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De Palaiseau à Evry, les secrets de “l’Essonne connexion”

Karl Laske | mediapart.fr | jeudi 23 mai 2013

vendredi 24 mai 2013

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De Palaiseau à Evry, les secrets de “l’Essonne connexion”
Karl Laske | mediapart.fr | jeudi 23 mai 2013

C’est un département entier qui semble touché. Ententes illicites, intermédiaires douteux, entreprises favorisées, coups de pouce et cadeaux aux élus ont été dénoncés, depuis trois ans, dans plusieurs communes de l’Essonne. Selon le procureur de la République d’Évry, Éric Lallement, « les investigations se poursuivent » et aucune décision « n’a encore été prise » concernant l’éventuelle ouverture d’une information judiciaire sur tout ou partie de ces faits.

Une partie des dénonciations émanant de fonctionnaires communaux et d’élus ont été ignorées durant plusieurs années par le parquet d’Évry. Ainsi les enquêtes confiées à la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Versailles n’avaient encore donné lieu à aucune vérification auprès des élus. En octobre, le parquet d’Évry a indiqué que les investigations en cours sur des soupçons d’entente sur les marchés publics « visaient à clarifier les conditions dans lesquelles certains projets immobiliers de l’Essonne ont été menés à bien ».

Mediapart reprend une à une les pistes d’un nouveau scandale départemental. Où l’on s’aperçoit que ce sont souvent les mêmes entreprises, ou les mêmes intermédiaires, qui, d’une ville à l’autre, obtiennent les marchés et dictent leur loi moyennant faveurs et relations de proximité avec les élus.

Les maires et anciens maires des communes concernées par notre enquêteLes maires et anciens maires des communes concernées par notre enquête© DR

 

À Palaiseau, l’ancien député-maire et ministre de la ville François Lamy a-t-il payé l’architecte de sa villa ?

François LamyFrançois Lamy© DR

En octobre dernier, Mediapart s’interrogeait sur les conditions de la construction en 2005 par François Lamy, député et maire de Palaiseau, d’une villa moderne dessinée par l’architecte François Malisan. Ce dernier qui est l’un des maîtres d’œuvre favori du département se trouve visé par l’une des investigations confiées à la DRPJ.

Au moment de construire la villa du maire de Palaiseau, François Malisan n’avait obtenu aucun marché public dans cette ville, mais il concourait précisément pour l’attribution du marché d’aménagement du vaste quartier de la Mesure, sur les anciens terrains de la SFIM SAGEM. En juillet 2006, le jury présidé par François Lamy n’avait pas retenu son projet, mais le chantier de la villa de l’élu est resté un épisode des plus mystérieux.

D’abord parce que sa spécialité en travaux publics conduit Malisan à choisir des sociétés de BTP pour édifier la maison du député maire socialiste. Ainsi l’architecte fait-il appel à l’entreprise Dubocq SA, avec laquelle il construit au même moment plusieurs ouvrages publics, mais aussi pour une petite part aux Travaux publics de Soisy (TPS).

Ensuite, François Malisan confie très curieusement à l’un de ses partenaires architectes le soin de signer les plans de la maison, alors que la maquette est présentée et signée par lui, sur un site spécialisé. Malisan envoie l’un des collaborateurs, Thierry Sibilleau, gérer la maîtrise d’ouvrage, et le chantier. Et tous les ordres de service, ainsi que les certificats de paiement des entreprises, sont passés à l’en-tête de son cabinet, l’Atelier d’architecture Malisan (AAM). Or François Malisan n’a rien facturé de ce travail à François Lamy. Et l’élu de Palaiseau ne l’a donc pas payé.

Questionné par Mediapart, le ministre a retrouvé dans ses archives un projet de « note d’honoraires » du partenaire de Malisan, Rémi Gilis, l’architecte signataire du permis de construire, décédé dans l’intervalle, mais alors qu’il a conservé toutes les archives de la construction, il a convenu, via son avocat, n’avoir retrouvé aucune trace d’un paiement effectif – ni à M. Gilis, ni à M. Malisan. Dans un document transmis à Mediapart, M. Lamy indique la somme de 10 000 euros comme un montant effectivement réglé, ce qui n’est pas établi.

