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"TPB : AFK", The Pirate Bay sous les projecteurs

Damien Leloup | lemonde.fr | samedi 16 février 2013

dimanche 17 février 2013

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"TPB : AFK", The Pirate Bay sous les projecteurs
Damien Leloup | lemonde.fr | samedi 16 février 2013



Six lettres et 80 minutes pour décrire le plus grand procès de téléchargement illégal des dix dernières années : TPB : AFK (The Pirate Bay : Away from Keyboard) est un documentaire ambitieux - et parfois déroutant. Ambitieux, parce qu’il suit, sur plusieurs années, les différentes étapes du processus judiciaire qui a abouti à la condamnation de plusieurs fondateurs de The Pirate Bay, le plus grand annuaire de liens de téléchargement BitTorrent au monde. Déroutant, parce que la succession de scènes souvent surréalistes saisies par les caméras du réalisateur Simon Klose jette un éclairage cru sur les créateurs du site.

Depuis le 10 février, le documentaire, cofinancé par des dons et par plusieurs chaînes de télévision dont Arte, est diffusé gratuitement sur Internet. Sur The Pirate Bay, bien sûr, où il peut être téléchargé légalement, mais aussi sur YouTube, où il a déjà été visionné plus d’1,3 millions de fois. Simon Klose le dit lui-même : il se sent proche des idées du Parti pirate suédois. "Je ne parvenais pas à comprendre l’affirmation des industries culturelles selon laquelle le partage de fichiers était une menace pour la création. Pour moi, l’accès sans limite à la culture était l’étincelle de la révolution numérique, qui permettrait à toute forme d’expression artistique d’exploser. D’un côté, mes amis artistes souffraient de ventes en baisse, mais de l’autre, les possibilités de produire, vendre et distribuer leurs créations s’étaient fondamentalement améliorées", écrit-il.

Le film est centré sur le procès et son appel, jusqu’à la condamnation de plusieurs fondateurs à des peines de prison ferme, une première en Suède. Mais il évoque à peine le téléchargement illégal, ou l’évolution des pratiques culturelles à l’ère du Web. Penser qu’un procès peut mettre fin au téléchargement illégal est illusoire, semble vouloir dire le réalisateur : Internet, cette machine à diffuser l’information, fait définitivement partie de nos vies. Au début du procès, le porte-parole du groupe, Peter Sunde, reprend le procureur, qui vient de lui demander quand il a rencontré pour la première fois un autre membre de The Pirate Bay "IRL" (In real life, dans la vraie vie). "Nous n’utilisons pas l’expression ’IRL’, répond-il. Nous préférons ’AFK’ (Away from keyboard, loin du clavier). Nous pensons que l’Internet est réel", explique-t-il en souriant.

Pour autant, TPB : AFK n’est pas un film militant, au sens classique du terme. Le documentaire ne montre pas la lutte d’un David numérique contre le Goliath des industries du disque et du fim. Les côtés sombres de The Pirate Bay ne sont pas passés sous silence : les liens financiers du site, à sa création, avec un mécène proche de l’extrême-droite suédoise, ou encore les désaccords fondamentaux qui ont pu opposer les membres de l’équipe de fondateurs, sans oublier les questions soulevées au tribunal autour des revenus générés par le site, sont longuement évoqués.

GALERIE DE PORTRAITS

Le documentaire propose plutôt une série de portraits, donnant principalement la parole à des membres-clefs de The Pirate Bay, sans chercher à masquer leur part d’ombre. L’on découvre ainsi des différences éclatantes au sein du trio des fondateurs, des amis que peu de choses rapprochent : Peter Sunde, le charismatique porte-parole végétarien, militant antiracisme, voit dans le site une avancée politique majeure. Freidik Neij, l’un des responsables techniques, raconte après quelques bières détester les immigrés, et expliquait au procès n’avoir participé au projet que par intérêt pour la gestion d’un "gros site". Gottfrid Svartholm, le plus énigmatique, est décrit ironiquement par ses proches comme l’ennemi-type de l’amérique de l’après guerre froide, "un terroriste, un drogué et un pirate".

De ce tableau impressioniste, aux images travaillées, les fondateurs de The Pirate Bay ne ressortent pas forcément grandis, mais plus humains. Plus qu’un groupe anarchiste ou une mafia - le groupe se décrit lui-même comme faisant partie du "crime désorganisé" - il montre une bande de copains bravaches, mais quelque peu dépassés par les évènements. Lorsqu’il découvre qu’il a été condamné à de la prison ferme en appel, Peter Sunde, dont la répartie a fait pendant des semaines le bonheur des médias suédois, reste silencieux, visage grave, avant de se ressaisir : "On a perdu. Il faut que j’appelle ma mère."





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