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Très chers métaux rares

lundi 7 février 2011

Tantale, sélénium, cobalt… Face à l’hégémonie chinoise, les pays occidentaux ont hissé le secteur au rang d’industrie stratégique et concentrent leur attention sur l’Afrique. Tour d’horizon des projets phares.

En un an, la capitalisation boursière totale de six entreprises minières juniors spécialisées dans les métaux rares et réparties aux États-Unis, au Canada et en Australie, a connu une croissance de 30 % à 50 %, pour atteindre 7 milliards de dollars (5,2 milliards d’euros). Du jamais vu. En annonçant la réduction de ses quotas d’exportation de métaux rares, la Chine, qui contrôle 97 % de la production – elle produit 120 000 des 124 000 tonnes annuelles –, a provoqué un véritable tsunami.

L’inquiétude est particulièrement vive dans les pays développés, soucieux de sécuriser leurs approvisionnements face à la forte demande : téléphones portables et autres tablettes numériques, technologies vertes (éoliennes, panneaux solaires, batteries des futurs véhicules électriques)… Des marchés en pleine croissance qui nécessitent l’utilisation de métaux non pas rarissimes, mais difficilement exploitables.

Sur les cours mondiaux, le tantale (téléphonie mobile principalement) a vu son indice progresser de 190 % en 2010 ; le sélénium (utilisé dans l’industrie métallurgique pour des alliages complexes) a augmenté de 85 %… « Pour la Chine, il s’agit de faire monter les prix et de forcer l’industrie mondiale à venir produire chez elle en échange de métaux meilleur marché », analyse Christian Hocquard, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). L’Union européenne (UE) a ainsi classé comme stratégiques 14 métaux rares* et publié en octobre un rapport alarmant : une pénurie pourrait intervenir dans les vingt prochaines années.

Des cours très volatils

Face au monopole chinois, l’UE et les États-Unis cherchent de nouvelles opportunités. L’Afrique apparaît comme une zone potentiellement stratégique. La RD Congo était déjà l’un des principaux producteurs mondiaux de tantale, jusqu’à ce que Washington interdise aux fabricants de téléphonie l’utilisation de ressources ne pouvant répondre à certaines normes d’extraction, notamment en termes de droits humains. Globalement, si les projets africains de métaux rares se comptent encore sur les doigts d’une main, la dynamique s’accélère.

Producteur historique, l’Afrique du Sud a rapidement concentré de nouveaux intérêts. Frontier Rare Earths, basé au Luxembourg et présent dans le Namaqualand, dans le nord de la province du Cap, vient par exemple de débuter ses études de faisabilité ce mois-ci avec l’ambition de commencer à produire dès 2014. Le canadien Great Western Minerals Group a de son côté signé en juin 2010 un accord pour la réouverture de la mine de Steenkampskraal, à 350 km au nord-ouest du Cap. « Le jeu de la Chine a rendu les cours extrêmement volatils, les prix ne sont plus prédictibles », estime Hugo ­Schmitt, de l’entreprise minière française Eramet.

Présente au Gabon sur le site de Mabounié, la firme est positionnée sur le seul projet qui pourrait, à terme, devenir un point de ressource « européen ». Celui-ci est mené par sa filiale gabonaise, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), en partenariat avec le groupe nucléaire Areva (actionnaire d’Eramet). « Le gisement pourrait être de classe mondiale, mais aujourd’hui nous n’avons aucune visibilité sur le montant des investissements nécessaires », rapporte Hugo Schmitt. Et pour cause : Mabounié, outre ses réserves de métaux rares, pourrait fournir de l’uranium et du thorium, des métaux hautement radio­actifs. « Le processus de séparation et de transformation n’est pas encore défini, poursuit le porte-parole d’Eramet, ce qui peut tout changer sur le montant du projet. »

Un secteur habitué aux crises

Le canadien Montero Mining & Exploration a quant à lui investi quelque 3,5 millions de dollars (2,6 millions d’euros) pour acquérir 60 % de Wigu Hill, à 200 km au sud de Dar ­es-Salaam, en Tanzanie. La mine regorge notamment de lanthanum, très utilisé dans l’industrie du verre et des pots catalytiques automobiles. Au Malawi, c’est l’australien Globe Metals & Mining qui s’est lancé dans l’aventure. La mine de Kanyika (niobium à 80 %, tantale et uranium pour le reste), après une étude de faisabilité en 2009, devrait entrer en exploitation en 2013. La société minière, cotée sur l’Australian Stock Exchange, a un autre projet de terres rares, à Machinga, dans le sud du pays, qui devrait bientôt voir le jour. Madagascar et le Kenya sont d’autres pays riches en métaux rares.

Mais avec 37 % des réserves mondiales (36 millions de tonnes), la suprématie chinoise n’est pas près de s’interrompre. D’abord parce qu’elle applique une politique de bas coûts (dumping social et économique). Ensuite parce qu’il faut au moins dix ans pour qu’un nouveau projet d’extraction voie le jour. L’industrie des métaux rares reste en outre opaque.

Selon Christian Hocquard : « Les déséquilibres offre-demande sont difficilement appréciables. Il y a peu de marchés spot, peu d’échanges, le marché est petit, les produits sont variés… » Un environnement favorable à la spéculation. Le secteur est cependant habitué aux crises : au début des années 2000, les prix ont été multipliés par cinq sous l’impulsion d’une nouvelle industrie alors en plein essor, celle du téléphone portable. Avant de redescendre à son niveau initial deux ans plus tard.


* Antimoine, béryllium, cobalt, fluorine, gallium, germanium, graphite, indium, magnésium, niobium, platine, terres rares, tantales et tungstène.


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