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Drones : 1 livre, 1 émission, le Maroc et les Ricains

Grégoire Chamayou - Bruno Marzloff - Mohammed Jaabouk | lafabrique.fr - groupechronos.org - yabiladi.com | mercredi 24 avril, samedi 4, lundi 6 & mardi 14 mai 2013

mardi 14 mai 2013

 Armement : Des Américains enseignent aux Marocains le fonctionnement de drones légers
Mohammed Jaabouk | yabiladi.com | mardi 14 mai 2013
 Théorie du drone ou l’homme distant et disloqué
Bruno Marzloff | groupechronos.org | lundi 6 mai 2013
 Philosophie critique du drone
Grégoire Chamayou & Xavier de la Porte | franceculture.fr | samedi 4 mai 2013
 Théorie du Drone
Grégoire Chamayou | lafabrique.fr | mercredi 24 avril 2013




yabiladi.com

Armement : Des Américains enseignent aux Marocains le fonctionnement de drones légers
Mohammed Jaabouk | yabiladi.com | mardi 14 mai 2013

En dépit des tensions politiques, la coopération militaire entre les Etats-Unis et le Maroc poursuit son programme. Preuve en est le récent cours de fonctionnement de drones légers prodigué par des soldats américains à leurs homologues marocains.

Un drone Raven-B lancé par un soldat américain /DR

Des militaires américains enseignent à des soldats marocains le bon fonctionnement de drones légers de combat de type Raven RQ-11B, ou "Raven-B". Des Allemands ont également pris part à cet exercice qui s’est déroulé, début mai, au sud du royaume. C’est, en effet, la première fois que Berlin participe à un tel événement sur le continent africain. Cet entrainement est la composante aérienne des manœuvres militaires entrant dans la cadre de la 13ième édition de l’African Lion qui a eu lieu alors que les opérations terrestres ont été suspendues par le Maroc en réaction au projet de r&ea
cute ;solution américain prévoyant un élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara.

Le Maroc au même titre que les pays d’OTAN à bénéficier de cet entrainement

Une recherche sur internet nous apprend que ce type de drone est utilisé spécialement par l’armée de terre des Etats-Unis et certains de ses alliés au sein de l’OTAN, les Britanniques, Espagnols, Australiens, Danois, les Néerlandais ainsi que les Italiens. Le Maroc parvient, ainsi, à arracher une place au sein de ce club, visiblement très select. Le drone Raven-B, est "conçu pour un déploiement rapide et une grande mobilité pour les opérations militaires et commerciales. Le Raven répond aux exigences de l’armée pour la reconnaissance à basse altitude, de surveillance et la détection des objectifs », lit-on sur le site spécialisé army-technology.com. 

Le drone est lancé à la main avant d’être propulsé grâce à un moteur électrique. Il atteint la vitesse de 95km/h pendant environ une heure et demi. Le coût de chaque Raven avoisne les 35 000 dollars. Un prix qui augmente à 250 000 dollars en incluant le système de guidage. Par ailleurs, ce drone a des capacités offensives et défensives. Il peut être utilisé, également, dans le cadre d’opérations civiles.

Le Maroc achètera-t-il ces drones légers ?

Normalement, cet exercice de familiarisation des militaires marocains avec le fonctionnement des drones légers de type Raven RQ-11B devrait se conclure par la signature, dans les prochains mois, d’un contrat d’achat de ces appareils. Il y a de fortes chances que le Maroc emboite le pas, notamment à la Grande-Bretagne, le Danemark (12 systèmes) et aux Pays-Bas (72 systèmes), trois pays ayant acquis ce genre de drone sachant que les Anglais l’ont déjà utilisé en Irak.

Cependant, les Etats-Unis, comme le souligne le site army-technology.com, demeurent le plus gros acquéreur des Raven RQ-11B, avec un total de 2358 systèmes. Un contrat conclu en 2010 avec la société productrice.





