éhontée repose sur un consensus des opinions publiques occidentales qui semblent craindre qu’une révolution mette en danger en particulier les communautés chrétiennes de Syrie, effectivement plus ou moins protégées par l’État dictatorial de Assad père et fils, mais nullement menacées par l’opposition à laquelle elles participent en bonne part, tout comme l’ensemble des composantes de la population.

      La lecture ethniste des réalités politiques, qui a déjà fait tant de mal dans tant de situations politiques – comme au Rwanda, mais dans tout l’espace colonial –, est appliquée à la Syrie banalement, décrétant sans beaucoup de fondement que l’opposition ne serait qu’un soulèvement sunnite, soutenue par l’islamisme radical, et se refuse de concevoir qu’il puisse s’agir, là comme ailleurs, avant tout d’une révolution démocratique d’un peuple aspirant à vivre autrement que sous la terreur.

      Ce réflexe de défense des intérêts de la chrétienté converge de plus avec l’intérêt de l’État mitoyen d’Israël, très inquiet de ces déstabilisations qui se produisent dans des États autoritaires, comme l’Égypte de Moubarak et la Syrie de Assad, qui lui ont permis de maintenir depuis des décennies un statu quo grâce auquel il peut déployer sa politique expansionniste au détriment des intérêts du peuple palestinien. La fonction particulière de la Syrie, réputée pour le soutien qu’elle apporte au Hamas palestinien et au Hezbollah libanais, lui est en fait particulièrement précieuse, les provocations irresponsables de ces deux groupes lui ayant permis jusqu’à aujourd’hui de maintenir un consensus militariste dans la société israélienne.

      Sur la base de ce conflit entretenu, c’est l’ensemble des États de la région qui sont surarmés, procurant aux industriels de l’armement ce qui constitue leur premier marché mondial, et, de loin, le plus rentable. Ainsi, il n’est pas interdit de soupçonner qu’une des motivations importantes de l’inaction de la France, de l’Angleterre et des USA, repose dans l’intérêt des très puissants lobby militaro-industriel qui sévissent dans ces pays.

      Michel Sitbon

      PS Et mes excuses à B.Bec pour la formule qu’il aura cruellement reprise en titre "trop content de ne plus figurer dans la rubrique copinages", que je retire volontiers. Comme me le faisait justement remarquer mon camarade Yves, il n’est pas si facile de rassembler hebdomadairement tant d’informations si souvent intéressantes sans parfois faire d’erreur. Quant à la propagande assadiste, elle est si omniprésente à gauche comme à l’extrême-gauche, qu’il est impossible de ne pas la retrouver de tous côtés. Il n’y a qu’à voir les commentaires, non seulement ici mais sur tous les sites qui en publient, pour prendre la mesure de la confusion généralisée qui règne, et de combien les idéologues rouges-bruns du Réseau Voltaire et de quelques autres officines seront parvenus à faire de dégâts.

  • un peu de documentation au sujet des minorités syriennes par Alain Chouet (ex directeur de la DGSE) :

    "Dans les années 70, Hafez el-Assad, issu d’une des plus modestes familles de la communauté alaouite, devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense, s’est emparé du pouvoir par la force pour assurer la revanche et la protection de la minorité à laquelle sa famille appartient et des minorités alliées – Chrétiens et Druzes - qui l’ont assisté dans sa marche au pouvoir. Ils s’est ensuite employé méthodiquement à assurer à ces minorités – et en particulier à la sienne - le contrôle de tous les leviers politiques, économiques et sociaux du pays selon des moyens et méthodes autoritaires dont vous pourrez trouver la description détaillée dans un article paru il y maintenant près de vingt ans.[2]

    Face à la montée du fondamentalisme qui progresse à la faveur de tous les bouleversements actuels du monde arabe, son successeur se retrouve comme les Juifs en Israël, le dos à la mer avec le seul choix de vaincre ou mourir. Les Alaouites ont été rejoints dans leur résistance par les autres minorités religieuses de Syrie, Druzes, Chiites, Ismaéliens et surtout par les Chrétiens de toutes obédiences instruits du sort de leurs frères d’Irak et des Coptes d’Égypte.

