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Bruxelles veut ouvrir la Sécurité sociale au privé

Ludovic Lamant | mediapart.fr | mercredi 10 octobre 2012

mercredi 10 octobre 2012

 Avant-propos de Raoul Marc Jenar
jennar.fr | mercredi 10 octobre 2012
 10 octobre 2012 : INCROYABLE décision de la commission européenne...
| maudetyannisy | mercredi 10 octobre 2012
 Bruxelles veut ouvrir la Sécurité sociale au privé
Ludovic Lamant | mediapart.fr | mercredi 10 octobre 2012



Avant-propos de Raoul Marc Jenar
| jennar.fr | mercredi 10 octobre 2012

Depuis plus de dix ans, le mouvement altermondialiste met en garde contre les dangers de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), un des accords que gère l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). En vain. Indifférence ou sarcasme sont les réponses de pratiquement tous les journalistes ; nous sommes accusés de catastrophisme.

Ce qui était dans la proposition Bolkestein – qui n’est qu’une transposition partielle de l’AGCS à l’espace européen – et qui fut écarté du texte adopté par la pression exercée alors contre cette proposition revient maintenant à l’initiative d’une Commission européenne qui, représentante unique des 27 Etats membres à l’OMC, est à la pointe pour la mise en œuvre complète de l’AGCS.

Après le MES, après le TSCG, l’offensive néolibérale se poursuit. Parce qu’elle ne trouve aucune résistance de la part des partis qui s’intitulent socialistes, parce que la plupart des confédérations syndicales sont indifférentes à ce qui se passe à l’OMC et à l’Europe, parce qu’en face, le patronat lui est organisé et mobilisé pour arriver à un objectif dont il ne se cache pas : transférer tous les secteurs d’activités au privé.

A quand donc un surgissement populaire européen pour s’opposer à cette Europe-là ?

Pour qui s’intéresse à l’AGCS,

- voir sur Google : « Jennar et l’AGCS » ; plusieurs de mes interventions sur le sujet sont accessibles

- lire Raoul Marc JENNAR et Laurence KALAFATIDES, AGCS Quand les Etats abdiquent face aux multinationales, Paris, Raison d’Agir, 2007



10 octobre 2012 : INCROYABLE décision de la commission européenne...
| maudetyannisy | mercredi 10 octobre 2012


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Bruxelles veut ouvrir la Sécurité sociale au privé
Ludovic Lamant | mediapart.fr | mercredi 10 octobre 2012

Sur le coup, personne n’a rien vu. Lorsque le
commissaire européen Michel Barnier a
présenté, en décembre 2011, sa
proposition de


directive
sur la « passation
des marchés publics »
, pas un
observateur n’a tiré l’alarme. À
l’époque, la zone euro luttait pour sa
survie, et les conseils européens à
répétition monopolisaient l’attention
médiatique. Ce texte, censé faciliter
la mise en place du « marché unique
européen », l’une des marottes de la
Commission qui y voit une source infinie de
croissance, est presque passé
inaperçu.


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Le commissaire européen
Michel Barnier.©
(dr)

Des mois plus tard, certains conseillers et
professionnels du secteur se sont résolus
à lire l’intégralité des annexes,
longues et fastidieuses, qui accompagnaient le
document. Et, en parcourant l’annexe 16 du
texte, ils sont
tombés sur un os : l’exécutif
dirigé par José Manuel Barroso propose
d’appliquer aux « services de
sécurité sociale obligatoire »

certaines règles propres aux marchés
publics. En clair, introduire des mécanismes
de concurrence au sein d’un secteur jusqu’à
présent régi par le seul principe de
solidarité.

Si ces dispositions
étaient adoptées, ce serait un
bouleversement complet. La sécurité
sociale obligatoire (qui, en France, prend par
exemple en charge les maladies les plus graves et
les plus coûteuses) devrait faire l’objet d’un
« avis de marché », chaque
année, au terme duquel les pouvoirs publics
choisiraient le meilleur des candidats. Aux
côtés de l’opérateur historique
(en France, des caisses d’assurance santé),
pourraient s’inviter des opérateurs
privés, par exemple des géants de
l’assurance, comme Axa ou Allianz, pronostiquent
certains des observateurs les plus inquiets à
Bruxelles.

Dans la capitale
européenne, d’autres préfèrent
croire à une simple erreur de la Commission,
qui aurait rédigé trop vite certaines
des annexes, tant la manœuvre semble
grossière. Contactés par Mediapart,
les services de Michel Barnier n’ont pas
souhaité s’exprimer sur la question. Mais les
professionnels du secteur, eux, restent sur la
défensive. « Nous ne pouvons
accepter l’inclusion des services de
sécurité sociale obligatoire

(sous un régime de marchés publics)
 »
, lit-on dans une note
rédigée dès fin février
par les services d’experts de la Belgique. Ce
document, auquel Mediapart a eu accès,
propose donc de « supprimer toute
référence à la
sécurité sociale obligatoire dans
l’annexe 16 de la proposition de directive »
.

