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à Ris-Orangis, l’Ambassade du PEROU menacée d’expulsion

Cécile Canut | mediapart.fr | mardi 2 avril 2013

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l’Ambassade du PEROU menacée d’expulsion
Cécile Canut | mediapart.fr | mardi 2 avril 2013

Depuis plusieurs mois, l’association du PEROU a engagé un travail de médiation avec des familles habitant un bidonville en bordure de la Nationale 7, à Ris-Orangis. L’association a installé notamment en son centre ce qu’elle a nommé son “ Ambassade ”. Tour à tour lieu de rencontres, de médiation, école, agence, etc., l’Ambassade a vu passer des dizaines de personnes venues échanger et construire avec les habitants. Mais l’inéluctable ne pouvait pas davantage se faire attendre : ordre a été donné de procéder à l’évacuation du campement.

L’arrêté n° 2013/147 du 29 mars 2013, annoncé en plein week-end de Pâques, se prémunit par là contre tout recours devant le tribunal administratif. On connaît hélas la suite : des dizaines de familles vont être jetées au hasard des rues, privées de leurs effets personnels et contraintes de tout recommencer. Si quelques-unes (12 sur 73 au total), triées sur le volet, sont censées bénéficier d’un « chantier d’insertion », les autres se retrouveront immanquablement sur le carreau après une ou deux nuits en hôtel social.

Il aurait été assez simple d’invoquer les causes relatives à la loi : occupation illégale d’un espace appartement au Conseil général. Point. Certes, le motif aurait été bien maigre, mais aurait eu pour lui d’expédier une affaire dont la liquidation manu militari aurait tenu lieu de dénouement. Or, curieusement, cet arrêté ne se sera pas suffi du froid tranchant du glaive justicier : il expose au contraire les moindres faits et gestes des habitants comme si, pour se justifier et constituer ces quelques pages de mise en garde, il lui avait fallu les traquer jour et nuit, photographier leurs allées et venues (p. 3), et même observer jusqu’à leur « matière fécale » (p. 7).

Le fil conducteur de l’arrêté tente cutieusement d’inverser le point de vue : de contrevenantes, les populations deviennent ainsi « victimes » (p. 3). Dans « l’intérêt des populations occupant ce campement illégal », force est de les mettre en demeure afin qu’elles « libèrent les lieux »… pour des raisons évidentes de sécurité. Tout au long des huit pages, « l’insécurité » ou « l’instabilité » sont mises en avant. Elles menacent. Répété 21 fois, le terme de « risque » vient rappeler que le danger est omniprésent : « incendie », « effondrement » des baraquements et des « abris de fortune », « accidents » en tous genres, « électrocution », « maladies »… La « promiscuité » elle aussi, grand danger du moment, laisse craindre le pire. Nul ne doit ignorer que le quotidien d’un bidonville ne promet pas une vie d’insouciance : de telles « conditions de vie ont un caractère indigne, et manifestement dangeureux ». Dangereux aussi le conducteur susceptible de rater son virage pour venir s’écraser dans le campement. Ou encore les protagonistes d’un différend toujours à redouter : « Considérant qu’il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir… ». Tout est « risque » et « incertitude », métaphorisé par ce feu qui, à coup sûr, se « propagera à une très grande vitesse », à la vitesse d’un train… ou à celle d’une rumeur.

On ne se trompera pas sur cette énumération de périls. Ils n’assombrissent pas l’horizon des seuls Roms promis à l’évacuation. La conditionnalité qu’ils font peser fait valoir d’autres craintes à venir. « La sécurité et la salubrité publiques » sont invoquées par ces arguments hygiénistes. D’autres raisons le sont moins. Silence est fait sur des enjeux qu’on devine plus profonds. En effet, si seules la santé, la sécurité et la stabilité des habitants avaient importé aux autorités, nul doute que des solutions alternatives auraient été depuis longtemps mises en place et une réflexion plus large envisagée sur la question des bidonvilles. Or rien n’a été fait.

Mais il est, semble-t-il, une inquiétude supplémentaire pour les édiles et rédacteurs de l’arrêté n° 2013/147 du 29 mars 2013. L’association Le PEROU est partout présente dans l’arrêté par les mots qu’elle a inventés pour l’occasion. Les désignations mêmes des animateurs du PEROU figurent, telles quelles, réitérées dans le texte. « L’Ambassade » notamment, mais aussi la « place des Fêtes », et même les « guirlandes » ou les « affiches » sont citées. Plus d’une page est consacrée au « danger » que représente cette fameuse Ambassade ! Pareille opiniâtreté le montre : au-delà de sa rhétorique de pharisien, c’est bien le PEROU que vise cette prose administrative qui, malgré elle, lui rend comme un étrange hommage : hommage involontaire aux actions de médiation engagées par l’association entre des populations vouées d’ordinaire à plus d’anonymat. Plus personne ne pourra maintenant faire mine de ne pas le savoir : l’Ambassade du PEROU, de par sa promesse émancipatrice et son inventivité, fait désormais figure d’exemple.


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