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Réponse à ceux qui critiquent le « NON » au référendum du 7 avril en Alsace

Mouvement politique d’émancipation populaire (M’PEP) | m-pep.org | samedi 16 mars 2013

samedi 16 mars 2013

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Réponse à ceux qui critiquent le « NON » au référendum du 7 avril en Alsace
Mouvement politique d’émancipation populaire (M’PEP) | m-pep.org | samedi 16 mars 2013

Résumé

Ceux qui ne voient pas le problème, et même se félicitent de la volonté de l’UMP et de la direction du Parti socialiste de créer une « Collectivité Territoriale d’Alsace », soupçonnent ceux qui, comme le M’PEP, s’y opposent, d’avoir des motivations supposément centralisatrices, réactionnaires, nationalistes, liberticides, négatrices des identités et libertés locales, bellicistes... Il n’en est rien, évidemment !

Une menace essentielle se joue en ce moment sur la création d’une entité institutionnelle unifiée en Alsace. Celle-ci briserait l’unicité de la loi et l’indivisibilité de la nation, préfiguration évidente de l’Europe des régions qui remettrait gravement en cause le droit social, les services publics, la démocratie et la souveraineté du peuple. Les politiques néolibérales seraient alors gravées dans le marbre non seulement des traités et des lois, mais dans les institutions elles-mêmes.

L’intégration administrative de cette portion du territoire de la République – l’Alsace - à un espace transnational rhénan la mettrait en concurrence avec d’autres régions européennes. Un droit encore plus spécifique y serait appliqué, notamment le droit du travail et les droits sociaux, droits qui sont déjà mis en concurrence au niveau des États par le biais de la « construction » européenne. Tout processus démocratique, dans le sens du renforcement, par les luttes sociales et leur confirmation dans la loi, du pouvoir des classes populaires, serait devenu définitivement impraticable, par construction.

La configuration de laïcité, d’unicité, d’indivisibilité et de souveraineté populaire sur une base territoriale et non identitaire, favorise structurellement la concentration du débat politique sur le combat exploiteurs-exploités, et non pas sur les luttes identitaires, de second ordre, toujours instrumentalisées par les exploiteurs.

Si l’Alsace devenait une région « européenne » autonome dans une configuration fédéraliste, son degré réel d’autonomie serait nul. Ses « choix » économiques et sociaux, seraient totalement contraints par le poids de ses puissants voisins, par la domination des classes dominantes américaines et allemandes et celle de ses classes dominantes intérieures. Forces contre lesquelles ses classes populaires n’auraient aucun moyen de peser, puisque le combat politique au sein d’une Alsace « autonomisée » n’aurait aucune chance de déboucher sur des mesures ayant la capacité de se défaire des contraintes économiques, politiques et sociales exogènes à son territoire. Les citoyens alsaciens seraient alors, pour toujours, des mineurs politiques, des citoyens sous tutelle intérieure et extérieure, et sans aucun moyen institutionnel de s’en libérer jamais. Belle autonomie…

 Texte complet

Ceux qui non seulement ne voient pas le problème, et même se félicitent de la volonté de créer une « Collectivité Territoriale d’Alsace », soupçonnent ceux qui s’y opposent d’avoir des motivations centralisatrices et liberticides, négatrices des identités et libertés locales. Il n’en est rien, évidemment !

 L’implosion du modèle républicain

Pourquoi cette innovation institutionnelle est-elle une menace particulièrement insidieuse et dangereuse ? Parce qu’elle vise, à terme, à détruire l’unicité de la loi et du peuple, ainsi que l’indivisibilité du territoire. Elle tend à intégrer administrativement cette portion du territoire de la République à un espace transnational rhénan, à le mettre en concurrence avec d’autres régions européennes, à lui permettre d’appliquer un droit spécifique, notamment droit du travail et droits sociaux bien sûr. Ces droits sont déjà mis en concurrence au niveau des États par le biais de la « construction » européenne, cette destruction de la souveraineté populaire et des droits sociaux. Mais s’ils étaient découpés en autant de mini régions « européennes » mises en concurrence, le démantèlement du droit du travail et l’écroulement des droits sociaux pourraient beaucoup plus rapidement atteindre leur phase terminale, et tout processus démocratique (dans le sens du renforcement par la loi des classes populaires), serait devenu définitivement impraticable, par construction.

