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La Cour de cassation juge la garde à vue non conforme au droit européen

Franck Johannès | lemonde.fr | 20.10.10 | 15h38

vendredi 22 octobre 2010, par b.bec

La Cour de cassation juge la garde à vue non conforme au droit européen

La Cour de cassation a estimé, mardi 19 octobre, que la procédure française de garde à vue n’était pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. Michèle Alliot-Marie, la ministre de la justice, qui a présenté son projet de réforme de la procédure pénale au conseil des ministres du 13 octobre, va devoir réécrire son texte pour la troisième fois.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que la loi française n’était pas conforme au droit européen sur deux points : un suspect doit bénéficier de "l’assistance", et pas seulement de la présence, d’un avocat, et ce quelle que soit la nature de l’infraction qui lui est reprochée, y compris donc pour le terrorisme ou la criminalité organisée, où l’arrivée de l’avocat était reportée à la 72e heure de garde à vue.

La Cour est ainsi allée plus loin que le Conseil constitutionnel, qui avait estimé, le 30 juillet, que la garde à vue n’était pas constitutionnelle, mais ne s’était pas prononcée sur les régimes dérogatoires. Elle a entièrement suivi les réquisitions du parquet général, et notamment de l’avocat général Marc Robert, qui avait demandé, le 7 octobre, de différer l’application de ces décisions pour des motifs de "sécurité juridique". Les avocats ne pourront être présents, quel que soit le régime de la garde à vue, qu’après l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi, et au plus tard le 1er juillet 2011, date fixée par le Conseil constitutionnel pour se mettre en conformité.

"Sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses (...) et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat", relève la Cour dans une première décision (arrêt Tisset). Qu’il s’agisse donc de trafic de stupéfiants, de terrorisme ou de vol de bicyclette. Faute de quoi (arrêt Bonnifet), elle aura été privée "d’un procès équitable".

Dans une troisième décision (arrêt Sahraoui), la Cour a estimé que le gardé à vue avait certes "bénéficié de la présence d’un avocat mais non de son assistance". La haute juridiction donne raison à la cour d’appel d’Agen, qui avait énuméré, le 15 mars, les droits de la défense : "Discussion de l’affaire, organisation de la défense, recherche des preuves favorables à l’accusé, préparation des interrogatoires, soutien de l’accusé en détresse, contrôle des conditions de détention", et jugé que "l’entretien de trente minutes prévu par la loi assure la présence de l’avocat et non son assistance".

La décision va plus loin que le texte du garde des sceaux, qui ne prévoit qu’un premier entretien de trente minutes en début de garde à vue, puis un second en cas de prolongation, l’avocat ne pouvant qu’"assister" aux auditions de son client. La Chancellerie, qui va devoir faire rentrer les régimes dérogatoires dans le droit commun par voie d’amendements, affiche néanmoins sa satisfaction. "Les décisions rendues ce jour par la Cour de cassation confortent le nouveau dispositif de la garde à vue (qui concerne le droit commun) que Michèle Alliot-Marie a présenté en conseil des ministres, assure la Chancellerie. La Cour de cassation s’inscrit comme le Conseil constitutionnel dans la démarche que le garde des sceaux a engagée il y a plus d’un an, celle de reformer la garde à vue pour en réduire le nombre et améliorer les droits de la défense."

Me Patrice Spinosi, l’avocat qui a pour la première fois obtenu la condamnation de la France pour une garde à vue (arrêt Brusco, Le Monde du 16 octobre), s’indigne que l’application des décisions soit retardée à 2011. Il a aussitôt saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête invoquant "la méconnaissance du droit effectif d’accès au juge". "Il y a des gens qui vont être potentiellement condamnés sur la base de pièces dont il est acquis qu’elles ne sont pas conformes aux règles du procès équitable", proteste l’avocat.

Franck Johannès

Article paru dans l’édition du 21.10.10

© Le Monde.fr |

JACQUES GISSEROT
20.10.10 | 21h51
Par delà le sérieux et l’extrême importance de cette décision positive la situation est hilarante et révélatrice d’un vice majeur des sociétés de droit.En s’appuyant sur des principes d’ordre constitutionnel par nature,contenus dans les textes internationaux,la Cour reprend au Conseil constitutionnel le pouvoir de juger de l’inconstitutionnalité des lois sur presque tous les points fondamentaux !
Qu’importe le rôle attribué au Conseil si le juge veut l’ignorer.Le système juridique se mord la queue


Transmis par Anne & Ahmid

Thu, 21 Oct 2010 08:22:35 -0700

Organisation : PAMF


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