Accueil > 2013 > avril > Novartis prend une claque en Inde

Novartis prend une claque en Inde

Catherine Frammery | letemps.ch - ms.fr | lundi 1er & mardi 2 avril 2013

mardi 2 avril 2013

sur cette page
 La Cour suprême indienne rend son jugement dans le cas Novartis
ms.fr | lundi 1er avril 2013
 Le procès perdu de Novartis en Inde
Catherine Frammery | letemps.ch | mardi 2 avril 2013

sur le net
 Brevet : le suisse Novartis prend une claque en Inde
latribune.fr | lundi 1er avril 2013
 Novartis reçoit une « grosse claque » en Inde
Samuel Jaberg | swissinfo.ch | mardi 2 avril 2013





msf.fr

La Cour suprême indienne rend son jugement dans le cas Novartis
ms.fr | lundi 1er avril 2013

La décision rendue préserve l’accès à des médicaments abordables et empêche que des médicaments soient brevetés de manière abusive.

La décision historique de la Cour suprême de l’Inde basée à New Delhi, qui a confirmé aujourd’hui l’interprétation de la loi indienne sur les brevets malgré sept ans de contestation par la compagnie pharmaceutique suisse Novartis, est une victoire majeure pour l’accès des patients à des médicaments abordables dans les pays en développement, déclare Médecins Sans Frontières.

« C’est un énorme soulagement pour les millions de patients et de médecins dans les pays en développement qui dépendent des médicaments à coûts abordables provenant de l’Inde, et pour les fournisseurs de soins comme MSF, a déclaré le Dr Unni Karunakara, Président international de MSF. La décision de la Cour suprême rend désormais beaucoup moins probables les brevets sur les médicaments dont nous avons désespérément besoin. C’est le signal le plus fort possible qui est envoyé aujourd’hui à Novartis et aux autres sociétés pharmaceutiques multinationales pour qu’elles cessent d’attaquer la loi indienne sur les brevets. »

L’Inde a commencé à octroyer des brevets sur les médicaments pour se conformer aux règles du commerce international, mais a conçu sa loi avec des mesures de protection - y compris une clause dite section 3 (d) - qui empêche les entreprises d’abuser du système des brevets. La section 3 (d) n’autorise pas les entreprises de breveter des médicaments qui sont des modifications de médicaments existants, dans le but d’étendre leur monopole.

Novartis a d’abord emmené le gouvernement indien devant les tribunaux en 2006 pour contester la loi indienne sur les brevets de 2005. L’entreprise pharmaceutique voulait obtenir plus de possibilités pour breveter ses produits que ce qui était proposé par la loi. Dans un premier procès devant la Haute Cour de Chennai, Novartis a prétendu que la loi ne répondait pas aux règles fixées par l’Organisation mondiale du commerce et violait la constitution indienne. Novartis a perdu ce procès en 2007, mais a fait appel devant la Cour suprême dans le but d’affaiblir l’interprétation de la loi et de la vider de sa substance. Aujourd’hui, toutes les demandes de Novartis ont été rejetées par la Cour suprême.

« Les attaques de Novartis sur la section 3 (d) - l’un des éléments de la loi indienne sur les brevets qui protègent la santé publique - ont échoué, a déclaré Leena Menghaney, responsable pour l’Inde de la Campagne d’Accès de MSF. Les bureaux de brevets en Inde ont aujourd’hui reçu un signal clair que la loi devra être appliquée strictement, et que les demandes de brevets frivoles devront être rejetées.  »

Alors que les attaques juridiques répétées de Novartis sur la section 3 (d) visaient à assurer qu’un plus grand nombre de brevets soient accordés en Inde, y compris sur les médicaments existants, l’action menée par la société a suscité d’importantes inquiétudes sur les implications de la décision pour la question plus large du financement de l’innovation médicale.

« Pour le moment l’innovation médicale est financée par les prix élevés des médicaments, soutenus par les monopoles de brevets, au détriment des patients et des gouvernements des pays en développement qui ne peuvent pas payer ces prix, a déclaré le Dr Karunakara. Au lieu de chercher à abuser du système des brevets en pliant les règles et en revendiquant une protection toujours plus longue pour les anciens médicaments, l’industrie pharmaceutique devrait se concentrer réellement sur l’innovation, et les gouvernements devraient élaborer un cadre permettant aux médicaments d’être développés d’une manière qui rende leur accès abordable. C’est une discussion qui doit se tenir. Nous invitons Novartis à faire partie de la solution, au lieu d’être une partie du problème.  »



Consultez le dossier spécial qu’MSF a consacré au procès intenté par Novartis contre l’Inde.