C’est également une négation de la politique, au sens contemporain du mot. La politique contemporaine reconnaît que les règles contraignantes, dans une communauté donnée, ne peuvent émaner que du peuple unifié par l’égalité de ses membres devant cette loi. Elle doit être la même pour tous, constituant leur puissance publique mise en acte au sein de l’État qui a fait l’unité du territoire dans lequel ils vivent. Elle ne présuppose pas pour autant que tous les intérêts des citoyens soient identiques, sinon à quoi bon des institutions représentatives ? Ni que la seule identité dans laquelle ils se reconnaissent soit leur État-nation, tout au contraire. Mais les enjeux de pouvoir ne se tranchent que par une délibération publique qui ne reconnaît que des citoyens et non pas des groupes ethniques, religieux ou territoriaux. Le résultat qui en émane est donc valable pour toute la communauté politique, pour le peuple en son entier, sans exception. Les tendances centrifuges et particularistes sont ainsi limitées, et les problèmes politiques restent politiques, et non identitaires.

Il s’agit bien, principalement, de s’émanciper des moyens sociaux et économiques qui s’exercent sur les plus faibles d’une communauté politique afin de pouvoir les exploiter. C’est un rapport de force que les institutions politiques d’une communauté politique se doivent de trancher, d’adoucir voire de renverser. Cette domination ne manque jamais d’exploiter les positions de faiblesse d’une partie de la population. Mais la solution n’est pas de renforcer les divisions, de consolider les groupes ethniques, religieux et territoriaux. En effet, le clivage social passe souvent à travers ces divisions. L’exemple américain, archétypal, est là pour nous montrer que les politiques de « soutien » aux minorités non seulement ne remplacent pas le combat principal contre l’exploitation sociale des classes dominantes, mais même souvent la renforcent. Tout le monde aura remarqué comme ces dernières sont friandes de « diversité culturelle ». Cela aurait dû mettre la puce à l’oreille à tous ceux qui confondent la démocratie avec la promotion de la « diversité ». L’idée que tous les Noirs, les femmes, les Indiens, les Musulmans, ont la possibilité d’accéder aux premières places, mais sans pour autant remettre en cause les bases de cette domination, ne débouche que sur la dévitalisation perverse des revendications sociales, qui changent d’objet en se particularisant.

 Qui est nationaliste ?

Il est d’ailleurs étrange que ceux qui nous accusent d’être des « nationalistes » (parce que nous défendons la souveraineté nationale pour des raisons démocratiques), donc dans leur esprit d’être des esprits étroits, chauvins et xénophobes, défendent souvent, dans le même souffle, les tendances qui pourtant dépolitisent les intérêts en jeu en les transformant en problèmes identitaires. Soit en accordant la priorité aux droits des minorités en lieu et place de la question de l’exploitation sociale et économique, soit en mettant en avant les « libertés locales » d’autonomistes irrédentistes. Ces derniers sont pour le coup, eux, porteurs d’une idéologie identitaire et chauvine qui a néanmoins l’onction des naïfs ou des manipulateurs, puisque locale, décentralisée et antiétatique ! Décidemment, l’idéologie libérale, le régionalisme, l’européisme et l’antiétatisme font très bon ménage, y compris chez les altermondialistes les plus inconséquents.

 Un peuple unique, un territoire indivisible, une loi par et pour tous, une souveraineté indivisible. Quel intérêt pour la démocratie ?

Passons. Mais ces problèmes polémiques mis à part, quel est l’intérêt, pour les classes populaires, de l’heureuse conception française de la République laïque et indivisible, liée à l’unicité de la loi, de son peuple et de son territoire ? Et bien c’est la configuration institutionnelle la plus politique qui soit ! Comme pour les autres républiques contemporaines, c’est le peuple qui est souverain, donc celui qui détient le pouvoir en dernière instance, et d’abord le pouvoir constituant, un pouvoir inaliénable et indivisible. Toute dérogation à ce principe réellement fondamental est donc passible d’être accusé à bon droit de tyrannique, d’usurpateur, comme l’Etat français de 1940 à 1944 ou la dissolution de souveraineté opérée par les traités européens successifs.

