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Mortalité des abeilles : non-lieu confirmé pour Bayer et BASF

Novethic - 08/09/2010

vendredi 10 septembre 2010

La cour d’appel de Toulouse a confirmé le non-lieu rendu le 30 janvier 2009 par le tribunal de Saint-Gaudens (Haute Garonne) au bénéfice de Bayer et BASF dans l’affaire du pesticide Régent. La Confédération paysanne a annoncé qu’elle se pourvoyait en cassation contre la décision de la cour d’appel.

Bayer et Basf, successivement propriétaires du fipronil, la molécule active du pesticide Régent, ont obtenu la confirmation de non lieu prononcée en 2009 par le tribunal de Saint-Gaudens. Cette décision était contestée par l’Union nationale de l’Apiculture française (Unaf) et la Confédération paysanne.

En 2009, le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, en Haute-Garonne, rendait son avis concernant la responsabilité des producteurs du célèbre insecticide. Après cinq ans d’attente, Bayer CropScience et BASF Agro avaient finalement obtenu, le 30 janvier 2009, un non-lieu dans l’affaire de la mortalité des abeilles. Ils étaient accusés d’avoir utilisé du fipronil, une substance chimique jugée dangereuse, dans leur pesticide Regent. Le procureur de la République avait déjà requis un non-lieu en juin 2008, arguant que le lien entre la destruction des ruches et l’utilisation de l’insecticide ne pouvait pas être formellement démontré. Les plaignants, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) et la Confédération paysanne, avaient alors annoncé leur intention de faire appel de la décision.
« Insecticide utilisé en traitement des semences pour la protection des cultures de maïs et de tournesol contre le taupin, un ravageur souterrain, » telle est la description du Régent donnée par BASF qui précise : « Il ne présente aucun danger pour l’homme et l’environnement. » Pourtant dès 2003, de premières études impliquent le fipronil, substance active du Regent, dans la surmortalité d’abeilles. En février 2004, BASF Agro qui commercialise le Regent et son PDG Emmanuel Butstraen étaient mis en examen pour « mise en vente de produits agricoles toxiques nuisibles à la santé de l’homme et de l’animal ». Une décision qui concernera pour les mêmes raisons, la firme Bayer Crop ancien propriétaire du Regent (voir articles liés).

Après plusieurs mois et semaines de batailles d’experts, le procureur Claude Derens a finalement requis un non-lieu en faveur des firmes chimiques et de leurs dirigeants, en juillet 2008. « A l’issue des très nombreuses expertises acquises au dossier, il n’était pas envisageable d’affirmer un lien incontestable entre l’utilisation du fipronil dans l’enrobage des semences et les surmortalités des abeilles constatées à l’occasion des campagnes 2002 et 2003 », estimait-t-il alors dans les réquisitions transmises aux avocats des différentes parties.

Le procureur s’était appuyé principalement sur un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) qui révélait « qu’il n’y a aucune relation entre la présence de fipronil et celle des abeilles adultes et larvaires. »

« Non-responsabilité du Regent TS »

L’UNAF a exprimé « sa réprobation devant des réquisitions aussi caricaturales qui survolent à peine quelques points du dossier sans en traiter aucun, et qui donnent une idée consternante de l’impuissance judiciaire de notre pays face aux graves problèmes environnementaux de notre temps. » A contrario, BASF s’est félicité de cette décision puisque ces réquisitions « confortent la non-responsabilité du Régent TS dans les mortalités d’abeilles. » A ce jour, le Regent TS est toujours interdit de commercialisation en France suite à la décision qu’avait prise Hervé Gaymard alors ministre de l’Agriculture en 2004, tandis qu’il est autorisé en Europe.

Aujourd’hui, le non lieu est confirmé. Interrogé par l’AFP, l’avocat de Bayer France a indiqué que "Bayer était satisfait de cette décision et tranquille sur la suite de la procédure".
Alors que BASF privilégie les pistes du manque de biodiversité et du rôle primordial des parasites –en accord sur ce point avec certains apiculteurs- pour expliquer la surmortalité des abeilles, il faut souligner que, dans son rapport, sur lequel le procureur Claude Derens a appuyé son réquisitoire, l’Afssa invitait à tenir compte du « très petit nombre d’observations » qui avait servi à l’étude, en l’occurrence 120 colonies d’abeilles domestiques. En outre, en février 2009, le ministère de l’Agriculture rendait public un rapport du Comité Scientifique et Technique (CST) de l’Etude Multifactorielle des Troubles des Abeilles, selon lequel le fipronil ferait courir « des risques inacceptables » aux abeilles. A l’époque, pour le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF), « ce rapport montre clairement la dangerosité inhérente à ces insecticides systémiques en enrobage de semences et souligne toute l’absurdité de l’homologation récente de l’insecticide Cruiser. »

Le Cruiser interdit en Allemagne

Si le réquisitoire du procureur de Saint-Gaudens, ainsi que la Cour d’appel de Toulouse, mettent hors de cause le fipronil, l’implication des pesticides dans la surmortalité des abeilles est loin d’être écartée. La décision de l’Allemagne de suspendre l’autorisation de l’insecticide Cruiser, produit de la société Syngenta, a relancé le débat. Le Bureau fédéral pour la protection des consommateurs et la sécurité alimentaire (BVL) a choisi le principe de précaution, suite à un examen des faits concernant les dommages importants sur les abeilles du sud-ouest de l’Allemagne et mettant en cause certaines techniques de semis.

...et autorisé en Fance

En France, le Cruiser a été autorisé pour la campagne 2009-2010, après une étude de l’AFSSA, qui a rendu en décembre 2009 un avis favorable au renouvellement de cette autorisation pour un an. Cette décision avait provoqué la colère des écologistes et des apiculteurs. Pour tenter de trouver un consensus, le ministère de l’agriculture a mis en place un comité de suivi, dont le but est de surveiller les effets du Cruiser sur la biodiversité, et d’évaluer les risques potentiels sur les papillons et les insectes pollinisateurs. L’initiative s’est soldée par un échec, la Confédération paysanne et la FFAP (fédération des apiculteurs) ayant claqué la porte en dénonçant "une véritable mascarade, où l’administration fait semblant d’observer ce qu’elle ne veut pas voir, et ne tient pas compte des observations et des critiques des apiculteurs".

V. S.

Mis en ligne le : 08/09/2010 -
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La valeur économique de la pollinisation

Selon une étude réalisée par des chercheurs allemands et français, de l’INRA et du CNRS parue en septembre 2008, l’activité pollinisatrice des insectes – des abeilles principalement-dans le monde est estimée à 153 milliards d’euros par an. Ce chiffre représente 9,5% de la valeur de l’ensemble de la production alimentaire mondiale. Trois catégories de cultures sont principalement concernées : les fruits, les légumes, avec une valeur estimée à 50 milliards d’euros chacun, suivis par les oléagineux avec 39 milliards. Cette recherche a également permis de définir la valeur moyenne des cultures dépendantes des pollinisateurs (760 € par tonne), très supérieure à celle des cultures non dépendantes comme les céréales ou la canne à
sucre (150 € la tonne).


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