    • De la même source :

      "Si vous vous vous informez sur la Syrie par les médias écrits et audiovisuels, en particulier en France, vous n’aurez pas manqué de constater que toutes les informations concernant la situation sont sourcées « Observatoire syrien des droits de l’homme » (OSDH) ou plus laconiquement « ONG », ce qui revient au même, l’ONG en question étant toujours l’’Observatoire syrien des droits de l’homme.

      L’observatoire syrien des droits de l’homme, c’est une dénomination qui sonne bien aux oreilles occidentales dont il est devenu la source d’information privilégiée voire unique. Il n’a pourtant rien à voir avec la respectable Ligue internationale des droits de l’homme. C’est en fait une émanation de l’Association des Frères musulmans et il est dirigé par des militants islamistes dont certains ont été autrefois condamnés pour activisme violent, en particulier son fondateur et premier Président, Monsieur Ryadh el-Maleh. L’Osdh s’est installé à la fin des années 80 à Londres sous la houlette bienveillante des services anglo-saxons et fonctionne en quasi-totalité sur fonds séoudiens et maintenant qataris.

      Je ne prétends nullement que les informations émanant de l’OSDH soient fausses, mais, compte tenu de la genèse et de l’orientation partisane de cet organisme, je suis tout de même surpris que les médias occidentaux et en particulier français l’utilisent comme source unique sans jamais chercher à recouper ce qui en émane.

      Second favori des médias et des politiques occidentaux, le Conseil National Syrien, créé en 2011 à Istanbul sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative non de l’État turc mais du parti islamiste AKP. Censé fédérer toutes les forces d’opposition au régime, le CNS a rapidement annoncé la couleur. Au sens propre du terme…. Le drapeau national syrien est composé de trois bandes horizontales. L’une de couleur noire qui était la couleur de la dynastie des Abbassides qui a régné sur le monde arabe du 9è au 13è siècle. L’autre de couleur blanche pour rappeler la dynastie des Omeyyades qui a régné au 7è et 8è siècle. Enfin, la troisième, de couleur rouge, censée représenter les aspirations socialisantes du régime. Dès sa création, le CNS a remplacé la bande rouge par la bande verte de l’islamisme comme vous pouvez le constater lors des manifestations anti-régime où l’on entend plutôt hurler « Allahou akbar ! » que des slogans démocratiques.

      Cela dit, la place prédominante faite aux Frères musulmans au sein du CNS par l’AKP turc
      et le Département d’État américain a fini par exaspérer à peu près tout le monde. La Syrie
      n’est pas la Libye et les minorités qui représentent un bon quart de la population entendent
      avoir leur mot à dire, même au sein de l’opposition. Lors d’une visite d’une délégation d’opposants kurdes syriens à Washington en avril dernier, les choses se sont très mal passées. Les Kurdes sont musulmans sunnites mais pas Arabes. Et en tant que non-arabes, ils sont voués à un statut d’infériorité par les Frères. Venus se plaindre auprès du Département d’État (Des USA) de leur marginalisation au sein du CNS, ils se sont entendus répondre qu’ils devaient se soumettre à l’autorité des Frères ou se débrouiller tout seuls. Rentrés à Istanbul très fâchés, ils se sont joints à d’autres opposants minoritaires pour démettre le président du CNS, Bourhan Ghalioun, totalement inféodé aux Frères, et le remplacer par un Kurde, Abdelbassett Saïda qui fera ce qu’il pourra – c’est à dire pas grand chose - pour ne perdre ni l’hospitalité des islamistes turcs, ni l’appui politique des néo-conservateurs Américains, ni, surtout, l’appui financier des Séoudiens et des Qataris."

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