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Théorie du drone ou l’homme distant et disloqué
Bruno Marzloff | groupechronos.org | lundi 6 mai 2013

La guerre ne vous grise pas ? Vous serez pourtant stupéfaits par Théorie du drone, sorti fin avril aux éditions La Fabrique. Grégoire Chamayou y interpelle la guerre à distance, qui mobilise militaires, politiques, publicistes et maintenant penseurs. Le philosophe ne se contente pas non plus de démonter, pièce par pièce, le discours lénifiant de "la-précision-des-frappes-chirurgicales-sans-dommages-collatéraux". Il entreprend aussi de déminer "le monde comme terrain de chasse" et "la fabrique de l’irresponsabilité" induite par ces télétechnologies. Le drone, doté d’un "surmoi machinique" (en plus de ses caméras, capteurs et armes), prenant ses ordres d’on ne sait quelle incarnation étatique, manipulé à distance, renvoie à la métaphore d’un big data "surveillant" immiscé dans les ultimes plis de l’intime par la batterie des capteurs qui jalonnent nos existences. Sous d’autres parallaxes, le drone interroge la responsabilité politique et la fuite en avant du numérique. Avec, au coeur de la réflexion, la condition de "l’homme distant", qui nous intéresse particulièrement ici.

 

Par exemple, comment "couper l’interrupteur pour passer du "mode travail" au "mode maison" quand vous êtes pilote d’un drone depuis le fin fond de l’Arkansas et que votre job consiste à pister des cibles afghanes jusqu’au "go" qui les éliminera froidement et sans risque aucun ? Là, une déferlante de questions surgit, éthiques, politiques, morales, techniques, sociologiques qui, à des degrés divers, interrogent, par cet exemple radical, ce que nous appelons "le quotidien à distance". Ainsi, au milieu du livre, l’auteur évoque le "pilote" comme un trivial "travailleur à distance", au terme d’une analyse des pathologies qui affectent certains de ces quasi-gamers. Ils ne sont ni pilotes au sens classique, ni soldats sur le front, mais de banal commuters qui donnent la mort assis sur un fauteuil, après avoir embrassé leur femme en quittant le domicile.

 

L’expérience disloquée

 

Cette forme improbable de guerre "à distance" est la suite d’une longue histoire ; celle des sociabilités à distance, ouvertes par le téléphone il y a plus d’un siècle. Il y a longtemps que la vente à distance servait les campagnes mal achalandées et une grosse dizaine d’années que le "commerce à distance", numérique aidant, fait ses gammes et s’impose magistralement au point de représenter quelques dizaines de milliards de chiffre d’affaires en France et surtout des ruptures de comportements. Comme dans une chasse à l’homme, la traçabilité est le moteur de la plateforme Amazon et le garant de son développement gigantesque. Le "travail à distance", improprement nommé télétravail, se déploie irrémédiablement malgré de multiples résistances culturelles et sociales. Submergeant les formes classiques du labeur, il révèle des liens et des formes de travail éparpillés dans l’espace et le temps. Le jeu aussi s’est emparé de la distance, au point justement, d’une confusion avec la guerre à distance. La preuve est faite que la santé s’administre sans difficulté à distance, comme la formation, sans parler du relationnel qui ne distingue plus le proche du lointain. Le téléphone connaît des extensions nouvelles de dialogues à distance avec Twitter, Facebook, Skype ou la téléprésence. Mais la guerre ! Personne n’avait songé à l’insérer dans cette expérience singulière du "à distance" au même titre que les autres activités. En fait, le drone dramatise un mouvement qui affecte toutes les activités de "l’homme distant". Réfléchissant dans E-topia [1] sur les chamboulements numériques à venir dans la ville, William Mitchell observait que la combinaison de multiples déterminants inoffensifs peut produire, lorsqu’ils convergent, de la nitroglycérine. Nous sommes à ce moment explosif de l’Histoire.

 

Quand le pilote sur site du drone agit, il active sa souris à des dizaines de milliers de kilomètres et l’écran le propulse en même temps près de la même cible, via la caméra du drone, au point de distinguer l’arme, le geste, la posture dont il déduit, à tort ou à raison, l’intention. "Le problème de ce qu’on appelle ’distance’ recouvre plusieurs dimensions que l’expérience ordinaire confond, mais que les télétechnologies à la fois disloquent et redistribuent spatialement. On peut être à la fois proches et distants, selon des dimensions inégales et combinées de coprésence pragmatique." Une dissociation s’opère entre distance physique et distance perceptive. Elle change tout de l’expérience du quotidien.

