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Mujica, l’icône d’une défaite

Ernesto Herrera | alencontre.org - enlacesocialista.org | mardi 1er janvier & dimanche 10 février 2013

lundi 11 février 2013

 Uruguay : Mujica, l’icône d’une défaite
Ernesto Herrera | alencontre.org | dimanche 10 février 2013
 Mujica, el ícono de una derrota
Ernesto Herrera | enlacesocialista.org | mardi 1er janvier 2013



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Uruguay : Mujica, l’icône d’une défaite
Ernesto Herrera | alencontre.org | dimanche 10 février 2013

pepeen+su+chacraPar Ernesto Herrera

Les sceptiques n’ont qu’à se rhabiller : apparemment on [l’Uruguay] n’aura même pas besoin d’attendre l’année 2020 pour s’insérer à nouveau dans le « monde développé ». En corrigeant la prédiction qu’il avait faite il y a quelques mois, le président Mujica [José « Pépé » Mujica Cordano] vient en effet de déclarer que les délais seront plus courts. Les « chiffres objectifs » de la « récupération » économique seraient tellement éloquents qu’ils nous rappellent ces « années heureuses » de la décennie de 1950, lorsqu’on « considérait notre pays comme la Suisse de l’Amérique ». [1]

Le rêve helvétique de Mujica est à la mesure de son personnage cocasse. [Le Courrier international, du 22 novembre 2012, consacrait sa une à « Pepe » Mujica, avec comme titre : Le vrai président normal, par allusion au slogan utilisé par François Hollande au cours de sa campagne électorale]. A moins qu’il découle de la philosophie qu’il prêche : « Je te dis une chose, puis je t’en dis une autre ».

Néanmoins il s’appuie sur quelques statistiques officielles qui indiquent que les temps de crise et de pénuries appartiennent bien au passé. Ces mêmes statistiques montrent que les signes encourageants sont manifestes. La société va « beaucoup mieux ». La consommation « explose à nouveau » au niveau du shopping, des supermarchés et des grandes surfaces ; les automobiles neuves et les équipements électroménagers se vendent comme des petits pains ; le « tourisme intérieur » s’est développé et ne constitue plus un luxe que seule une minorité peut se payer ; le chômage est à son taux le plus bas depuis quarante ans. Et, plus important : il y a de moins en moins d’Uruguayens pauvres et de plus en plus qui entrent dans …la classe moyenne ».

Pour les patrons il s’agit bien d’un « moment exceptionnel ». La rentabilité des entreprises a augmenté dans les principaux secteurs (agroalimentaire, financier, industrie d’exportation). Le 65% des entrepreneurs déclarent que le « climat d’affaires » est « bon ou très bon ».[2] L’achat et la vente d’entreprises ont dépassé les 910 millions de dollars US en 2012. Les « experts » de fusions-acquisitions confirment l’intérêt des firmes multinationales à « s’installer dans le marché local » en 2013.

Cela passera par des « fonds d’investissement » pour l’acquisition de terres, d’entreprises de biens de consommation, de services et dans le secteur immobilier.[3] Encore plus décisif est le fait que les escarcelles patronales bénéficient d’une « distribution » qui les désigne comme étant les gagnants. Le 67,2% des recouvrements de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF) proviennent de « la consommation et des revenus du travail », alors que seuls 22,8% proviennent des « revenus du capital et de la richesse ».[4] Il n’est donc pas difficile de voir qui profite de cette situation.

Les classes patronales constatent l’évidence : le « pays productif » promis par le progressisme s’établit sur les mêmes piliers installés par le néolibéralisme au cours des années 1990 : 1° la dérégulation financière, la dénationalisation de la production et de la commercialisation des secteurs traditionnels (viande, riz, blé, produits laitiers) [5] ; 2° la concentration-internationalisation et appropriation par des fonds d’investissements de la terre [6] ; 3° la multiplication du régime des zones franches [espaces bénéficiant de privilèges en matière fiscale et réglementaire, entre autres sur l’application du droit du travail ; une zone franche peut concentrer un secteur économique] ; 4° sur les exonérations fiscales des multinationales du soja, de la cellulose, des ressources minières [7] ; 4° sur les privatisations, les tertiarisations et la loi de « participation public-privé » [PPP : dans ce type d’accord les investissements (infrastructures, matériel, immeubles) nécessaires à la fourniture du service sont financés pour tout, plus souvent pour partie, par le prestataire privé. Le paiement, assuré par les usagers ou par une collectivité publique, permet de couvrir l’amortissement de ces investissements et leur exploitation. L’usager-client paie et des collectivités s’endettent de façon moins « visible ».]

Les institutions financières internationales décernent un certificat de bonne conduite à cette tendance. La représentante en Uruguay de la Banque mondiale, Penélope Brook, a souligné que l’attribution d’un prêt de 448 millions de dollars « est un événement unique », fondé sur « la confiance » de la Banque suite aux « bons résultats » économiques du gouvernement. [8]

L’administration de Mujica n’a pas changé l’équation, elle s’en tient à ce qu’elle a hérité, c’est-à-dire. d’une part, l’application des fondements de « discipline budgétaire » fixés par le Fonds monétaire international et, d’autre part, sur une politique sociale de caractère « compensatoire » [assistance sélective à l’opposé d’une sécurité sociale] dictée par la Banque mondiale. Les ouvrages d’infrastructure sont financés par la Banque interaméricaine de développement (BID) ou par l’association public-privé. On « suture l’Etat social » avec le fil des « intérêts du marché ». Quant aux « réformes structurelles » que proposait jadis la gauche : réforme agraire, nationalisation des banques et du commerce extérieur, réforme urbaine, non-paiement de la dette extérieure à l’égard du FMI, elles sont durablement rangées au placard.

Pour l’économiste Luis Bértola – docteur en histoire économique de la Faculté de Sciences sociales de l’Université de la République (Montevideo) et membre du Frente Amplio (Front large qui a porté Mujica à la présidence en mars 2010] – il n’y a aucune confusion possible : la « matrice productive » continue d’être celle qui vient de loin. Mais même si le bon prix international des commodities [9] exportées par l’Uruguay est réjouissant, il prévient que ce « modèle agro-exportateur » (dans lequel la production forestière joue un rôle important), pourrait conduire à une impasse lorsque « la dynamique des marchés changera à nouveau ». [10]

 

La campagne présidentielle....

La campagne présidentielle….

