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Déclin de l’Etat de droit en Europe : l’exemple du projet Indect

gilles sainati | mediapart.fr | mardi 4 juin 2013

mercredi 5 juin 2013

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 Déclin de l’Etat de droit en Europe : l’exemple du projet Indect
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Déclin de l’Etat de droit en Europe : l’exemple du projet Indect
gilles sainati | mediapart.fr | mardi 4 juin 2013



Déclin de l’Etat de droit en Europe : l’exemple du projet Indect

Le 4 juin 2013

L’Etat de droit, nous avons eu l’occasion de l’expliquer mille fois, c’est autant la protection du citoyen vis à vis des violences de son voisin que contre l’arbitraire de l’Etat et de ses procédures bureaucratiques. Pour aboutir à ce fragile équilibre qui permet de faire éclore la démocratie, l’intimité des citoyens et éviter de les considérer comme des sujets, nos démocraties européennes ont inventé le principe de légalité des délits et des peines. Celui-ci implique que l’on ne peut être condamné pénalement qu’en vertu d’un texte pénal précis et clair (en latin, Nullum crimen, nulla pœna sine lege).

Cette sécurité juridique autorise à sanctionner des infractions précises prévues dans un code pénal. Elle prévoit des incriminations détaillées et ne sanctionne que des actes et non des comportements, encore moins des éventuelles menaces.

La doctrine de la police proactive

Il n’y a jamais eu d’harmonisation des codes pénaux entre les États membres : la création d’un corpus juris commun à tous les États a toujours eu du mal à décoller et ne concerne que les fraudes au préjudice de la communauté. Donc une impossibilité d’harmoniser un État de droit européen.Chaque État de l’Union conserve la définition de ses propres infractions.

Aussi, le troisième pilier de l’union européenne, c’est à dire la coopération policière et judiciaire en matière pénale qui constitue l’architecture institutionnelle de l’union européenne ne concerne principalement que la coopération policière.

Dans ce contexte, il est rapidement apparu en Europe un nouveau concept pour lutter contre les menaces terroristes ou simplement contre les comportements terroristes ou mafieux : la doctrine de la police proactive, c’est à dire le rassemblement d’informations à propos de faits répréhensibles qui pourraient être commis et leurs auteurs éventuels, ou de situations à risques et des personnes qui pourraient être susceptibles d’y jouer un rôle actif ... [2]

Faire intervenir la police en amont dans les réseaux terroristes ou mafieux a toujours existé ( infiltrations, indics etc..) mais la notion de police proactive devient ici une logique proactive de surveillance et de contrôle : anticiper les événements, repérer les délinquants potentiels avant même qu’ils n’aient envisagé d’agir. Sera alors convoquée toute la ressource de la technologie (vidéo-surveillance, biométrie, surveillance du web) pour trier les potentiels suspects ... [3]

Plus besoin d’infractions établies, d’indices graves et concordants, les comportements suffiront à asseoir une culpabilité, une interpellation voire une incarcération. On concocte des listes de potentiels individus supposés terroristes, de personnes indésirables sur tel ou tel territoire etc.. Le résultat est la prison de Guantanamo dont, il faut le rappeler, le lieu a été choisi pour contourner le système judiciaire fédéral.

Tous suspects : le projet INDECT

Dans ce contexte un programme européen a été lancé en 2009 dénommé INDECT est le projet de créer un système d’information intelligent soutenant l’observation, la recherche et la détection pour la sécurité des citoyens en milieu urbain et destiné à la détection automatique des menaces, des comportements anormaux ou de violence à partir des flux de données issues notamment des caméras de vidéo-surveillance (analyse intelligente de la video) et du web (les sites Web, les serveurs de fichiers, les forums de discussions, les réseaux P2P, les ordinateurs individuels.).

Avec un financement initial à hauteur de 11 millions d’euros (en hausse constante) ce programme s’étale de 2009 à 2014 et met en oeuvre la doctrine de police proactive. Selon des critères propres au système, tel comportement, tel écrit sur le web, tel comportement sur la voie publique sera considéré comme suspect et l’objet d’une surveillance étroite.

Pour les citoyens européens, plus de présomption d’innocence, ni d’infractions précises qu’il faudrait caractériser. La mise en réseau des caméras de vidéo-surveillance avec les fichiers internet, et gouvernementaux servira à détecter les individus potentiellement dangereux avant même qu’aucun acte délinquant ne se produise.

Il fallait bien rentabiliser les caméras de vidéo-surveillance qui ne servent à rien pour lutter contre la délinquance... (400 000 caméras autorisées en France, chiffre à comparer avec le rapport de la Cour des Comptes 2011 qui conclut qu’aucune étude scientifique n’apporte la preuve l’efficacité de la vidéo-surveillance pour prévenir des actes de délinquance).

Une mobilisation européenne est en cours pour informer les citoyens des dangers que recèle ce projet.

Un cap conceptuel a été franchi, celui de l’abandon programmé de l’État de droit puisque l’intégralité de la population européenne va être soumise à une suspicion généralisée sur la base de critères non légaux, non votés par un parlement démocratiquement élu et non débattus devant des juges indépendants.

Va apparaître rapidement une normalité européenne déterminée par un réseau central inter-connecté et gare à ceux qui seront considérés comme déviants.

Il ne restera plus qu’à mettre un Orban aux commandes de l’Union européenne !

Gilles Sainati

Notes

[2] Voir http://www.persee.fr/web/revues/hom....

[3] Voir l’article de Didier Bigo dans « Identifier, catégoriser et contrôler. Police et logiques proactives » in Bonelli Laurent et Sainati Gilles, Pratiques et discours sécuritaires : la machine à punir, L’esprit frappeur, 2004, 390 p. (2nde édition, 1ère éd 2001) p 56-88, ou http://www.hommes-et-migrations.fr/....








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