 

C’est plus compliqué encore, décortique l’auteur. "C’est cette unité immédiate (du corps agissant, du corps percevant, du corps perceptible, du corps vital) que les télétechnologies défont, en ajoutant à la synthèse immédiate une autre, en la redoublant d’une synthèse technique qui reconfigure radicalement les rapports entre ces quatre aspects." Un brillant essai dans l’essai, curieusement niché dans une très longue note théorique en fin d’ouvrage et à lire absolument. Les contemporains des premiers téléphones parlaient de "présence diminuée", car "réduite à une partie des dimensions de la présence - entendre et parler sans voir... ni toucher, ni sentir". Ce démembrement de l’homme, reflet d’une "expérience disloquée", se conjugue avec une étrange dispersion spatiale : "L’événement est écartelé entre les extrémités de son effectuation." Dès lors, ces soldats face à l’écran seraient-ils joueurs et simples témoins ? Non bien sûr. "Ils sont les auteurs de cette mort, de cette blessure, de cette menace". Mais l’expérience n’a plus rien à voir avec celle du combat au terrain. "Le drone perturbe les catégories au point de les rendre inapplicables."

 

 

 

 

 

La fabrique de l’irresponsabilité

 

L’auteur interroge "la fabrique de l’irresponsabilité". Qui est responsable et qui le revendiquerait en cas d’une erreur technique ? Le politique se défausse sur le fabricant, qui se défausse sur le concepteur de l’algorithme, qui se défausse sur le programmeur, etc. On se souvient des propos de Bernard Stiegler : "Dans une société de la consommation, tout est fait pour ne plus avoir de responsabilité", qui fait écho à celle de l’auteur : "Nous sommes en train de nous engager dans une société des automatismes." Automatisme, irresponsabilité ? On entre dans la face obscure du progrès technologique. L’infiniment rapide de la haute technologie échappe au contrôle humain. Ce diptyque (Automatisme = Irresponsabilité) est à l’oeuvre dans le trading à haute fréquence (THF), aux mouvements erratiques et aux incidences systémiques. En l’occurrence, cet article des Inrocks parle d’ailleurs de "course à l’armement". "A ces échelles, l’intervention humaine n’est plus possible", peut-on lire. L’ONG Finance Watch compare les algorithmes du THF à des voitures pilotées par GPS qu’on lancerait sur les routes sans les avoir bien vérifiées. Du coup, on s’interroge également sur la similitude de ce syndrome à propos de la voiture automatique. Pour l’heure, l’irresponsabilité est le seul véritable obstacle à la généralisation de la voiture sans chauffeur. Aucun assureur n’est prêt à assurer cet engin tant qu’aucune définition de responsabilité n’est énoncée. Mais s’est-on demandé au nom de quoi l’on fabrique une automobile sans pilote ? Les conséquences de cette affaire n’ont rien à voir avec les séquelles monstrueuses de la guerre à distance, mais elle pose une question similaire. Qu’est-ce qui justifie cette fuite en avant machinique ? Pour ce qui est des drones, le constat final de Chamayou est que cette escalade technologique est le seul moyen qu’il reste aux autorités américaines - "le Reich américain" en référence aux avions nazis sans pilote V-1 et V-2 bombardant Londres en 1944 -, pour trouver une issue à un problème politique : les Américains ne veulent plus faire la guerre ! Pour la voiture, le procès devrait être du même ordre, mais la réflexion n’en est pas là. Pourtant, la route tue 93 personnes par jour sur les seuls Etats-Unis, plus mortelle que toutes les guerres en cours.

 

Cette contribution devrait encourager les chercheurs en sciences sociales à explorer "l’homme disloqué" dans ses pratiques plus banales du quotidien à distance. Ce bouquin est incroyablement stimulant tant il renverse de certitudes. Vous aurez en prime une photo de la jeune et ravissante Norman Jean Dougherty, alias Marilyn Monroe, une hélice de drone dans les mains en 1944 (même date que les V-1, tiens !)... Preuve que l’histoire couvait depuis un moment.