Le jugement des éditorialistes de droite est plus pointu. « On se souviendra du gouvernement Mujica parce qu’il n’a pas concrétisé les désastres que proposaient les Tupamaros [Mouvement de libération national ayant exercé la lutte armée dans les années 60 et 70 et qui s’intégra, en 1989, au Front large ; en 1994, sous le sigle de Mouvement de participation populaire, il se présenta aux élections et Mujica en fut un des élus]  qui il y a quatre décennies (…) Il n’y a pas de réforme agraire [sauf celle développée avec un succès incontestable par les patrons brésiliens dans la campagne uruguayenne !], le secteur des banques privées est entièrement en mains étrangères, les relations avec le FMI sont excellentes, les multinationales et le capital étranger sont non seulement les bienvenus mais ont même été réclamés avec insistance par la direction des Tupamaros (…) et l’internationalisation de la terre s’est répandue au cours des deux mandats du Frente Amplio [Tabaré Vazquez de mars 2005 à mars 2010, puis « Pepe Mujica »] avec une ampleur rarement vue dans l’histoire de l’Uruguay.[11]

Plus près de l’Afrique

Si l’on compare les revenus per capita, l’Uruguay est bien situé au niveau régional : troisième après le Chili et l’Argentine, devançant de beaucoup le Brésil, la Colombie, le Mexique, le Venezuela. Par contre il est très loin du « paradis suisse », sauf pour ces traits qu’on associe traditionnellement à l’Uruguay : le secret bancaire et les escroqueries financières.

La Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL),une institution « sérieuse et professionnelle » – à l’école de laquelle se sont formés de nombreux économistes qui administrent actuellement le pays – ne partage pas les incohérences de Mujica. Bien qu’elle reconnaisse les avancées obtenues au cours des dernières années, elle est plus avare lorsqu’il s’agit de classer l’Uruguay, dont elle dit qu’il est le pays « le moins inégal » du continent qui, lui, est « le plus inégalitaire du monde ».[12] Donc une performance à peine médiocre, même si on compare la situation uruguayenne à la situation sociale catastrophique des pays voisins. Et il n’y a pas que la CEPAL pour nuancer les appréciations trop optimistes : divers rapports décrivent une réalité qui rappelle plutôt le « continent le plus inégalitaire du monde », c’est-à-dire « l’enfer africain ».

L’enquête de l’Institut de Sciences sociales conclut que la « classe moyenne basse » (une catégorie utilisée par la Banque mondiale) se trouve au bord de l’abîme.[13] En effet, les couches sociales qui ne sont pas « nécessairement pauvres » partagent la « non-satisfaction des besoins de base » avec les couches classées comme étant pauvres. En termes de revenus, d’emploi, de logement et d’éducation, la ligne de partage entre les deux groupes est ténue. Aux 460’000 pauvres composant le « noyau dur » tel qu’il était enregistré en 2011 [14], il faut donc ajouter 370’000 personnes qui seront « menacées de pauvreté » dès qu’on entrera « dans un cycle où le PIB commencera à baisser ou dans une étape d’affaiblissement économique » et qui risquent alors de tomber à un niveau social plus bas.[15] Ainsi 24% de la population totale du pays est concernée par ce scénario catastrophique, donc 13% de plus que ce qu’avancent les statistiques officielles.

L’Annuaire statistique de 2011 – publié par le Ministère de l’Education et de la culture le 26 décembre 2012 – va dans le même sens. Il confirme la crise d’un système qui était – selon la doctrine du « progressisme » – censé devoir « resserrer » la brèche sociale. L’Annuaire indique que le 50,3% des membres des couches les plus riches de la société poursuivent des études post-secondaires, alors que 60% des personnes des couches les plus appauvries ne terminent pas l’éducation primaire. Cette « inégalité symétrique » entre riches et pauvres offre un graphique montrant une « inégalité éducative » qui se traduit par la suite par un analphabétisme fonctionnel et une précarité au niveau du travail. Selon les données officielles, 38% des jeunes entre 15 et 20 ans ne fréquentent aucun établissement éducatif. Sept sur dix de ces jeunes appartiennent à des familles ayant des « ressources réduites ».

Sur la base des chiffres de 2009, l’UNICEF situait le taux de « redoublement global » dans le système public d’éducation à 19%. Ce taux dépassait même celui des pays d’Afrique subsaharienne comme la Tanzanie, la Zambie, le Cameroun et le Burkina Faso. L’Annuaire statistique de l’Education 2011, mettant à jour les données ayant trait au redoublement dans l’éducation publique moyenne de base, souligne une augmentation : il passe de 27,8% en 2010 à 29,6% en 2011. Malgré les « bons résultats » parmi les jeunes scolarisés, le taux de « redoublement d’ensemble » dans le système éducatif uruguayen se trouve parmi les dix plus élevés du monde. Rappelons que lors de son discours d’investiture du 1er mars 2010, Mujica avait annoncé que les trois priorités immédiates de son administration étaient : « l’éducation, l’éducation et encore l’éducation ».

La crise sociale se manifeste également par d’autres facettes, dont l’une des plus dramatiques est celle des grossesses d’adolescentes qui représentent 16% des naissances. Sur environ 50’000 naissances par année, il y en a 7’800 accouchements de mères ou enfants-mères âgées de 10 à 19 ans. Sept sur dix d’entre elles appartiennent à des familles pauvres. En 2010, elles représentaient 14,8% ; les données de 2011 n’ont pas encore été réunies. Selon le rapport « Etat de la population mondiale de 2012 », le Fond des Populations des Nations Unies (UNPFA), l’Uruguay a un taux de grossesses d’adolescentes supérieur à la moyenne mondiale. Le taux de femmes enceintes âgées de 15 à 19 ans est de 60 pour mille, alors que la moyenne mondiale est de 49 pour mille. De fait, l’Uruguay présente un taux proche de celui d’un pays détruit comme le Soudan (70 pour mille) ; il est le double de celui du Royaume uni (25 pour mille) et quatre fois supérieur à celui de l’Espagne (13 pour mille).

Ces « données factuelle » démentent catégoriquement les mythes qui alimentent le discours officiel : celui de l’existence d’une « mobilité sociale » basée sur l’« intégration de secteurs vulnérables », celui d’un « élargissement de la classe moyenne » et, surtout celui d’une plus grande « égalité des chances ».