La liste des entreprises intervenues sur le chantier de la villaLa liste des entreprises intervenues sur le chantier de la villa© DR

À la vue du montant des honoraires d’architectes figurant sur cette liste, nous avions évoqué l’hypothèse d’une « ristourne », mais s’il n’a pas été réglé, le travail effectué par le cabinet Malisan représente – avec ou sans contrepartie – un cadeau assez substantiel à l’élu de Palaiseau, puisque les architectes consultés par Mediapart estiment que cette prestation, maîtrise d’ouvrage comprise, peut être facturée entre 8 et 12 % du tarif de la construction – en l’occurrence 35 000 euros si l’on retient le chiffre de 10 %.

L’architecte Malisan avait été introduit auprès de François Lamy par un fonctionnaire territorial socialiste, Francis Lara, ancien directeur de cabinet de l’ex-président du conseil général Michel Berson, et ancien collaborateur du prédécesseur de Manuel Valls à la mairie d’Évry, Jacques Guyard.

Qui se cache derrière le mystérieux chèque arrivé au service courrier de la mairie d’Évry ?

Manuel Valls et son successeur Francis ChouatManuel Valls et son successeur Francis Chouat© DR

L’architecte François Malisan a aussi travaillé à Évry où il a réalisé, pour la région, le lycée du Parc des loges. Des employés municipaux d’Évry l’ont vu prendre part à des réunions techniques, signer des études et des plans. « Malisan faisait partie du petit réseau de Patrice Schaffuser (le puissant directeur général des services techniques – DGST – de la ville d’Évry, ndlr)  », remarque un ancien cadre de la ville.

Gérée par Manuel Valls de 2001 à 2012, la municipalité d’Évry s’est entourée de prestataires triés sur le volet par les services de Patrice Schaffuser. Europe service groupe (ESG), pour la propreté, SCREG et Travaux publics de Soisy (TPS) pour la voirie, cette même société qui a pris part à la construction de la villa de François Lamy. Autre coïncidence, le siège social de TPS a été construit sur un terrain contigu à celui du domicile de Schaffuser, situé sur la petite commune de Soisy-sur-École (91). Où le DGST d’Évry a aussi domicilié une “association sportive”… de chasse en Sologne qu’il préside. L’association Chasse pêche nature des sources du Beuvron, qui a pour but “d’organiser des chasses tant en France qu’à l’étranger”, lui permet, selon les témoignages d’employés de mairie recueillis par Mediapart, d’assurer son “relationnel” avec les entreprises, et réciproquement.

A gauche, l'entreprise TPS, à droite, l'association de chasse du directeur technique d'EvryA gauche, l’entreprise TPS, à droite, l’association de chasse du directeur technique d’Evry© DR

« C’est l’occasion de faire des voyages en Sologne avec les chefs d’entreprise, témoigne un employé communal, et certains d’entre eux cotisent à l’association. » Une ancienne assistante de direction de Patrice Schaffuser à la mairie d’Évry a témoigné avoir tenu elle-même cette comptabilité, et la liste des cotisants de l’association.

« Il n’y a pas de relation entre la mairie, les entreprises et ma chasse, rétorque le patron des services techniques d’Évry. Ça n’a rien à voir avec la mairie. Il y a des actionnaires qui sont des gens qui cotisent. J’ai des “CD” (cadres dirigeants) qui font des chasses qui ne travaillent pas avec moi. Il n’y a pas de chefs d’entreprise en tant que tels. Ce sont des gens qui sont des actionnaires de chasse. Tout est transparent, tout est clair. » Patrice Schaffuser refuse de nous ouvrir la comptabilité de Chasse pêche et nature des sources du Breuvron. Parmi ses administrateurs, Mediapart a néanmoins identifié le directeur général d’un géant de la promotion immobilière, le directeur commercial d’une société de BTP, ainsi qu’un notaire.

Ces zones grises dans la gestion des marchés publics d’Évry sont à rapprocher d’un incident survenu, en 2008, au service courrier de la mairie, et rapporté à Mediapart par plusieurs salariés. Les employées du courrier auraient ouvert, par erreur, une lettre contenant le chèque d’une entreprise établi à l’ordre d’un membre de l’équipe municipale. « Elles ne savaient pas quoi faire en découvrant ce chèque, explique un collègue. Elles ont prévenu leur responsable qui est arrivé en deux secondes. Il leur a demandé la discrétion la plus totale. » Mais la nouvelle fuite, puis circule.