 

[1] E-topia, MIT Press1999. William Mitchell fut doyen du Laboratoire d’Architecture et d’Urbanisme du Massachusset Institute of Technology.

 





franceculture.fr

Philosophie critique du drone
Grégoire Chamayou & Xavier de la Porte | franceculture.fr | samedi 4 mai 2013


Il arrive parfois, c’est rare, qu’un livre produise un effet étrange. A mesure qu’on le lit, naît le sentiment, non formulé jusque là, qu’on avait besoin de ce livre, qu’il répond à des questions qu’on se posait, mais vaguement, le livre créé sa nécessité et, à peine refermé, il devient une étape de notre formation intellectuelle. 

 

Pardonnez ce lyrisme, mais l’effet qu’a produit sur moi La Théorie du drone, dont nous allons parler ce soir. A quiconque suit un peu l’actualité internationale, et de surcroit les questions technologiques, le drone pose problème. Ces objets sans hommes qui volent presque sans arrêt, qui surveillent en permanence des pays avec lesquels les Etats-Unis ne sont pas en guerre ; les soi-disant frappes ciblées qui tiennent lieu de guerre contre le terrorisme et ont lieu à peu près tous les 4 jours dans un demi-secret ; l’idée que cette guerre serait humanitaire car précise car épargnant la vie des soldats américains ; et ces soldats américains qui tuent au Pakistan ou en Afghanistan depuis des hangars climatisés du Nevada, des soldats qui ne risquent rien mais qu’on dit affublés de syndrome post-traumatique … tout cela produit forcément un malaise. 

 

En France, on en parle peu, si ce n’est pour constater, à l’occasion de l’intervention des troupes françaises au Mali qu’on est vraiment sous-équipés en drones, et que ça nous serait bien utile. Eh bien c’est le moment de lire La Théorie du drone : d’abord pour constater qu’il y a un débat très intense et très profond aux Etats-Unis (et ailleurs, en Israël par exemple) sur les drones. Ensuite pour être convaincu que les drones n’engagent pas seulement des questions de doctrine militaire et d’art de la guerre, mais qu’ils posent des problèmes moraux, politiques et métaphysiques dont il faudrait mieux débattre avant qu’il ne soit trop tard.

 

Grégoire Chamayou 

 

Philosophe. Chercheur au CNRS, au laboratoire Cerphi de l’ENS Lyon et donc l’auteur de cette Théorie du drone qui vient de paraître à La Fabrique. 






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Transmis par Voltaï
Wed, 8 May 2013 11:11:11 +0200





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Théorie du Drone
Grégoire Chamayou | lafabrique.fr | mercredi 24 avril 2013

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« Oh, la belle cible ! J’essaierais de passer par l’arrière pour la mettre en plein dans le mille. » Ce n’est pas un sniper qui parle depuis un toit d’immeuble, c’est un personnage confortablement installé à la base de Creech, dans le Nevada. Il pilote un drone qui s’apprête à lancer un missile Hellfire sur un groupe suspect en Afghanistan.
Avec le drone armé, entre la gâchette sur laquelle on a le doigt et le canon d’où va sortir le projectile, ce sont des milliers de kilomètres qui s’intercalent. Cette mise à distance fait éclater la notion même de guerre : qu’est-ce qu’un combattant sans combat ? où est le champ de bataille ? et peut-on vraiment parler de guerre quand le risque n’est pas réciproque, quand des groupes humains entiers sont réduits à l’état de cibles potentielles – en attendant de devenir légitimes ?
Dans la guerre à distance, peu importe que ce soient des machines qui tuent des êtres humains : l’essentiel est qu’elles les tuent humainement. Ce livre montre la gravité des questions éthiques, psychologiques, juridiques, que pose cette nouvelle merveille de la technologie militaire.

Grégoire Chamayou
Agrégé de philosophie, Grégoire Chamayou est chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Cerphi ENS Lyon.






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