Il faut reconnaître que le progressisme a fait un effort pour amortir la misère, pour « répartir un peu » et la « contenir socialement », comme aime à le dire le chef de l’Etat. Il a institué de nouveaux programmes d’assistance et il a augmenté les ressources des Ministères du développement social, de la Santé publique et de l’Education ; il a étendu les « transferts directs » (monétaires) aux familles pauvres. Et il assure un panier d’aliments pour que personne ne meure de faim. Néanmoins ces dépenses sociales ont été plus qu’insuffisantes pour « combattre la pauvreté », sans même parler de l’« éradiquer ». Ces dépenses restent bien en dessous des montants destinés, par exemple, aux Ministères de la Défense et de l’Intérieur qui captent ensemble 9,4 du budget national.

 

Mujica avec Cristina Kirschner (Argentine)

Mujica avec Cristina Kirschner (Argentine)

Un « vrai capitalisme »

Le mandat de Mujica arrive dans sa troisième année. [16] Beaucoup de ses sympathisants espéraient un « virage à gauche » pour forcer le cours du « gouvernement en dispute » [au sens d’un gouvernement marqué par des options contradictoires en son sein]. Mais le chef des « Tupamaros officiels » a poursuivi l’œuvre de son prédécesseur, le « socialiste » [au sens de membre du Parti socialiste d’Uruguay] Tabaré Vazquez. Cette fidélité était prévisible, puisque les deux défendent le même programme.

De temps en temps, le président de la République se charge de rappeler que le progressisme n’est pas synonyme de gauche, et que les « idées radicales » qu’il défendait pendant les années de « propagande armée » se sont depuis longtemps évaporées. Lorsqu’il s’adresse aux « seigneurs de l’argent », il le souligne encore. Le 9 août 2012, au cours d’une réunion organisée par le Conseil des Amériques [17| à l’Hôtel Radisson de Montevideo, il a déclaré aux patrons des Etats-Unis, d’Argentine et de l’Uruguay : « Avant je voulais tout bouleverser, arranger les choses par la force, mais maintenant, avec un peu de chance j’arrive à réparer les trottoirs ».[18] Le 19 décembre 2012, alors qu’il déjeunait avec 200 patrons des secteurs hôteliers, immobiliers et de la restauration [Punta del Este est un centre touristique important] d’une « entité publique-privé », le Président a encore rappelé sa conversion : « Je me suis limité à faire part de mes idées, que tout le monde connaît, qui se résument à ce que je pense peut aider à ce que l’Uruguay ait un « vrai » capitalisme, pour qu’il y ait plus de travail et donc beaucoup plus à répartir ». [19] Lors de ces deux occasions, Mujica n’a fait que souligner sa théorie selon laquelle le capitalisme peut être un « outil » de la « prospérité économique ».

Lorsqu’il se trouve face à un auditoire composé de syndicalistes, il nuance son discours, se déguise en keynésien et promet de « grands investissements » dans les entreprises publiques. Il rappelle ses « racines libertaires » et revendique l’existence d’entreprises « autogérées » par les travailleurs.[20] Il va jusqu’à critiquer le « modèle gaspilleur » du capitalisme. Il s’allie avec la bureaucratie du PIT-CNT (centrale syndicale unique), ce qui ne l’empêche pas de tirer l’oreille à un syndicalisme qui, d’après lui, « persiste à utiliser le langage d’une autre époque », ancré dans « l’industrialisation lourde », qui s’imagine un monde « couvert de cheminées ». Autrement dit, qui n’aurait pas comme paradigme de société moderne la Nouvelle Zélande, « un pays ayant une production similaire à celle de l’Uruguay ». [21]

Les « coïncidences stratégiques » entre les syndicats et le progressisme n’empêchent pas qu’il existe certaines tensions et « contradictions », puisque, comme l’affirmait la sénatrice Lucia Topolansky [épouse de Mujica], « les priorités du gouvernement ne coïncident pas avec celles du mouvement syndical ».[22] Néanmoins l’alliance entre le gouvernement et les appareils syndicaux fonctionne et constitue une garantie de « paix sociale », même si ce terme maudit ne figure dans aucune convention. Ce sont les faits qui comptent. Le PIT-CNT a connu « la croissance la plus importante du nombre d’affiliés à niveau mondial ».[23] Néanmoins, sous le gouvernement de Mujica on enregistre le plus faible taux de « conflictualité au travail », autrement dit de luttes syndicales depuis 2007. [24] La Direction nationale du Travail donne les preuves de cette collaboration efficace : le 95% des « conflits » ont abouti à négociation tripartite (gouvernement, patrons, syndicats), « sans mesures de lutte, et ont été résolus de manière satisfaisante pour les différentes parties ». [25]

En tout cas, lorsque certaines luttes « exagèrent dans leurs revendications » et les choses se gâtent, le « président-camarade » invite les syndicalistes (qu’ils soient « modérés » ou « radicaux ») à sa résidence de campagne à Rincon del Cerro. Il affiche son « profil de négociateur », il dialogue et dénoue les conflits, comme le ferait le plus expert des briseurs de grèves.

Authentique et définitive

Dans le Frente Amplio il n’y a pas de gauche. Les différents partis et groupes qui le composent approvisionnent – selon le nombre de suffrages et la capacité de faire du lobbying – le corps de fonctionnaires. Un corps qui se structure et se reproduit grâce aux charges parlementaires et aux fonctions administratives de l’Etat. Pour cette nouvelle élite, la « démocratie de marché » est un système imbattable. Autrement dit, toute lutte pour la transformation politique, économique et sociale a disparu de l’horizon. Sa fonction spécifique est celle de gérer les affaires des capitalistes, agissant comme intermédiaire entre les travailleurs et les patrons, sur l’autel des « intérêts généraux » de la société.

Mujica est un emblème de cette nouvelle élite de fonctionnaires. Ce n’est pas par hasard si des firmes médiatiques internationales – telles que la BBC, CNN, New York Times, Le Monde, El Pais, O Globo [Brésil], Clarin et La Nacion [Argentine], etc. soulignent ses vertus « peu communes ». Ils diffusent l’image absurde du « président le plus pauvre du monde ». D’autres, comme Le Courrier International, lui voient en outre une « composante mystique » : un « vieux guérillero » qui, comme « président normal » semble « immunisé contre les chants de sirène du pouvoir ».[26] Ce sont des éloges typiques d’une opération politico-idéologique. Si les milliardaires du Forum Economique mondial de Davos ont salué Lula comme étant un « homme d’Etat global », pourquoi ne pas accorder à l’inoffensif chef tupamaro qui « donne des conseils aux pauvres » et permet aux riches de faire leurs jeux, le titre de « meilleur président du monde », comme l’a fait The Monocle Weekly (Grande-Bretagne) ?

