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Le pape remplace-t-il Hugo Chavez ?

André Maltais | lautjournal.info | mardi 16 avril 2013

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Le pape remplace-t-il Hugo Chavez ?
André Maltais | lautjournal.info | mardi 16 avril 2013

Dans un article intitulé Vaticano, revolucion y contrarevolucion en America Latina, et publié sur le portail internet, America XXI, l’écrivain et éditeur vénézuélien, Luis Bilbao, affirme qu’il y a beaucoup de symboles et bien peu de hasard entre la mort d’Hugo Chavez et, cinq jours plus tard, le remplacement du pape par l’Argentin, Jorge Bergoglio, ex-militant de l’organisation péroniste d’extrême-droite, Guardia de hierro (Garde de fer).

La grave crise économique du capitalisme, dit-il, et son autre face, l’avancée de la révolution, obligent le Vatican à se défaire de l’extrême-droite représentée, depuis 1978, par l’Opus Dei et les papes Karol Wojtyla (Jean-Paul II) et Joseph Ratzinger (Benoît XVI) comme l’ont fait les États-Unis avec les Républicains.

Les peuples sont de nouveau forcés à l’austérité et à la pauvreté et c’est, pour l’instant, la stratégie de la « main amie » qui prévaut. Celle-ci a porté Barack Obama au pouvoir, à Washington, et, tout récemment, désignait, à Rome, un pape issu de l’ordre des Jésuites (rival de l’Opus Dei) et se réclamant de François d’Assise et de « l’église des pauvres pour les pauvres ».

À la crise économique mondiale, s’ajoute, pour l’Église catholique, la non moins grave et mondiale crise qu’elle traverse : perte de fidèles, corruption et gaspillage dans la haute-hiérarchie, déficit astronomique, accusations de pédophilie, blocage sur des questions comme celles du mariage des prêtres, de l’avortement et de l’homosexualité, etc.

Tout cela est plus que suffisant pour remplacer le pape, un fait similaire à celui de 1978 quand, un mois seulement après sa désignation, le pape Jean-Paul Ier avait été trouvé mort dans sa chambre et remplacé par le polonais Wojtyla.

Quatre ans plus tard, celui-ci libérait l’Opus Dei de toute sujétion territoriale la rendant redevable au seul pape, en même temps qu’il suspendait l’ordre des Jésuites et en remplaçait le supérieur général, Pedro Arrupe.

Pour Bilbao, auteur, en 1989, d’un livre intitulé CIA-Vaticano : associacion ilicita, Washington a été le protagoniste des changements de 1978 et de 2013. En 1978, dit-il, les cibles visées étaient l’Europe de l’Est (à partir de la Pologne) et l’Amérique latine (plus particulièrement le mauvais exemple nicaraguayen et l’influence de la théologie de la libération).

Quelques années plus tard, les régimes d’Europe de l’Est tombaient les uns après les autres, la révolution sandiniste s’écroulait dans le feu et le sang, les adeptes jésuites de la théologie de la libération étaient éliminés et l’URSS démantelée.

En 2013, l’Amérique latine est devenue l’épicentre de la révolution mondiale, se permettant même de ressortir le socialisme des boules à mites. De plus, dans ce principal bastion catholique du monde, le Vatican a perdu le quart de ses fidèles au cours des trente dernières années.

D’où le choix d’un pape latino-américain qui a déjà commencé à flatter la « nouvelle Amérique latine » et qui, nous dit Bilbao, n’hésitera pas à se « déguiser en Chavez » pour mieux remplir la mission conjointe CIA-Vatican d’en finir avec la révolution au sud du Rio Bravo.

L’Argentine, elle, est choisie pour sa faiblesse ; parce qu’elle apparaît comme le pays important le plus susceptible d’être décroché du bloc progressiste latino-américain à court terme.

L’un des premier pays de ce bloc à être frappé sérieusement par les effets de la crise mondiale, l’Argentine paraît vivre la fin du cycle des Kirchner, alors qu’une ample coalition électorale regroupée autour de la stratégie latino-américaine états-unienne est en voie de se former pour 2015.