Et cette souveraineté - le point est important - ne s’opère que sur une base territoriale et étatique : la base de ce peuple, ce regroupement de population sur une base politique, souveraine, n’est pas identitaire, ethnique, religieuse ou linguistique. Le centre vital de cette dynamique politique est celui de la création de la loi, commune pour tous, sans distinction de race, de langue, de religion, de sexe ou tout autre particularisme identitaire, y compris régional. L’élaboration des règles contraignantes communes, sur le territoire français, se fait sur une base universelle. Ces règles sont valables pour tous. Cette configuration permet un processus démocratique, à savoir un processus de création de lois renforçant institutionnellement les classes dominées par rapport aux classes dominantes intérieures et extérieures.

La configuration de laïcité, d’unicité, d’indivisibilité et de souveraineté populaire sur une base territoriale et non identitaire, favorise par construction la concentration du débat politique sur le combat exploiteurs-exploités, et non pas sur les combats identitaires, de second ordre, toujours instrumentalisés par les exploiteurs. La loi s’impose en France aux deux classes antagonistes sur un territoire assez vaste pour permettre une autonomie par rapport aux autres formations politiques extérieures et aux classes dominantes intérieures comme étrangères. L’enjeu du pouvoir est donc réel et non pas symbolique. Les combats politiques qui se jouent au sein du territoire où s’exerce l’autorité suprême du peuple français, peuple politique et non particulariste ou catégoriel, peuvent donc concerner le principal, à savoir les choix de production, les modes de production, les échanges, les transferts de revenus, les services publics, etc.

 Les conséquences d’un morcellement du territoire

Si ce même territoire était morcelé sur des bases régionales ou identitaires, une telle clarté des enjeux et du conflit de classe serait impossible, pour deux raisons principales.

1.- D’abord, il y a une question d’échelle. Un territoire politique contemporain, avec nos économies monétaires basées sur la division du travail et tous les jeux d’interdépendance croisés que cela suppose, se doit d’avoir une dimension suffisante afin d’assurer un minimum d’autonomie à la souveraineté populaire s’exerçant sur ce territoire. Si ce dernier dépend entièrement de tout ce qui l’entoure au niveau économique, financier, budgétaire, commercial, militaire, agricole, etc., à quoi riment ses « décisions » politiques ? A déterminer des questions sociétales et la disposition des espaces verts ? Les décisions formellement souveraines n’ont alors d’autre choix que de se couler dans un moule qui leur échappe en totalité. Sur un territoire politique assez vaste, la puissance publique n’est pas une illusion. Le débat issu d’un processus démocratique peut alors porter sur la forme même du moule. La souveraineté n’est pas symbolique et captée par des forces exogènes à la communauté politique en question.

On pourrait certes nous opposer le contre-exemple islandais. Mais il n’échappe pas par miracle à ce problème d’échelle. Et d’autre part l’Islande a fortement réaffirmé sa souveraineté nationale, préservant son peuple de la domination financière européenne. Alors que les régions qui s’affirmeraient par le biais de l’Union européenne le feraient forcément hors souveraineté nationale, donc sans aucune aide institutionnelle, au contraire, pour contrebalancer cet indéniable problème d’échelle. Ce serait donc un facteur aggravant de dépendance institutionnelle et économique.

2.- Ensuite, puisque l’unité du regroupement politique se ferait sur une base étroitement identitaire, linguistique, ethnique, locale, les questions sociales primordiales, les conflits de classes seraient toujours noyées dans une union sacrée permanente contre les entités culturelles voisines, générateur par ailleurs d’une tension agonistique permanente. La menace de devenir le Liban et l’ex-Yougoslavie serait notre horizon permanent, en lieu et place de l’exemple de l’Equateur ou du Venezuela. Belle avancée démocratique !

 Quelle autonomie ?