La « fascination à l’égard de l’outsider » s’étend au monde du spectacle et à la littérature. Ricky Martin [chanteur pop de Puerto-Rico] et Mario Vargas Llosa [écrivain d’origine péruvienne, grand adepte du néo-libéralisme], entre autres, le félicitent pour avoir « légalisé » la commercialisation de marijuana. Même si Mujica a mis un frein à la proposition après avoir appris – par une enquête – que 64% des Uruguayens y étaient opposés. Le « mouvement environnementaliste » l’a applaudi pour son discours au sommet de Rio+20 [juin 2012], même si on sait que Mujica est un fervent partisan du soja transgénique (100% du soja produit en Uruguay est transgénique), des mines à ciel ouvert et de la fabrication de pâte de cellulose [avec les effets de pollution de l’eau et des plantations d’eucalyptus].

Les capitalistes locaux ne sont pas en reste. Ils saluent en lui le sponsor. Pour la directrice de l’Union des exportateurs, Teresa Aishemberg, l’image mondiale de Mujica « favorise les exportations », à cause de « la manière d’être et le style de vie du président sont très différents de ceux des autres chefs d’Etat, ce qui attire l’attention. L’Uruguay est derrière lui ». [27]

Dans le camp des partisans, les politesses abondent. Des sociologues et des journalistes soulignent ses « aspects positifs » [28] et ses qualités « d’homme d’Etat ». [29]. Lula [Brésil], Correa [Equateur] et Chavez %Venezuela] ne se lassent pas de le présenter comme le « Mandela d’Amérique latine ».

Les jugements positifs des uns et des autres cachent la raison politique du « phénomène Mujica ». Dans ce sens, la description d’ Ana Bolon note avec précision que Mujica est le « héros de l’opération médiatico-étatique la plus réussie » qui ait été enregistrée dans le pays.[30] Sa conclusion est ravageuse : « Le ‘Pepe’ a été le cadeau dont la droite uruguayenne n’avait jamais osé rêver ».[31] C’est ce qu’elle définit comme étant « l’authentique défaite », « définitive » du Mouvement de libération nationale-Tupamaros (MLN). [32] Autrement dit, la terrible métamorphose d’une force qui a jadis su pratiquer le défi révolutionnaire.

Ils n’ont pas pris d’assaut le pouvoir, ils ont accédé au gouvernement par les urnes. Un de ses leaders historiques est devenu chef de l’Etat. D’autres dirigent des ministères décisifs comme celui de l’Intérieur ou de la Défense. Sa troupe de sénateurs et de députés défend, depuis l’enceinte parlementaire, la « démocratie représentative ». Personne ne le conteste. Les « tupamaros officiels » sont devenus une force décisive pour la « gouvernabilité », autrement dit, pour l’ordre du capital.

En Uruguay, il n’existe pas de ré-élection présidentielle. L’« expérience du pouvoir » présidée par l’ancien « combattant » prendra donc fin à la fin février 2014. Mais les conséquences vont perdurer, non seulement parce que Mujica a maintenu intact le « modèle de croissance » instauré par le néolibéralisme, mais aussi parce qu’il est parvenu à damer le pion à toute manifestation de protestation populaire. Enfin, parce qu’il a démonté – avec la complicité des staliniens (PV) et des sociaux-démocrates – toute idée de radicalisation politique ou sociale. Sa contribution la plus notable à l’« unité nationale » a été, justement, d’éloigner l’horizon anticapitaliste. Les classes dominantes lui doivent une fière chandelle pour avoir changé de camp.

Il est juste de dire que des centaines de tupamaros – dont certains appartenant au tronc constitutif – sont restés dans une voie révolutionnaire. Ils sont nombreux à être encore actifs dans les mouvements sociaux ou les espaces de la gauche combative. Devant le processus graduel de décomposition du MLN, ils ont préféré quitter ce mouvement. Ils n’ont pas signé l’acte de reddition. Néanmoins ils sont eux aussi la preuve vivante d’une « défaite stratégique » évidente qui affecte des milliers de combattants et de combattantes sociaux. (Montevideo, janvier 2013 ; traduction par A l’Encontre)

______

Notes

[1] Allocution radio du président diffusée sur la chaîne privée M24, 27.12.2012.

[2] Données de la 6ème Encuesta de Expectativas Empresariales, Consultora Deloitte, radio El Espectador, Montevideo, novembre 2012

[3] Rapport sur l’achat-vente d’entreprises, El País, 29.12.2012.

[4] Jorge Notaro, « La distribución social del ingreso en Uruguay. Diagnóstico y propuestas », Cuadernos del Claeh, Nº 100, 2012.

[5] Près de 80% des frigorifiques et des entreprises rizicoles sont dans les mains d’entreprises brésiliennes.

[6] Le 2,6% des exploitations détiennent un tiers des terres (33,6%), et si l’on prend le 9,2% des exploitations, ces dernières possèdent 61% de la superficie. Au cours des derniers 10 ans, 12’2241 établissements agricoles,entre 10 et 100 hectares, ont disparu.

[7] Grâce à la Loi d’investissements (approuvée en 1997 pendant le deuxième mandat du gouvernement de Sanguinetti) des firmes aussi bien étrangères que locales bénéficient d’un système d’ « investissement exonéré » d’impôts. Le montant des exonérations fiscales est estimé, d’après la Commission d’application de la loi d’investissements , à environ 1’600 millions de dollars annuels.

[8] Uypress, Montevideo, 12-12-2012.

[9] Les principaux produits d’exportation sont le soja (17,2%), la viande (11,1%), le riz (6,5%) et le blé (4,8%). Rapport de conjoncture, Instituto Cuesta-Duarte, décembre 2012.

[10] Interview dans l’hebdomadaire Búsqueda, Montevideo, 8.11.2012.

[11] « Dos años de Mujica », éditorial de Claudio Paolillo, dans l’hebdomadaire Búsqueda, Montevideo, 1-3-2012.

[12] Cepal, Panorama Social de América Latina 2012.

[13] « La Protección a los Sectores Medios Bajos », étude coordonnée par la sociologue Carmen Midaglia, Faculté de Sciences sociales, Université de la République, Montevideo, novembre 2012. Le rapport a été réalisé par les soins du Ministère du Développement social (MIDES).

[14] Données de l’Institut national de statistique (INE), 2011.