 
 

****
Transmis par Michel LANG
 Tue, 2 Apr 2013 19:01:41 +0200
 

 
 



letemps.ch

Le procès perdu de Novartis en Inde
Catherine Frammery | letemps.ch | mardi 2 avril 2013

L’Inde confirmée dans son rôle de premier pays producteur de génériques, aux dépens de Novartis. (Keystone)

L’Inde confirmée dans son rôle de premier pays producteur de génériques, aux dépens de Novartis. (Keystone)

Le refus par la Cour suprême indienne de protéger la nouvelle version du médicament Glivec, utilisé contre une certaine forme de leucémie, marque, de l’avis général, une étape historique dans le développement des pharmas dans les pays émergents. Sans que ses conséquences fassent l’unanimité

C’est un tremblement de terre pour les pharmas que la presse identifie dans le jugement de la Cour suprême indienne rendu public ce 1er avril, selon lequel la firme bâloise ne peut obtenir de brevet sur sa dernière version du Glivec, les améliorations par rapport à l’ancienne forme du produit ne pouvant pas être considérées comme substantielles (voir l’explication dans le Daily Bashkar). Sept ans de bataille judiciaire s’achèvent (il n’y a plus de recours possible) et toute la presse est consciente qu’il s’agit d’un tournant. Pour un exposé des arguments, voyez le Handelsblatt allemand, ou la Basler Zeitung, qui expliquent d’abord la position de Novartis : « La nouvelle version du Glivec est meilleure car elle peut être administrée sous forme de comprimé et donc mieux absorbée par le corps. Cette « percée » du développement a pris des années de travail de recherche et de développement et de ce fait rend normal selon Novartis un nouveau brevet. Que la firme a d’ailleurs déjà obtenu dans près de 40 pays, y compris la Chine, la Russie et Taïwan. » Côté réactions, les deux journaux racontent aussi la joie des ONG comme Médecins sans frontières ou la Déclaration de Berne, qui ont salué une « victoire importante pour les malades dans les pays pauvres […]. Pour l’Inde, la santé publique prime sur les intérêts économiques. »

Comme l’écrit d’emblée le New York Times : « Les habitants des pays en voie de développement continueront d’avoir accès à des copies bon marché de médicaments utilisés contre le sida ou les cancers, au moins pour l’instant. Le jugement de la Cour suprême indienne autorise la production de médicaments génériques dans le plus grand labo du monde que l’Inde est devenue. » « Le positif, c’est que nous n’avons plus à nous faire de souci pour les médicaments que nous utilisons en ce moment, explique une avocate de Médecins sans frontières, mais la question à un milliard est : que se passera-t-il pour les prochains médicaments à venir »…

Alors bien sûr, il y a le procès perdu par les Bâlois. « Un sérieux revers » pour Novartis, titre Les Echos, qui parle aussi de son échec « cuisant ». Mais il y a surtout cette autre question à un milliard, qui traverse toute la presse, et qui est celle de la confiance à accorder à l’Inde en matière de propriété intellectuelle, rien de moins. Car au-delà du Glivec et de Novartis, c’est toute l’industrie pharmaceutique qui est chamboulée par la décision indienne. Le contexte ne lui est décidément pas favorable. Le Financial Times rappelle : « Après des décennies pendant lesquelles les médicaments génériques indiens représentaient une catastrophe pour les pharmas occidentales, celles-ci, qui attendaient beaucoup de la loi sur les brevets de 2005, ont été bien déçues. Cette loi adoptée pour se conformer aux règles de l’OMC cherche à équilibrer les demandes des pharmas occidentales de protection de leurs innovations avec l’intérêt public d’avoir des médicaments à bon marché. La loi prend aussi en compte le rôle de l’Inde comme usine mondiale de médicaments, et le processus d’« evergreening » – améliorer à la marge un ancien produit dans l’unique but de faire renouveler son brevet et prolonger le monopole. » Pour faire bref, un médicament doit désormais faire la preuve d’une efficacité nettement accrue pour obtenir le renouvellement de son brevet.