Au Parlement européen,
le débat, jusqu’à présent
ultra-confidentiel, est en train de prendre,
à l’approche d’un vote clé. « 
Le but du texte original de la Commission est
d’“harmoniser le marché interne”, objectif
louable, je le concède »
, avance
l’eurodéputé belge Marc Tarabella, le
rapporteur socialiste du texte au Parlement. « 
Là où je ne suis plus d’accord,
c’est quand, dans ce même texte, en
l’occurrence l’annexe 16, la Commission
européenne se met à vouloir
légiférer, comme si de rien
n’était, sur les services publics. »

Et d’insister : « La
sécurité sociale doit rester une
prérogative de l’État. »

Pour Pervenche Berès,
eurodéputée française et
référence sur les questions sociales au
Parlement, la situation est effectivement
problématique. « Cela paraît
tellement gros, d’autoriser les marchés
publics à intervenir dans le secteur des
services de sécurité sociale
obligatoires. Mais à partir du moment
où certains l’ont vu, et que le texte est
encore en négociation, il faut s’en occuper,
cela ne peut pas passer »
, juge-t-elle,
avant de préciser : « En tant que
présidente de la Commission emploi et
affaires sociales, si j’avais été
alertée à temps sur ce point, j’aurais
tout fait pour supprimer cette
référence dans l’annexe 16. »

La commission en question s’est prononcée
fin septembre sur le texte,
mais le point le plus épineux n’avait,
à l’époque, pas encore
été signalé.

Vers un compromis ?

Marc Tarabella a lui déposé un
amendement pour la suppression de cette
référence à la
sécurité sociale. Le vote devrait avoir
lieu dans les semaines à venir,
en commission « marché
intérieur »
, pour préparer le
terrain à un vote en plénière
à Strasbourg. Mais il incomberait ensuite aux
négociations tripartites (Commission,
Parlement, Conseil) d’aboutir. D’après
plusieurs sources proches du dossier, il est peu
probable que le texte, vu l’ampleur des enjeux et la
quantité d’amendements déposés,
soit adopté à Strasbourg avant le
début d’année prochaine.


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L’eurodéputée
socialiste Pervenche Berès.© (dr)

Au-delà des allers-retours bruxellois,
la proposition de la Commission entre en contradiction
avec des pans de traités et autres
jurisprudences, qui rappellent que la
sécurité sociale est par essence un
secteur « non économique ».
En 1993, un arrêt de la Cour de justice
européenne explique que les services
obligatoires de la sécurité sociale,
parce qu’ils mettent en place la solidarité
à l’échelle de l’État, ne peuvent
être considérés comme une
activité économique (
à
télécharger ici
). La Commission
elle-même, par exemple dans une « 
communication » de 2007, estime que la
sécurité sociale ne peut être « 
soumise aux règles du traité relatives
au marché intérieur et à la
concurrence »
(
lire
page 5
).

Bref, en toute
discrétion, la commission, via cette fameuse
« annexe 16 », opérerait une
rupture radicale et contraire à l’esprit des
traités.

À Bruxelles ces
jours-ci, les négociations sur le texte
battent leur plein. La Commission semble vouloir,
à travers une version qu’elle a
envoyée début octobre, et auquel nous
avons eu accès, arrondir les angles sur ce
point précis. Elle a proposé d’ajouter
au texte un nouveau « considérant
 »
, en amont de la directive, qui
précise que les services de
sécurité sociale obligatoire n’entrent
pas dans le champ du texte – tout simplement parce
qu’ils ne nécessitent pas, au
préalable, la signature d’un contrat.
Puisqu’il n’y a pas de contrat, il n’y a pas de
marché public, assure, en substance,
l’exécutif européen.



Sauf que l’annexe 16, dans le
corps de la directive, n’a, elle, pas
été modifiée. L’affaire
continue donc de cristalliser les tensions, et
d’agacer bon nombre de professionnels du secteur,
qui plaident pour la suppression pure et simple de
la référence à la
sécurité sociale. Un
précédent existe, de sinistre
mémoire à Bruxelles : la « 
directive services » du commissaire Frits
Bolkestein, qui prévoyait à l’origine
une libéralisation des services dans le
marché intérieur européen. Ce
texte fut, après de longues
polémiques, en partie
détricoté.




****
Transmis par Lionel Mail
Wed, 10 Oct 2012 23:22:35 +0200





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