[15] Carmen Midaglia, interview dans El País, Montevideo, 2-12-2012.

[16] Les prochaines élections présidentielles auront lieu en octobre 2014. Le nouveau gouvernement devra assumer ses fonctions le 1er mars 2015.

[17] Le Conseil des Amériques est un conclave patronal états-unien dont l’objectif est de « promouvoir le libre commerce ». Il a été fondé en 1965 par le banquier David Rockefeller et actuellement plus de 200 entreprises en font partie.

[18] Hebdomadaire Búsqueda, Montevideo, 16-8-2012.

[19] Activité organisée par « Destino Uruguay » dans le restaurant Boca Chica de Punta del Este. Note dans l’hebdomadaire Búsqueda, Montevideo, 27.12.2012.

[20] Réunion de Mujica avec le secrétariat du PIT-CNT au siège de la centrale syndicale. Note de La Diaria, Montevideo, 5.12.2012.

[21] Ibídem.

[22] Déclarations citées par UNoticias, Montevideo, 9.8.2012.

[23] Le nombre d’affiliés syndicaux a passé de 110’000 en 2004, à 340’000 en 2012. La proportion est de 20,5% de la force de travail, d’après les données de l’OIT (Organisation Internationale du Travail).

[24] « Les rapports de travail en 2012 », Institut de Relations de travail, Université Catholique de l’Uruguay, Montevideo, décembre 2012.

[25], in Búsqueda, Montevideo, 27.12.2012.

[26] « El verdadero presidente », hebdomadaire Courrier International, París, 29.11.2012.

[27] Déclarations à Búsqueda, Montevideo, 29.11.2012.

[28] Adolfo Garcé, « Uruguay tal cual es », El Observador, Montevideo, 5-12-2012.

[29] Raúl Zibechi, « Más que un presidente », in Brecha, Montevideo, 6-5-2012.

[30] Ana Bolón, « El 14 de abril », in Brecha, Montevideo, 13-4-2012.

[31] Ibídem.

[32] Ibídem.



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Mujica, el ícono de una derrota
Ernesto Herrera | enlacesocialista.org | mardi 1er janvier 2013

Uruguay/ Mujica, el ícono de una derrota

Correspondencia de Prensa

Los
"escépticos" descolocados. No habría que esperar hasta el año 2020
para meterse, nuevamente, en el "mundo desarrollado". El
Presidente Mujica -corrigiendo la predicción que había realizado meses atrás-,
acaba de comunicar que los plazos se acortaron. Los "números
objetivos" de la "recuperación" económica son tan elocuentes que
ya vuelven a colocarnos "en aquellos años venturosos" de los ’50,
cuando "se consideraba a nuestro país la Suiza de América".[1]

El sueño helvético de Mujica es tan desopilante como el personaje. O resultado
de la filosofía que predica : "como te digo una cosa, te digo otra
cosa". No obstante, se sustenta en algunas estadísticas oficiales que
cuentan que los tiempos de crisis y penurias quedaron en el pasado. Las mismas
dicen que los signos de confort son inequívocos. La sociedad está
"muchísimo mejor". El consumo "volvió a explotar" en
shoppings, supermercados y grandes tiendas ; los autos cero kilómetros los
electrodomésticos se venden como pan caliente ; el "turismo interno"
se extendió y dejó de ser un lujo para pocos ; el desempleo se sitúa en el
índice más bajo de los últimos cuarenta años. Y lo más importante : cada vez son
menos los uruguayos pobres y muchos más los de "clase media".

Los patrones dan fe del "momento excepcional". La rentabilidad de las
empresas aumentó en las principales ramas (agro-negocios, sector financiero,
industria de exportación). El 65% de los empresarios declara que el "clima
de negocios" es "bueno o muy bueno".[2] Las compra-ventas de
empresas superaron los US$ 910 millones en 2012. Los "expertos" de
fusiones-adquisiciones confirman el interés de firmas multinacionales para
"concretar en el mercado local" en 2013. Llegarán de la mano de
"fondos de inversión", que se interesan por tierras, empresas de
consumo, de servicios y del sector inmobiliario.[3] Más decisivo todavía. Los
bolsillos empresariales registran el beneficio de una "distribución"
que los tiene como ganadores. El 22,8% de lo que recauda el IRPF (Impuesto a la
Renta de las Personas Físicas) corresponde a "los ingresos del
capital y a la riqueza" ; el 67,2% corresponde "al consumo y a los ingresos
del trabajo".[4] Ninguna duda sobre quienes pagan más.

Las clases propietarias constatan lo evidente : el "país productivo"
que prometió el progresismo se asienta en los mismos pilares que instaló el
neoliberalismo en los años 1990. Vale decir : desregulación financiera ;
desnacionalización de la producción y de la comercialización de los rubros
tradicionales (carne, arroz, trigo, lácteos)[5] ; concentración-extranjerización
de la tierra[6] ; multiplicación del régimen de zonas francas ; exoneraciones tributarias
a las multinacionales sojeras, pasteras (celulosa), mineras[7] ;
privatizaciones, tercerizaciones, ley de "participación
público-privada".

Las instituciones financieras internacionales extienden el certificado de buena
conducta. La representante del Banco Mundial en Uruguay, Penélope Brook,
subrayó que la concesión de un préstamo por U$S 448 millones "es un
acontecimiento único", fundado "en la confianza" que el Banco
tiene de los "buenos resultados" económicos del gobierno.[8]

El "mujiquismo" no cambió la ecuación. Se remite a lo heredado. Por
un lado, la aplicación de los fundamentos de "disciplina fiscal"
acordados con el Fondo Monetario Internacional ; por otro lado, políticas
sociales de carácter "compensatorio" como ordena el Banco Mundial. Las
obras de infraestructura son financiadas por el Banco Interamericano de
Desarrollo o por la "asociación público-privada". El "rescate
del Estado social" se abraza con los "intereses del mercado".
Las "reformas estructurales" que antaño proponía la izquierda
(reforma agraria, nacionalización de la banca y del comercio exterior, reforma
urbana, no pago de la deuda externa, rompimiento con el FMI), se apolillan en
el baúl.