Et c’est cette prise en compte de l’« evergreening », le fameux article 3b de la loi, que la NZZ combat dans un commentaire cinglant. Le journal évoque une décision « inintelligente » des juges, d’un processus « politisé, et d’un verdict qui était « évident », car Novartis avait « de mauvaises cartes ». « Sans brevet il n’y a pas de protection de l’innovation, et sans les prix de monopoles qui durent pendant le temps du brevet, il ne peut y avoir de compensation pour les frais occasionnés pour le développement d’un produit… », avertit la NZZ. Qui remet aussi en cause l’argumentation indienne : les conditions d’exemption prévues par l’OMC ne sont pas ici réunies, « il n’y a pas d’urgence nationale ou de conditions de danger extrême… Et pour une entreprise comme Novartis, c’est une raison d’étudier les suites à donner à son programme « Glivec International Patient Assistance Program », qui lui a coûté 1 milliard de dollars en 2012. Pas sûr que cela soit une victoire pour ceux qui en ont besoin »… Car, oui : près de 90% des patients prenant du Glivec en Inde le reçoivent actuellement gratuitement…

Menaces sur les médocs ? Pour The Economic Times de New Delhi, c’est pour des raisons techniques que le brevet n’a pas été accordé, « les pharmas qui verront dans le verdict un affaiblissement des brevets sont dans le déni ». De fait, dans sa majorité, la presse indienne se garde bien de crier victoire, pesant les arguments pour et contre de la décision « historique », selon The Times of India, de la Cour suprême. Le journal rappelle que, selon les activistes, 40% de la population indienne gagne moins de 1,25 dollar par jour, et que 90% des médicaments consommés en Inde sont des génériques- d’ailleurs, « parmi les bénéficiaires du jugement il y aura les socitétés Cipla et Natco, qui vendent déjà le « générique » du Glivec à un dixième du prix officiel ». The Times of India donne aussi la parole à un analyste, selon lequel « il y a en Inde une hostilité nationale envers les médicaments sous brevet. Le geste indien jette un sacré doute sur les prévisions des pharmas selon lesquelles les marchés émergents devaient représenter entre un tiers et un quart de leurs revenus d’ici quelques années. Moins de propriété intellectuelle dans d’immenses marchés en expansion signifie moins de revenus, et des chiffres de croissance qui relèvent du conte de fées. »

Un exemple de ces prévisions optimistes : « L’Inde est devenue un marché juteux. Le marché pharmaceutique dans ce pays émergent de 1,2 milliard d’habitants devrait représenter un chiffre d’affaires de 74 milliards de dollars en 2020, contre 11 milliards de dollars en 2011 », peut-on lire dans Les Echos... Une aubaine pour les pharmas qui doivent se battre dans les pays occidentaux contre la pression à la baisse sur les prix. Pourtant, les prévisions de forte croissance dans les pays émergents sont forcément remises en cause lorsqu’on lit dans l’Indian Express par exemple que, tout récemment, « l’Inde a rejeté des demandes de brevet pour plusieurs anticancéreux comme le Nexavar de Bayer, l’Iressa d’AstraZeneca PLC, le Sutent de Pfizer et le Sprycel de Bristol-Myers Squibb »… Dame. Le journal explique : « Les gouvernements occidentaux accordent régulièrement des brevets aux versions légèrement améliorées de médicaments dont les brevets vont bientôt expirer. Cela permet aux pharmas de fournir aux patients des versions plus modernes et plus chères de leurs médicaments au lieu de versions génériques, même si médecins et patients estiment parfois que les améliorations ne justifient pas les coûts. » « La décision contre Novartis pourrait faire boule de neige », écrit encore le journal. Qui cite aussi un des responsables de la firme en Inde, selon qui « l’écosystème de la propriété intellectuelle en Inde n’est pas très encourageant ».

Commentaires partagés aussi dans le Business Standard, qui, en même temps, estime que l’Inde vient de fortifier sa place de premier labo du monde de génériques mais qui risque de faire les frais d’un éventuel retrait de la recherche des pharmas : « Il faudra peut-être attendre des mois voire des années pour avoir accès aux nouveaux médicaments, évalue le journal, et, dans l’immédiat, ce sont les patients atteints de leucémie qui vont en faire les frais les premiers. » Comme la NZZ, le journal relève en effet que, grâce au programme d’aide de Novartis, l’immense majorité des patients indiens sous Glivec l’obtenaient gratuitement de Novartis, les génériques étant trop chers pour eux… « Novartis avait d’ailleurs regretté publiquement qu’aucun fabricant de génériques indiens n’ait de programme d’aide aux plus défavorisés et ne donne ses médicaments. »

Last but not least, le journal pose lui aussi une troisième question à un milliard : l’Union européenne ne va-t-elle pas s’effrayer de la liberté que l’Inde prend avec la propriété intellectuelle, et rechigner à signer l’accord de libre-échange actuellement en discussion ? (à lire dans le First Post India, une longue analyse des questions sur le multilatéralisme posées par le jugement Glivec). « Pour toutes ces raisons, les effets du jugement contre Novartis ne sont pas simples à analyser », écrit le journal. En effet.




Voir en ligne : La Cour suprême indienne rend son jugement dans le cas Novartis

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.