Imaginons que l’Alsace obtienne une région « européenne » autonome dans une configuration fédéraliste. Quelle serait son degré réel, et non pas institutionnel, d’autonomie ? Ses « choix » économiques, sociaux, seraient absolument contraints par le poids de ses puissants voisins, par la domination des classes dominantes américaines et allemandes et celle de ses classes dominantes intérieures. Forces contre lesquelles ses classes populaires n’auraient aucun moyen de peser, puisque le combat politique au sein d’une Alsace « autonomisée » n’aurait aucune chance de déboucher sur des mesures ayant la capacité de se défaire des contraintes économiques, politiques et sociales exogènes à son territoire. Les citoyens alsaciens seraient alors, pour toujours, des mineurs politiques, des citoyens sous tutelle intérieure et extérieure, et sans aucun moyen institutionnel de s’en libérer jamais. Belle autonomie…

Et ce d’autant moins qu’elle aurait fait le choix mortel pour elle de passer par le vecteur de l’Union européenne qui est la négation de tout processus démocratique et l’imposition sans contre-pouvoir d’une politique économique néolibérale. Faire miroiter la verroterie identitaire, telle est la maigre carotte de la stratégie allemande et européenne pour imposer des choix anti-démocratiques et laisser jouer la loi du plus fort sans le contrepoids de la logique souveraine des États-nations sur base territoriale, symbolisée par la France. D’où l’importance stratégique de défaire ce modèle en attaquant ses parties qu’on juge fragiles. Aux Alsaciens de leur prouver qu’ils ne sont pas dupes et qu’ils refusent d’être à tout jamais des citoyens mineurs et sous tutelle. Aux Français en général de refuser ce piège mortel pour la démocratie.

 Une souveraineté sur des bases territoriales et non identitaires

La base territoriale, et non ethnique, de la souveraineté populaire, est un très précieux atout de la République française. Ce facteur est politisant et pacificateur. Ce qui réunit le peuple français est le combat politique pour déterminer le contenu des règles contraignantes sur le territoire délimité par la puissance publique nationale. Le débat politique se fait donc sur les enjeux sociaux et non les questions identitaires.

Les Africains ont bien compris qu’il fallait maintenir les limites territoriales de leurs États, limites pourtant postcoloniales, qu’ils pourraient donc juger à bon droit odieuses autant qu’absurdes. Pourquoi alors les maintiennent-ils ? Mais parce s’ils redéfinissent leurs institutions territoriales sur des bases ethniques ou linguistiques, ç’en est fini de toute souveraineté politique et le conflit identitaire et territorial remplacerait à tout jamais le combat pour l’autonomie politique et le développement, qui sont leur vrai défi. Cette tension entre conflits ethniques et combat pour l’autonomie politique est chez eux primordiale.

Et en France, alors que nous disposons de cette unicité du peuple français sur des bases territoriales et non identitaire (d’où le grand flop du débat sur l’identité nationale de Sarkozy), indivisible, de l’égalité de la loi, le tout permettant une souveraineté réelle sur des bases politiques, favorisant donc structurellement le processus démocratique, il faudrait lâcher la proie pour l’ombre en se coulant dans le moule idéologique allemand et européiste ? Ce serait une erreur monumentale que de tomber dans ce piège grossier.

Ce moule idéologique tend à instaurer un empire anti-démocratique de « gouvernance » imposant l’ordo-libéralisme (l’État, en économie, doit s’imposer et légiférer mais uniquement afin d’imposer les conditions de concurrence et de marché que le marché lui-même est incapable d’assurer) et des unités politiques sur la seule base linguistique et en fait ethnique.

 La vraie démocratie locale

Le fait essentiel que la loi soit la même pour tous, et décidée par tous, en tant que peuple, corps politique collectif souverain, ne veut pas pour autant dire que son application administrative soit concentrée en un lieu unique, en France, à Paris. Il est tout à fait envisageable d’opérer une déconcentration administrative véritable, sur la base communale et départementale, donc prenant le contrepied de la décentralisation que nous avons connue, qui n’a non seulement pas fait avancer d’un poil la démocratie locale, mais qui l’a même fait significativement reculer. Il faudrait pour cela réaliser des mesures de responsabilité politique des élus et d’implication des électeurs locaux dans le processus de décision et non juste « consultés » dans des parodies de processus démocratique (la démocratie « participative »), aux antipodes donc de ce que nous avons connu. Mais c’est un autre débat.


Voir en ligne : Réponse à ceux qui critiquent le « NON » au référendum du 7 avril en Alsace

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