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Droit à la paresse et résistance passive... Lafargue, Thoreau, Melville + quelques autres

md | npa32.fr | lundi 24 juin 2013 | Mis à jour le dimanche 30 juin 2013

dimanche 30 juin 2013

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Littérature : droit à la paresse et résistance passive
md | npa32.fr | lundi 24 juin 2013 | Mis à jour le dimanche 30 juin 2013

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Un sujet presque honteux aujourd’hui en ces temps de valeur travail où les chômeurs sont accusés de profiter de leur situation et de vivre aux crochets de la société. Un fantasme pour ceux qui travaillent (plus de) 35 heures par semaine et en passent presque autant dans les transports. Une réflexion légitime…


Oui, une réflexion légitime pour ceux qui pensent, comme Paul Lafargue qui a théorisé le sujet, que « le prolétariat (…) s’est laissé pervertir par le dogme du travail », et que « les prolétaires (…) ne comprenant pas que le sur-travail qu’ils se sont infligés pendant le temps de prétendue prospérité est la cause de leur misère présente ». Lafargue prône un monde de travail partagé où « pour tuer le temps qui nous tue seconde par seconde, il y aura des spectacles et des représentations théâtrales toujours et toujours ».

Les grecs antiques ne disaient pas autre chose, mais oubliaient que les esclaves qui s’échinaient pour leur permettre une vie consacrée à la politique, à la pensée et à l’art… étaient des êtres humains au travail.

Au milieu du XXe siècle en Russie, dans un monde où le servage n’est pas aboli, Oblomov, le héros de Gontcharov, dort encore comme son pays au milieu d’un monde qui s’éveille. Aristocrate terrien, doté de revenus et d’un don certain pour vivre aux crochets de ses amis, il ne peut rien, ne finit rien, laisse passer même l’amour et passe sa vie allongé sur sa méridienne. Le roman de Gontcharov, à la fois drôle et mélancolique est plus celui d’une paresse subie que choisie.

À la même époque, en Amérique, Thoreau propose lui aussi une théorie de résistance non violente qu’il expérimente lui-même, en vivant au plus près de la nature et en limitant ses efforts à la production du strict nécessaire à sa subsistance. Apôtre sans le savoir de la décroissance et de l’écologie.

En Amérique également, dans un court roman Bartleby le Scribe, Herman Melville dresse le portrait d’une autre forme d’inaction, pas vraiment la paresse, mais la fuite. Le personnage répond systématiquement à tout ce qu’on lui demande « je préférerais ne pas »… Ce livre mystérieux et fascinant de 70 pages peut changer la vie de ses lecteurs.

Enfin, plus près de nous, puisque mort en 2008, l’égyptien Albert Cossery a lui aussi écrit sur la paresse et a passé sa vie à l’expérimenter. Pendant plus de cinquante ans, Cossery a vécu à Paris dans un hôtel modeste devenu mythique (également pour le séjour qu’y firent Sartre et Beauvoir), La Louisiane à Saint-Germain-des-Prés, sortant essentiellement pour déjeuner chez Lipp. Il écrivait peu (sept livres), et estimait que les aspirations à s’élever de l’être humain sont responsables de sa chute et que la seule échappatoire est l’oisiveté désintéressée. Cossery avait mis son mode de vie en accord avec ses préceptes et vivait modestement au jour le jour.

Un de ses livres les Fainéants dans la vallée fertile, situé au Caire, illustre la sacralisation de la paresse par une famille entière. Prodige de littérature, comme Oblomov, raconter le rien, la lenteur, les siestes, dans un monde heureusement peuplé de domestiques qui épargnent à tous ces fatigués la mort par la faim et la soif. Un seul des fils, Serag, se rebelle et veut aller… travailler, semant le trouble, l’incompréhension et le désespoir chez son père Hafez, qui le traite de « fils ingrat ».

Des lectures pour mieux se reposer en attendant la rentrée sociale.
Catherine Segala
- Le Droit à la paresse, Paul Lafargue,
éditions l’Altiplano, 5 euros.
- Oblomov, Ivan Gontcharov, édition Folio,
8, 65 euros
- Les Fainéants dans la vallée fertile, Albert Cossery, éditions Joëlle Losfeld, 11, 20 euros.
- Bartleby le scribe, Herman Melville, éditions Folio, 4, 20 euros.
- Je vivais seul dans les bois, Henry David Thoreau, éditions Folio, 2 euros.


Voir en ligne : Littérature : droit à la paresse et résistance passive

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