La tactique consiste à affaiblir les appuis régionaux du Venezuela parce que ce pays est l’avant-garde de l’avant-garde révolutionnaire latino-américaine.

Cette tactique semble prometteuse, nous dit l’avocat et journaliste pour le Réseau latino-américain sur la dette, le développement et les droits (Latindadd), Carlos Alonso Bedoya, pour qui la seconde décade du 21e siècle se caractérise déjà par le gel des processus de rupture de l’hégémonie néo-libérale et d’intégration politique et financière de la région pourtant lancés avec force, il y a une dizaine d’années.

Bedoya situe le point d’inflexion en 2011, quand les États-Unis, aidés de la droite et des Forces armées péruviennes, sont parvenus à arracher le Pérou du nouveau président, Ollanta Humala, à l’influence brésilienne.

Jusque là, explique-t-il, une solide alliance semblait unir Humala, alors candidat à la présidence, et le gouvernement brésilien de Dilma Roussef. Les programmes sociaux, la coopération militaire, les centrales hydroélectriques et un gazoduc traversant le sud du Pérou semblaient aller bien au-delà d’une relation bilatérale normale entre deux pays. Elles renforçaient l’Unasur en lui ouvrant pour la première fois une façade sur l’Océan Pacifique.

Mais Humala s’est révélé très loin d’être un second Hugo Chavez, comme le qualifiaient pourtant ses adversaires de la droite.

Les programmes sociaux sont passés à la Banque mondiale au lieu de la BNDS brésilienne, la coopération militaire est morte quand Humala a choisi les avions KT1 de la Corée du Sud au lieu des Super Tucano du Brésil, les projets hydroélectriques sont restés en plan, tandis que les firmes brésiliennes Odebrecht et Petrobras ont été écartées de la construction de l’oléoduc gazier et de l’exploration pétrolière de Camisea.

La présidente brésilienne a réagi en boudant le 6e Sommet des chefs d’État de l’Unasur, à Lima, à la fin du mois de novembre 2012. Trois autres présidents, parmi les plus enthousiastes promoteurs de l’intégration latino-américaine, manquaient aussi à l’appel : Evo Morales (Bolivie), Cristina Fernandez (Argentine) et Hugo Chavez (Venezuela), ce dernier étant malade.

Pendant que des dossiers aussi importants que la Banque du Sud, la demande bolivienne d’accès à la mer, le conseil de défense régional et la monnaie sud-américaine piétinent, ajoute Bedoya, l’Alliance du Pacifique, formée des pays alliés aux États-Unis, fonce à toute allure, de sorte que la région est maintenant littéralement séparée en deux.

La République Dominicaine s’apprête à devenir le cinquième membre de l’Alliance qui comprend déjà le Mexique, le Chili, la Colombie et le Pérou. Cinq autres pays en sont des membres observateurs : le Costa-Rica, le Panama et le Guatemala, en Amérique centrale, mais aussi le Paraguay et l’Uruguay, deux membres du Mercosur !

Presque tous ces pays ont des traités de libre-échange entre eux et avec les États-Unis, abritent des bases militaires états-uniennes ou permettent aux militaires états-uniens d’opérer sur leur territoire contre le crime organisé et le trafic de drogue, mènent des exercices militaires conjoints avec les États-Unis et, dans le cas du Mexique et du Chili, sont membres de l’OCDE.

Une zone de libre-échange existe aujourd’hui de l’Alaska à la Patagonie chilienne du côté de l’Océan Pacifique (avec la seule exception de l’Équateur) et rappelle de plus en plus la supposée défunte ZLÉA. Cela, pour le cubain Guillermo Andrés Alpizar, du Centre d’investigation et d’économie mondiale, est une possible blessure mortelle pour l’intégration sud-américaine.

Dans ce contexte, l’asphyxiante accolade papale à l’Argentine vient ajouter sa part de confusion dans une région de moins en moins ouverte à l’idée brésilienne d’une Amérique latine intégrée et parlant d’une voix forte dans le monde multipolaire et en pleine reconfiguration d’aujourd’hui.


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