« Ce n’est pas moi qui ai ouvert l’enveloppe directement, a répondu l’une d’elles, jointe par Mediapart. Mais je ne peux rien dire. Je n’ai pas envie de divulguer quoi que ce soit. » « Ça ne regarde personne »,tranche une autre employée du courrier, non sans confirmer l’existence d’une lettre « qu’il ne fallait pas ouvrir ». « Ça ne sert à rien de remuer la merde, dit-elle à Mediapart. Vous êtes trop curieux, et vous allez tout mettre sur le dos de Valls. » La chef de service du courrier, qui a depuis changé d’affectation, a indiqué récemment à un tiers que cette affaire « n’aurait jamais dû sortir » de la mairie.

Mediapart a donc interrogé le ministre de l’intérieur, qui a répondu n’avoir pas gardé « souvenir d’un tel événement »« Vous n’êtes évidemment pas sans savoir que les dons d’entreprises sont interdits dans le cadre des campagnes électorales ou des partis politiques, et à titre personnel aussi, a ajouté le ministre. Ces pratiques sont étrangères à ma conception de l’engagement public. » Le DGST d’Évry se dit lui aussi « complètement en dehors de tout ça »« J’ai des prestataires, mais tout est traité sous forme de marchés publics et d’appels d’offres », a assuré M. Schaffuser. Francis Chouat, l’ancien premier adjoint de Manuel Valls, et actuel maire d’Évry, n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

À Montgeron, pourquoi le maire et président délégué du conseil général tenait-il lui-même la liste des entreprises attributaires ? 

Gérald Hérault (DVG)Gérald Hérault (DVG)© DR

À Montgeron, le style de l’architecte François Malisan s’est imposé sur les bâtiments publics. Il a en effet obtenu à lui tout seul, et sur concours anonyme, six constructions. Gérald Hérault, le maire, président délégué du conseil général, est lui aussi un ancien collaborateur de Jacques Guyard.

Son opposant UMP, le conseiller régional François Durovray, qui a plusieurs fois signalé les anomalies dans l’attribution des marchés publics de la ville, a été entendu par les enquêteurs de la DRPJ de Versailles, de même qu’un ancien chef de service de la voirie qui a indiqué que son supérieur « affectait les lots » avant les commissions d’appel d’offres. « Notre service municipal fixait un prix, et l’entreprise qui décrochait le marché était toujours quelques euros au-dessus », a-t-il indiqué à Mediapart.

Une dizaine de sociétés – VIA-TP, SACER, TPU, Urbaine de travaux, APPIA, EHTP, SATO, Travaux publics de Soisy, encore elle – auraient bénéficié de ce système, selon l’agent communal. « Ces sociétés ont été tout à fait légalement présélectionnées par la ville pour concourir aux appels d’offres », fait valoir le maire, Gérald Hérault. Mais elles ont aussi, plus secrètement, réussi à se partager les marchés, en faisant en sorte de les obtenir à tour de rôle – avec la complicité de celui qui leur communiquait le juste prix des services techniques. Cela s’appelle l’entente, et c’est pénalement répréhensible.

Mediapart a obtenu un document annoté par le maire, qui fait apparaître une répartition scrupuleuse des marchés entre les entreprises. Gérald Hérault nous a confirmé que ce document était bien de sa main.

La note manuscrite du président délégué du conseil généralLa note manuscrite du président délégué du conseil général© DR

Ce document récapitule les marchés : « C. Franck » (César Franck) et « R. Paumier » (Raymond Paumier) sont des noms de rue. Et les travaux évoqués datent d’après nos recherches de 2009. Gérald Hérault assure qu’il a été rédigé « après les commissions d’appels d’offres », et non pas avant. « Au moment de récapituler, pour faire le point des attributions, et suivre ce qui a été décidé », indique-t-il. Mais le résultat, pris en note, est la déclinaison parfaite du partage. C’est l’entente posée noir sur blanc. Et contrairement à ce qu’assure le maire de Montgeron, il n’est pas « banal » ni « normal » que les maires dressent ce genre de liste de marchés et d’entreprises.

 

Sainte-Geneviève-des-Bois : la société de BTP et voirie de la fille de l’ancien maire Pierre Champion pouvait-elle obtenir légalement autant de marchés publics ?