Para el economista Luis Bértola, doctor en Historia Económica de la Facultad de
Ciencias Sociales de la Universidad de la República y adherente del Frente
Amplio, no caben las confusiones : la "matriz productiva" continúa
siendo la que viene de lejos. Aunque el buen precio internacional de los
commodites[9] que exportamos empuje a celebrar. Advierte : este "modelo
agro-exportador" (en el cual se destaca la producción forestal),
puede conducir a un "callejón sin salida" cuando "la corriente
de los mercados cambie una vez más".[10]

La derecha es más punzante en el juicio. El gobierno Mujica, "será
recordado por no haber concretado los desastres que los tupamaros proponían
hace cuatro décadas (.) "No hay ’reforma agraria’ (salvo la que
desarrollaron con indudable éxito los empresarios brasileños en el campo
uruguayo), la banca privada es toda extranjera, las relaciones con el FMI son
excelentes, las multinacionales y el capital extranjero no sólo son bienvenidos
sino que han sido llamados con desesperación por el liderazgo tupamaro (.) y la
’extranjerización de la tierra’ se expandió como pocas veces en la historia del
Uruguay durante los dos gobiernos del Frente Amplio".[11] 

Más cerca de África

Comparando el ingreso per cápita, estamos bien ubicados en la tabla de
posiciones regional : terceros, detrás de Chile y Argentina, muy por delante de
Brasil, Colombia, México, Venezuela. Entramos en el medallero. Mejor que
en el mundial de fútbol de Sudáfrica 2010, donde no alcanzamos la de bronce.
Pero lejísimo del "paraíso suizo". A no ser por aquellas señas de
identidad que tradicionalmente nos asocian : el secreto bancario y las estafas
financieras.

La Cepal (Comisión Económica para América Latina y el Caribe), una institución
"seria y profesional" -en cuya escuela se formaron muchos de los
economistas que hoy administran el país-, no comparte el absurdo de Mujica. Si
bien reconoce los "avances" logrados en los últimos años es más
tacaña a la hora de clasificar a Uruguay : el país "menos desigual"
del "continente más desigual del mundo".[12] Apenas, diríamos, una performance
mediocre. Aún si la medimos con la catástrofe social del vecindario. No es sólo
la clasificación de la Cepal que resulta incómoda. Distintos informes aterrizan
en una realidad que nos acerca al "continente más desigual del
mundo". O peor : al temido "infierno africano".
 
Un estudio del Instituto de Ciencia Política de la Facultad de Ciencias
Sociales, concluye que la "clase media baja" (categoría tomada del
Banco Mundial), se encuentra al borde del abismo.[13] Es decir, las capas
sociales que "sin ser necesariamente pobres" comparten la mayoría de
"necesidades básicas insatisfechas" que tienen las personas
clasificadas en condición de pobreza. En términos de ingresos, empleo, vivienda
y educación, la línea divisoria entre ambos grupos es apenas tenue. A los
460.000 pobres del "núcleo duro" que se registraban en 2011[14], hay
que agregarle 370.000 más en "riesgo de pobreza" que "en
cualquier ciclo que empiece a bajar el PIB o en cualquier etapa de debilitación
económica", pueden caer en la escala social más baja.[15] La suma es una
durísima fotografía : 24% de la población total del país. Bastante más que el
13% que nos cuentan las estadísticas oficiales.

El Anuario Estadístico 2001 -divulgado por el Ministerio de Educación y Cultura
el miércoles 26 de diciembre de 2012-, es otro botón de muestra. Confirma la
crisis de un sistema que, supuestamente, iba a contribuir -según el
progresismo- a "cerrar" la brecha social. El Anuario indica que el
50,3% de las capas más ricas de la sociedad completa la educación de nivel terciario ;
el 60% de las capas más empobrecidas de la sociedad no culmina la educación
primaria. Esta "desigualdad simétrica" entre ricos y pobres
representa un mapa indicativo de la "desigualdad educativa" que,
luego, se traduce en analfabetismo funcional y precariedad laboral. De acuerdo
con los datos oficiales, el 38% de los jóvenes de 15 a 20 años de edad no
concurren a ningún establecimiento educativo. Siete de cada diez de estos
jóvenes pertenecen a "hogares de bajos recursos".

Con datos de 2009, Unicef ubicaba la tasa de "repetición global" de
la Administración Nacional de Educación Pública en 19%. El índice superaba
incluso el de países del África subsahariana como Tanzania, Zambia, Camerún y
Burkina Faso. El Anuario Estadístico de Educación 2011 actualizó los registros :
la repetición en la Educación Media Básica (1º a 3º de liceo) tuvo un
incremento : de 27,8% en 2010 a 29,6% en 2011. A pesar de los "buenos
resultados entre los escolares", el índice de "repetición
global" del sistema educativo uruguayo es uno de los diez más elevados en
el mundo. Haciendo memoria. En su discurso de posesión el 1º de marzo de 2010,
Mujica había anunciado las tres prioridades, inmediatas, de su administración :
"educación, educación, educación".

La crisis social tiene otras caras. El embarazo adolescente es una de las más
dramáticas : asciende al 16% de los nacimientos. Son unas 7.800 madres, o
"niñas-madres", de 10 a 19 años en aproximadamente 50.000 nacimientos
al año. Siete de cada diez de ellas pertenecen a familias pobres. En 2010 fue
el 14,8%. Los datos de 2011 aún no se completaron. De acuerdo al informe
"Estado de la población Mundial del 2012", del Fondo de Poblaciones
de las Naciones Unidas (UNFPA, por sus siglas en inglés), Uruguay tiene una
tasa de embarazo adolescente superior al promedio mundial. La tasa de mujeres
de embarazadas entre 15 y 19 años, es de 60 cada 1.000 ; la media mundial es de
49 cada 1.000. De hecho, Uruguay presenta una tasa cercana a un país destruido
como Sudán (70), duplica la del Reino Unido (25) y es cuatro veces superior a
la de España (13).

Estos "números objetivos" desmienten, categóricamente, los mitos que
re-alimenta el discurso oficial : la existencia de una "movilidad
social" basada en la "inclusión de sectores vulnerables", en una
"ampliación de la clase media" y, sobre todo, en una mayor
"igualdad de oportunidades".

Debe reconocerse de todas maneras. El progresismo ha hecho un esfuerzo por
mitigar la miseria. En "repartir algo" y "contener
socialmente", como le gusta decir al jefe de Estado. Focalizó nuevos
programas asistenciales y aumentó los recursos en los Ministerios de Desarrollo
Social, Salud Pública y Educación ; extendió las "transferencias
directas" (monetarias) a familias pobres ; y asegura una canasta de
alimentos para que nadie se muera de hambre. No obstante, este aumento del
"gasto social" ha sido más que insuficiente para "combatir la
pobreza". No hablemos de "erradicarla". Y sigue estando muy por
debajo del monto destinado, por ejemplo, a los Ministerios de Defensa e
Interior que, sumados, se embolsan 9,3% del presupuesto nacional.

