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CIA, MI6 et financement (occulte) des loyautés afghanes

Boris Mabillard | letemps.ch | Jeudi 2 mai 2013

jeudi 2 mai 2013

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Du cash pour acheter les loyautés afghanes
Boris Mabillard | letemps.ch | Jeudi 2 mai 2013

Hamid Karzaï a confirmé avoir reçu des millions de dollars en cash de la part de la CIA

Les services du contre-espionnage américain (CIA) et britannique (MI6) auraient donné, depuis 2001, des dizaines de millions de dollars en cash au président afghan Hamid Karzaï pour étendre leurs réseaux d’influence. L’argent livré dans des valises, des sacs de voyage ou même des cabas ne faisait que transiter par la présidence afghane. Il repartait aussi discrètement qu’il était arrivé vers de mystérieux bénéficiaires. Ces livraisons d’argent fantôme, révélées dimanche passé par le New York Times
(NYT), choquent par leur ampleur et parce que les armées d’occupation n’ont eu de cesse de fustiger la corruption des notables afghans qu’elles prétendaient combattre. En fait, elles la nourrissaient.

Tous ont payé

A la suite des révélations, le président afghan, en voyage en Finlande, a confirmé les transactions lors d’une conférence de presse, lundi : « Du liquide, mais des sommes modiques, dont nous sommes reconnaissants aux Américains. » Le NYT a, lui, évoqué l’ordre de grandeur des montants, « qui variaient de centaines de milliers à plusieurs millions de dollars » en livraisons quasi mensuelles. Selon Hamid Karzaï, les fonds servaient à la reconstruction du pays et « pour aider à soigner des blessés, financer des hôpitaux ». Une hypothèse hautement improbable pour Baryalai Zia, de l’Afghan Civil Society Forum (ACSF), une ONG afghane : « Pourquoi utiliser des fonds secrets pour des hôpitaux ? Pourquoi le budget de l’Etat n’en fait-il pas mention ? Il s’agit de corruption scandaleuse et la seule question est de savoir si le président lui-même s’est servi au passage. Seule une enquête pourrait le dire, mais elle n’aura jamais lieu. »

Ces versements auraient commencé dans la foulée de l’invasion américaine, en 2001. D’autres pays ont mis la main au porte-monnaie pour s’attirer les faveurs afghanes. En 2010, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, confiait que son pays avait arrosé la présidence afghane. Selon le quotidien britannique The Guardian, le MI6 se livrait aux mêmes pratiques, mais à une échelle plus petite. Pour Nushin Arbabzadah, universitaire aux Etats-unis et spécialiste de l’Afghanistan, l’achat de loyautés est profondément enraciné dans la culture afghane : « Les Britanniques payaient, les Russes aussi, pour obtenir que les Afghans se battent, ou au contraire pour qu’ils déposent les armes. »

Au début destiné à aider les chefs de guerre engagés dans la lutte contre les talibans, l’argent aurait ensuite été utilisé pour retourner les chefs hostiles au gouvernement d’Hamid Karzaï et rétribuer les alliés du président afghan. Mais malgré les sommes payées, le gouvernement afghan ne parvient toujours pas à étendre son pouvoir sur l’ensemble du territoire. Les chefs sont devenus plus gourmands et ne se sentent qu’à moitié liés par les libéralités du président. Les Etats-Unis n’ont pas obtenu non plus ce pour quoi ils avaient déboursé. Au contraire, le système mis en place se retourne contre eux : en les payant, ils ont renforcé le pouvoir des chefs de guerre, explique Namatullah Ibrahimi, un analyste indépendant basé à Kaboul. « La corruption et l’absence de transparence des acteurs étrangers sapent la crédibilité du message qu’ils essaient de faire passer. Cela donne raison à tous ceux qui crient « tous pourris », et qui ne croient pas que la communauté internationale œuvre à reconstruire l’Etat afghan. »

Coups bas

Le départ des forces occidentales et l’élection présidentielle afghane auront lieu l’année prochaine. La préparation de ces deux échéances implique des négociations entre l’Afghanistan et les Etats concernés par la reconstruction du pays. Mais les relations entre Kaboul et Washington sont au plus mal, explique Nushin Arbabzadah : « Depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, elles n’ont cessé de se détériorer. Ce qui explique les propos du président afghan, qui a volontiers confirmé l’existence de cet argent fantôme et même remercié. » Namatullah Ibrahimi va plus loin : « Afghans et Américains négocient des accords de sécurité. Hamid Karzaï ne se représentera pas, mais il veut placer ses pions. Les deux parties se livrent à un bras de fer où les coups bas, comme la révélation de réseaux de corruption, sont permis. »

 
 

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Transmis par Liliane Peret
 

 
 


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