Pierre Champion (DVG) Olivier Léonhardt (PS)Pierre Champion (DVG) Olivier Léonhardt (PS)© DR

En 2008, lors de son enquête sur les comptes de Julien Dray, le service anti-blanchiment du ministère des finances, Tracfin, avait signalé que le député de la 10e circonscription de l’Essonne avait reçu des fonds de plusieurs chefs d’entreprise actifs dans le département, et que « nombre de chèques enregistrés posaient spécifiquement la question d’une contrepartie ». Les émetteurs de certains chèques ayant « obtenu un chantier public dans (leur) circonscription ».

En juillet 2008, le député avait encaissé un chèque de 10 000 euros émis par l’architecte François Malisan, encore lui. Aucune contrepartie n’avait été mise au jour, mais la somme avait été remboursée par l’élu lors du règlement amiable de l’affaire par le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin. Alors qu’il a finalement abandonné sa circonscription à l’ancien président de SOS Racisme Malek Boutih, Julien Dray voit aujourd’hui son ancien attaché parlementaire, Olivier Léonhardt, maire de Sainte-Geneviève-des-Bois et président de l’agglomération du Val d’Orge, mis en difficulté au sujet des marchés publics.

Les marchés en cause ont été attribués aux Grands travaux de l’Orge (GTO), une société appartenant à la fille de l’ancien maire de la ville, ancien président de l’agglo, et ancien vice-président du conseil général, Pierre Champion. Lorsqu’il était en poste, ce dernier a lui-même attribué des marchés revenant à la société de sa fille, via des entreprises bienveillantes. En juin 2005, le marché « des travaux de voirie des zones d’activités économiques » est confié à l’entreprise Travaux publics de Soisy – TPS, encore elle –, qui déclare par courrier séparé qu’elle désigne la société GTO comme son sous-traitant. Champion avait certifié à Mediapart qu’il n’avait « jamais » confié de marchés à l’entreprise de sa fille…

Le siège de GTO, à Saint-Michel-sur-OrgeLe siège de GTO, à Saint-Michel-sur-Orge© DR

En juin 2008, la même astuce est utilisée par Olivier Léonhardt, le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois, qui désigne l’entreprise SACER, qui déclare aussitôt GTO comme son sous-traitant. Léonhardt vote l’attribution de ce marché au conseil municipal, en son nom et au nom de Pierre Champion, conseiller municipal absent. À Mediapart, Léonhardt a soutenu qu’il « ne savait pas que la fille de M. Champion était l’actionnaire de GTO »… Il savait en revanche ce qu’il devait à Champion, qui lui a laissé deux fois son siège : celui de maire, en 2001, puis celui de président de l’agglomération, en 2008.

Dans une étude récente, un collectif local, l’atelier citoyen EAU du Val d’Orge, a estimé à 15 millions d’euros le montant des travaux confiés à GTO de 2010 à 2012 par Olivier Léonhardt, au nom de l’agglomération, dont Pierre Champion est toujours le vice-président au développement économique. L’entreprise a obtenu aussi de l’instance intercommunale « un accord cadre relatif aux travaux de grosses réparations et aménagement des voiries communautaires ».

« Cette société totalement privée n’a jamais eu à faire la moindre publicité et n’a jamais cherché le client pour se faire sa place », relève l’atelier citoyen, qui dénonce « les écrans un peu sommaires mis en place pour reléguer dans l’ombre les relations familiales ». « Elle ne dispose pas du moindre site internet. Elle présente cette particularité de fonder sa progression exclusivement sur la commande publique et l’appui d’un cercle étroit de collectivités. »

L’ancien maire (PCF) de Fleury-Mérogis, Michel Humbert, a confié à Mediapart avoir interpellé Pierre Champion sur « la connerie » d’avoir « fait travailler sa fille ». « Il m’a dit “ je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas, explique Humbert. Je lui ai dit “tu ne vois pas pourquoi mais c’est interdit : on n’a pas le droit de faire travailler quelqu’un de sa famille, c’est la loi”. Il m’a dit qu’il avait vu son avocat, et qu’il pensait que ça allait être prescrit. Ça veut dire qu’il sait très bien qu’il n’est pas clair sur l’affaire. »


Vigneux : qui a signé un chèque de 39 120 euros pour offrir un 4×4 au maire UMP Serge Poinsot ?