Capitalismo en serio 

 
El mandato de Mujica se aproxima al tercer año.[16] Muchos de sus simpatizantes
esperaban un "giro a la izquierda" para forzar el curso del
"gobierno en disputa". No obstante, el jefe de los "tupamaros
oficiales" continuó la obra de su antecesor el "socialista"
Tabaré Vázquez. Predecible fidelidad. Ambos defienden el mismo programa.

Cada tanto, el presidente de la República se encarga de hacer saber que
progresismo no es sinónimo de izquierda. Y que aquellas "ideas
radicales" que defendía -en los años de "propaganda armada"-, se
evaporaron. Cuando se dirige a los dueños del dinero lo recalca. El 9 de agosto
de 2012, durante una reunión organizada por el Council of the Americas[17] en
el Hotel Radisson de Montevideo, les dijo a empresarios de Estados Unidos,
Argentina y Uruguay : "Antes quería llevarme todo por delante, arreglar
todo por la fuerza, pero ahora con suerte termino arreglando las
veredas".[18] El 19 de diciembre de 2012, almorzando con 200
empresarios hoteleros, inmobiliarios y gastronómicos de una "entidad
público-privada", el Presidente volvió a manifestar su conversión :
"Me limité a decir mis ideas, las que todos conocen, las que pasan por lo
que yo creo es ayudar a que Uruguay tenga un capitalismo en serio para que haya
más trabajo y por tanto más para repartir. Fue eso".[19] En los dos casos,
Mujica no hizo otra cosa que marcar su premisa : la reivindicación del capitalismo
como "herramienta" de la "prosperidad económica".

Frente a un auditorio compuesto de sindicalistas, matiza el discurso. Se
disfraza de keynesiano y promete "grandes inversiones" de las
empresas públicas. Vuelve a sus "raíces libertarias" y reivindica la
existencia de empresas "auto-gestionadas" por los trabajadores.[20]
Hasta critica el "modelo despilfarrador" del capitalismo. Su liga con
la burocracia del PIT-CNT (central sindical única) no le impide tirar de la
oreja a un sindicalismo que, según él, "persiste en un lenguaje de otra
época", anclado en "la industrialización pesada", que se imagina
un mundo "tapado de chimeneas". Es decir, que no tendría como
paradigma de sociedad moderna a Nueva Zelanda, un país de "producción
similar a la de Uruguay".[21]

Las "coincidencias estratégicas" entre sindicatos y progresismo no
eliminan ciertas tensiones y "contradicciones" ya que, como lo afirma
la senadora Lucía Topolansky, "las prioridades que el gobierno visualiza
no coinciden con las del movimiento sindical".[22] Nada que se vaya de las
manos. La alianza gobierno-aparatos sindicales funciona. Es la garantía de
"paz social", si bien la palabra maldita no figura en ningún
convenio. Cuentan los hechos. El PIT-CNT "tuvo el mayor crecimiento de
afiliados a nivel mundial",[23] no obstante, bajo el gobierno Mujica se
registra el menor índice de "conflictividad laboral" (léase luchas
sindicales) desde 2007.[24] La Dirección Nacional del Trabajo da prueba de la
eficaz colaboración : el 95% de los "conflictos" llegaron a la
negociación tripartita (gobierno, patrones, sindicatos), "sin medidas de
lucha previa y se resolvieron satisfactoriamente para las partes".[25]

En todo caso, cuando algunas luchas se "exceden en sus demandas" y
las cosas se desmadran, el "presidente-compañero" invita a los
sindicalistas (sean "moderados" o "radicales") a su
residencia-chacra en Rincón del Cerro. Hace gala de su "perfil
negociador". Dialoga y "destraba" conflictos. Tal cual haría el más
experto de los rompehuelgas.

Genuina y para siempre

En el Frente Amplio ya no hay izquierda. Sus diferentes partidos y grupos
aportan - según su caudal de votos y capacidad de cabildeo-, el cuerpo de
funcionarios. Un cuerpo que se estructura y se reproduce a través de las
funciones administrativas de Estado. Para esta nueva elite la "democracia
de mercado" es un sistema insuperable. Esto es : cualquier lucha por la
transformación política, económica, social, desapareció del horizonte. Su
función específica es la de gestionar los negocios capitalistas,
"intermediando" entre trabajadores y patrones. En aras de los
"intereses generales" de la sociedad.

Mujica es un emblema de esta nueva elite de funcionarios. No por casualidad,
algunas las corporaciones mediáticas internacionales (BBC, CNN, New York Times,
Le Monde, El País, O Globo, Clarín, La Nación, etc.) destacan sus virtudes
"incomunes". Difunden la imagen ridícula del "presidente más
pobre del mundo". Otras, como Courrier International, le agregan el
"componente místico" : un "viejo guerrillero" que, como
"presidente normal", parece "inmune a los cantos de sirena del
poder".[26] Elogios típicos de una operación político-ideológica. Si los
milmillonarios del Foro Económico Mundial de Davos distinguieron a Lula como
"estadista global", ¿por qué no darle el título de "mejor
presidente del mundo" -como lo hizo la revista británica Monocle-, al
inofensivo jefe tupamaro que "aconseja a los pobres" y permite a los
ricos hacer su juego ?

La "fascinación por el outisder" se extiende al mundo del espectáculo
y la literatura. Ricky Martin y Mario Vargas Llosa, entre otros, lo felicitan
por "legalizar" la comercialización de marihuana. Aunque Mujica haya
puesto "un freno" a la propuesta luego de saber que -según recientes
encuestas-, el 64% de los uruguayos se opone. El llamado "movimiento
ambientalista" lo aplaude por su discurso en la cumbre Río+20. Aunque se
conozca que Mujica es un ferviente partidario de la soja transgénica (100% de
la que se produce en Uruguay), de la minería a cielo abierto, de la fabricación
de pasta de celulosa.

Los capitalistas locales no se quedan atrás. Se valen del sponsor. Para la
directiva de la Unión de Exportadores, Teresa Aishemberg, la imagen mundial de
Mujica "favorece las exportaciones", porque "la forma de ser y
la forma de vida del presidente es muy distinta a la de otros mandatarios y eso
llama la atención. Atrás de él está Uruguay".[27]

Por el lado del campo progresista y antiimperialista también abundan las
cortesías. Sociólogos y periodistas resaltan sus "rasgos
notables"[28] y sus dotes de "estadista".[29] Lula, Correa y
Chávez, no se cansan de presentarlo como el "Nelson Mandela de América
Latina".

