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Raoul Marc Jennar nous écrit du Cambodge

Raoul Marc Jennar | jennar.fr | 14 mai 2011

samedi 14 mai 2011

Ma compagne et moi sommes de retour au Cambodge depuis le 1 mai. Je termine un contrat de cinq ans qui prévoyait ma présence au pays des Khmers six mois par an. Nous avions quitté Phnom Penh fin septembre de l’an passé. Lors d’un déjeuner récent, un ami français me demande comment j’ai trouvé la France pendant les mois que nous y avons passés. Je lui ai répondu d’un geste : en me pinçant le nez.

Lorsque nous sommes rentrés, nous avons vécu la fin du mouvement d’opposition à une réforme des retraites marquée du sceau sarkoziste : l’injustice. Nous avons observé une fois de plus l’incapacité des grandes confédérations syndicales à être à la hauteur des défis posés par une droite dont l’objectif affiché est d’agir exclusivement au bénéfice des classes sociales les plus aisées et de démanteler tous les acquis sociaux.

Nous avons connu, pendant ces seuls sept mois de présence en France, le débat nauséabond sur l’identité nationale, les déclarations des ministres de l’Intérieur successifs, Hortefeux et Guéant, exprimant un véritable racisme d’Etat, la chasse aux Européens que sont les Roms et aux Français que sont les gens du voyage, la chasse aux sans papier et aux sans logement, les rafles d’immigrés fuyant des pays soumis à l’exploitation de nos multinationales et aux diktats antisociaux du FMI, l’augmentation effrayante de la pauvreté et le mépris affiché à l’égard de ceux qui en sont victimes, la dégradation accélérée de l’enseignement public et du système public de santé, l’instrumentalisation des faits divers à des fins législatives, l’impunité dont bénéficient les violences policières à Aulnay-sous-Bois ou ailleurs, les insultes à la magistrature dans le plus pur style berlusconien et la poursuite de l’affaiblissement de l’Etat de droit et du système judiciaire, l’affaire Bettencourt, l’affaire Woerth-Bettencourt, l’affaire Woerth, l’affaire révélée par l’attentat de Karachi et la découverte des rétro-commissions, le débat sur l’Islam sous couvert de débat sur la laïcité, l’affirmation répétée du caractère chrétien de la France et les atteintes à la loi de 1905 en faveur des réseaux d’enseignement liés aux religions catholique et hébraïque, la montée en puissance d’un FN relooké par sa nouvelle présidente, la banalisation par la droite sarkoziste des thèses racistes et antisociales du FN, les tentatives de réhabilitation posthume de grands collaborateurs, intellectuels et économiques, de l’occupant nazi, la dislocation de notre appareil diplomatique, le soutien de la ministre des Affaires étrangères au dictateur tunisien, les séjours privés des plus hautes autorités de l’Etat dans des pays où règne la dictature et où se pratique la torture, l’incohérence des réponses apportées aux révoltes démocratiques des peuples arabes, la tentative d’introduction de quotas discriminatoires dans le football français, les multiples faits du prince limogeant des responsables d’institutions publiques qui n’ont par l’heur de plaire, les sondages commandés par des publications de droite qui intoxiquent l’opinion publique afin qu’elle désigne le libéral DSK comme successeur du libéral Sarkozy, les vols d’ordinateurs dans des organes de presse qui n’acceptent pas la dictature de l’opacité officielle, la multiplication exponentielle des poursuites pour délit d’outrage, etc. Et il ne s’agit que de sept mois d’une présidence dont les quatre années écoulées furent à l’aune de cette seule période !

Nous avons noté aussi l’incapacité d’une génération de dirigeants du PS à dresser le bilan de son fourvoiement dans le libéralisme économique le plus débridé et à remettre en question sa contribution à une mondialisation qui instaure la dictature des marchés et organise la concurrence de tous contre tous, une mondialisation dont souffrent aussi bien les peuples du Nord que du Sud et dont ne profitent que les firmes transnationales.

Nous avons observé enfin l’incapacité de la gauche à se rassembler sur un projet véritablement alternatif, fidèle aux valeurs du socialisme, à l’exigence de justice et d’égalité dans la liberté, en phase avec les défis de ce siècle qui ont pour principale origine un capitalisme qui exploite à la fois les humains et la planète.

Nous sommes revenus au Cambodge avec la conviction que la France dénaturée que nous quittions n’avait décidément plus aucune leçon à donner au monde et au Cambodge en particulier.


Voir en ligne : La France dénaturée

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