Serge Poinsot (UMP)Serge Poinsot (UMP)© DR

En décembre 2008, Serge Poinsot, le maire UMP de Vigneux-sur-Seine a quitté le garage du concessionnaire BMW de Juvisy au volant d’un 4×4 offert. Sans se poser de questions. Mais devant un témoin : le directeur aux finances de la ville, Gérard Lende. Ce dernier rédige quelques mois plus tard le récit de l’achat, ou plutôt de l’obtention de cette voiture, qu’il adresse au procureur d’Évry en 2009. Un chèque de 39 120 euros a été donné au concessionnaire puis le véhicule a été immatriculé au nom d’un employé communal. Les faits sont simples et a priori faciles à vérifier : mais il faut attendre quatre ans pour que la justice décide seulement d’engager des investigations : ce qu’elle vient de faire, ces dernière semaines. Mediapart a obtenu la copie du récit détaillé livré à la justice par ce cadre communal :

"L'article 40" adressé au procureur par l'ancien directeur financier de Vigneux"L’article 40" adressé au procureur par l’ancien directeur financier de Vigneux© DR
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Le maire prétend qu’il n’a pris possession de la voiture que bien plus tard, quand l’employé communal, en réalité son prête-nom, la lui a cédée. En réalité, un promoteur, implanté sur la commune voisine de Villeneuve-le-Roi, Antonio de Sousa, PDG du groupe France Pierre est soupçonné d’être à l’initiative du paiement de la voiture offerte au maire.

Déjà mis en cause à Ozoir-la-Ferrière (77) et à Villeron (60), pour des faveurs accordées à des élus, M. de Sousa aurait aussi proposé à un élu de l’Essonne la somme de 400 000 euros pour qu’il retire un recours engagé contre l’une de ses opérations en bordure de la forêt de Sénart. À force de constructions – six programmes sur Vigneux y sont encore commercialisés ici –, France Pierre s’est hissé au rang de premier promoteur de ville.

L’enquête de Mediapart a révélé la présence d’intermédiaires en marge de ces constructions. Jacques Augé, patron d’une petite société immobilière – Francilia – adossée au groupe de BTP, TBI-Sham, et son associé Pierre Notton ont réalisé plusieurs opérations lucratives en rachetant des terrains communaux à la commune de Vigneux pour les céder trois ou quatre fois plus cher à d’autres intervenants. Domicilié dans une immense propriété à Boutigny dans le sud de l’Essonne, l’intermédiaire a refusé de nous répondre.

La résidence de l'intermédiaire, dans le sud de l'EssonneLa résidence de l’intermédiaire, dans le sud de l’Essonne© DR

Selon un document obtenu par Mediapart, les intermédiaires Augé et Notton avaient obtenu d’Icade 3 % d’honoraires sur une opération de construction de logement à l’emplacement de l’ancien stade Delaune situé en plein centre-ville. Leur mission fictive était inscrite noir sur blanc sur un protocole d’associés : « assurer le suivi des autorisations administratives » et « les relations avec la ville », moyennant un premier paiement de 2 millions d’euros à l’obtention du permis de construire. 

Les intermédiaires auraient finalement troqué leur pourcentage contre le marché du gros œuvre de l’opération – un contrat de 30 millions d’euros. Selon un témoin retrouvé par Mediapart, Jacques Augé a fait plusieurs voyages au Luxembourg avec le maire de Vigneux et son directeur de cabinet, en parallèle à ses opérations immobilières. M. Augé aurait évoqué lui-même « la remise d’une somme de 250 000 euros à l’occasion d’un de ces déplacements ». Questionnés sur ce point par Mediapart, MM. Poinsot et M. Augé n’ont pas réagi.


Pour quelle raison le groupe Icade offrait-il 13 millions d’euros de plus-value à l’intermédiaire du maire de Fleury-Mérogis ?

Michel Humbert (PCF), et son successeur David Derrouet (PS)Michel Humbert (PCF), et son successeur David Derrouet (PS)© DR

C’est accompagné d’un homme d’affaires basé au Luxembourg que Jacques Augé et Pierre Notton approchent en 2007 Michel Humbert, le maire de Fleury-Mérogis, engagé dans le projet des Joncs marins, un futur lotissement de 108 000 m2 de logements et commerce à bâtir sur 17 hectares rachetés par la ville. Le scénario financier, écrit par la société luxembourgeoise Everest de Vincent Klein (voir notre document ci-dessous), associe un ami du maire, Michel Thouvenin, patron d’une petite société de voirie, l’Essonnoise, et une SCI créée pour l’occasion, Valcopa. Ce dernier n’a pas les moyens financiers de l’opération, mais il fait de sympathiques voyages à Cuba avec le maire.