Sin
embargo, los juicios amigables de unos y otros no logran tapar la verdadera
dimensión política del "fenómeno Mujica". En tal sentido, la
descripción de Ana Bolón apunta con precisión : se trata del "héroe de la
más exitosa operación mediático-ética" de la que haya registro en el
país.[30] Su conclusión es demoledora : "El ’Pepe’ fue el regalo con el que
la derecha uruguaya nunca se había atrevido a soñar".[31] Por tanto, la
expresión más icónica de lo que define como "la derrota genuina" y
"para siempre"[32] del MLN (Movimiento de Liberación
Nacional-Tupamaros). En otras palabras : de la espantosa metamorfosis de una
fuerza que supo practicar el desafío revolucionario.

No tomaron el poder por asalto. Pero alcanzaron el gobierno por las urnas. Uno
de los "históricos" se convirtió en jefe de Estado. Otros comandan
ministerios claves como Interior y Defensa. Su tropa de senadores y diputados
defiende, desde el ámbito parlamentario, la "democracia
representativa". Nadie lo discute. Los "tupamaros oficiales" se
han convertido en una fuerza decisiva de la "gobernabilidad". Es
decir, del orden del capital.

En Uruguay no existe la re-elección presidencial. Así que la "experiencia
de poder" presidida por el "combatiente" se termina el último
día de febrero de 2014. Aunque las consecuencias perdurarán. No solo porque el
gobierno Mujica mantuvo intacto el "modelo de crecimiento" instaurado
por la "agenda neoliberal". Sino porque consiguió "marcarle la
cancha" a todo "desborde" o manifestación de protesta popular.
En definitiva, porque desmontó -en sociedad con estalinistas y socialdemócratas-,
toda idea de radicalización política o social. Su más notable contribución a la
"unidad nacional", ha sido, justamente, la de alejar el horizonte
anticapitalista. Las clases dominantes le deben un caro tributo. Por haber
cambiado de bando.

 

Notas
 
[1] Audición radial del presidente en la emisora (privada) M24, 27-12-2012.
[2] Datos de la 6ª Encuesta de Expectativas Empresariales, Consultora
Deloitte, radio El Espectador, Montevideo, noviembre 2012
[3] Informe sobre la compra-venta de empresas, El País, 29-12-2012.
[4] Jorge Notaro, "La distribución social del ingreso en Uruguay.
Diagnóstico y propuestas. Cuadernos del Claeh Nº 100, 2012.
[5] Cerca del 80% de los frigoríficos y de las empresas arroceras está en manos
de empresas brasileñas.
[6] El 2,6% de las explotaciones tienen un tercio de la tierra (33,6%) y si se
toma el 9,2% de las explotaciones, esas poseen 61% de la superficie. En los
últimos 10 años, desaparecieron 12.2241 establecimientos agropecuarios (entre
10 y 100 hectáreas).
[7] Al calor de la Ley de Inversiones (aprobada en 1997 durante el segundo
gobierno de Sanguinetti) tanto firmas extranjeras como las locales se
benefician de un sistema de "inversión exonerada" de impuestos. El
monto de las exoneraciones fiscales se estima -según la Comisión de
Aplicación de la Ley de Inversiones- en alrededor 1.600 millones de dólares
anuales.
[8] Uypress, Montevideo, 12-12-2012.
[9] Los principales productos de exportación son la soja (17,2%), carne
(11,1%), arroz (6,5%) y trigo (4,8%). Informe de Coyuntura, Instituto Cuesta-Duarte,
diciembre 2012.
[10] Entrevista en el semanario Búsqueda, Montevideo, 8-11-2012.
[11] "Dos años de Mujica", editorial de Claudio Paolillo, semanario
Búsqueda, Montevideo, 1-3-2012.
[12] Cepal, Panorama Social de América Latina 2012
[13] "La Protección a los Sectores Medios Bajos", coordinado por la
socióloga Carmen Midaglia, Facultad de Ciencias Sociales, Universidad de la
República, Montevideo, noviembre 2012. El informe fue realizado a solicitud del
Ministerio de Desarrollo Social (MIDES).
[14] Datos del Instituto Nacional de Estadística (INE), 2011.
[15] Carmen Midaglia, entrevista en El País, Montevideo, 2-12-2012.
[16] Las próximas elecciones presidenciales tendrán lugar en octubre de 2014.
El nuevo gobierno debe asumir el 1º de marzo de 2015.
[17] El Council of the Americas es un conclave empresarial estadounidense que
tiene como objetivo "promover el libre comercio". Fue fundado en 1965
por el banquero David Rockefeller y en la actualidad lo integran más de 200
compañías.
[18] Contratapa del semanario Búsqueda, Montevideo, 16-8-2012.
[19] Actividad organizada por "Destino Uruguay" en el restaurante
Boca Chica de Punta del Este. Nota en el semanario Búsqueda,
Montevideo, 27-12-2012.
[20] Reunión de Mujica con el Secretariado del PIT-CNT en la sede de la central
sindical. Nota de La Diaria, Montevideo, 5-12-2012.
[21] Ibídem.
[22] Declaraciones citadas por UNoticias, Montevideo, 9-8-2012.
[23] Los afiliados sindicales pasaron de 110.000 en 2004, a 340.000 en 2012. La
proporción es del 20,5 de la fuerza de trabajo, según datos de la OIT
(Organización Internacional del Trabajo).
[24] Las relaciones laborales en el 2012. Instituto de Relaciones Laborales,
Universidad Católica del Uruguay, Montevideo, diciembre de 2012.
[25] Nota en el semanario Búsqueda, Montevideo, 27-12-2012.
[26] "El verdadero presidente", semanario Courrier International,
París, 29-11-2012.
[27] Declaraciones al semanario Búsqueda, Montevideo, 29-11-2012.
[28] Adolfo Garcé, "Uruguay tal cual es", El Observador, Montevideo,
5-12-2012.
[29] Raúl Zibechi, "Más que un presidente", semanario Brecha,
Montevideo, 6-5-2012.
[30] Ana Bolón, "El 14 de abril", semanario Brecha, Montevideo,
13-4-2012.
[31] Ibídem.
[32] Ibídem.

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1 de Enero de 2013 www.enlacesocialista.org.mx



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