L'homme d'affaires luxembourgeois résume les discussionsL’homme d’affaires luxembourgeois résume les discussions© DR

Le partenaire luxembourgeois est finalement écarté. Mais peu après, l’intermédiaire proche du maire parvient à monter l’opération avec le groupe Icade. En mars 2008, la mairie signe avec lui une promesse de vente des terrains pour 25 millions d’euros, et moins d’un mois plus tard, il signe à son tour une promesse de revente au groupe Icade pour 38 millions d’euros. Ce montage promet 13 millions à l’ami du maire. Michel Humbert a indiqué à Mediapart qu’il savait qu’un « accord » existait, mais qu’il en ignorait le montant. « La promesse je ne l’ai jamais vue », a-t-il certifié.

Ayant perdu les municipales partielles de 2009, Humbert, remplacé par le socialiste David Derrouet, n’a pas eu non plus l’occasion d’apprendre ce qu’Icade a versé in fine à l’intermédiaire, dont la promesse reçue de la municipalité est restée valable. Icade a indiqué à Mediapart que « le système de deux promesses de vente emmanchées l’une dans l’autre a été abandonné ». Mais dans les années qui suivent, la filiale de la caisse des dépôts a créé plusieurs sociétés civiles de construction avec Michel Thouvenin, qui, en revendant ses parts, a reçu ainsi au moins une partie de son dû.

L’avocat de la commune de Fleury-Mérogis, récemment consulté, aurait conclu à l’illégalité de la promesse de vente entre Thouvenin et Icade, « l’intermédiaire n’étant pas détenteur des terrains ». « J’ai appelé Hervé Manet (le membre du comité exécutif d’Icade, chargé de la promotion - ndlr) pour lui dire que j’avais découvert la promesse de vente sur Mediapart, a commenté l’actuel maire David Derrouet. Il m’a dit qu’il déplorait cette publication, mais que cette promesse n’avait pas abouti, je lui ai dit “je l’espère pour vous parce qu’elle est illégale”. Si la justice prouve que cette promesse de vente a été mise en œuvre, cela voudra dire que la ville aura été lésée, alors évidemment elle se portera partie civile. »

Une première tranche sortie de terre, en mars dernierUne première tranche sortie de terre, en mars dernier© DR

De son côté, l’ancien maire s’est fendu d’un communiqué, lu lors d’un récent conseil municipal : « Jamais je n’ai et je n’aurais accepté une quelconque “magouille“ qui aurait de plus causé préjudice aux intérêts de la commune et des habitants », a-t-il déclaré. « Puisque cet article (de Mediapart) sème un doute insupportable, j’envoie une demande d’enquête au Procureur de la République. Ainsi, si des irrégularités ou des malversations ont été commises comme le laisse supposer cet article, ceux qui en sont ou en seraient les auteurs ou les bénéficiaires devront en répondre devant la justice. »

 

Mediapart a commencé en septembre son enquête en Essonne, en révélant diverses irrégularités liées à la construction de la résidence de François Lamy, député maire de Palaiseau et bras droit de Martine Aubry, nommé ministre de la ville. Nos trois premiers articles sont , ici et encore .

Début janvier, nous nous sommes penchés sur les facilités accordées par l’ancien député maire d’Évry, le ministre de l’intérieur Manuel Valls, à un promoteur proche de Dassault, le groupe Promo Gerim, dans un projet immobilier sur des terrains communaux du vieil Évry. Cet article est .

En février, nous avons commencé le récit des relations incestueuses entre élus, chefs d’entreprise et intermédiaires à Vigneux, Montgeron et Fleury-Mérogis : un premier article a été axé sur les lenteurs judiciaires ici, un second sur les opérations immobilières ici, et un troisième sur les irrégularités des marchés publics de voirie, .

Deux autres articles ont mis au jour le jeu d’intermédiaires qui, à Vigneux ici, et à Fleury-Mérogis , ont obtenu le paiement d’une dîme du groupe Icade, et de plusieurs autres opérateurs immobiliers.

 

 
 

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Transmis par Erual
 Fri, 24 May 2013 18:44:29 +0200 (CEST) 

 
 


Voir en ligne : De Palaiseau à Evry, les secrets de “l’Essonne connexion”

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