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De l’information et du côté obscur de la rébellion syrienne

Akram Belkaïd | lequotidien-oran.com | jeudi 6 septembre 2012

mardi 11 septembre 2012

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De l’information et du côté obscur de la rébellion syrienne
Akram Belkaïd | lequotidien-oran.com | jeudi 6 septembre 2012

En règle
générale, et en matière d’actualité, l’être humain aime les histoires
simples, celles où les frontières entre le mal et le bien sont
clairement délimitées et où l’ambiguïté et le clair-obscur sont réduits à
la portion congrue. Mais l’une des règles majeures du (bon) journalisme
est de se méfier des contes parfaits, des situations binaires où chaque
partie (bonne et mauvaise) est bien identifiée. Malheureusement, c’est
l’une des règles parmi les moins respectées en ces temps de course au
clic et à l’audience, de story telling (l’art de raconter une
belle histoire) et de simplification du message. Le cas de la guerre en
Syrie et de la manière dont elle est couverte par une majeure partie de
la presse occidentale, sans oublier les télévisions arabes Al-Jazeera et
Al-Arabia, en sont une parfaite illustration. D’un côté, le mal absolu
(le régime de Bachar al-Assad) et, de l’autre, le bien personnifié (la
rébellion). 


Commençons
par l’indispensable préalable. Le régime syrien est une dictature
sanguinaire et indéfendable. A son modeste niveau, le présent
chroniqueur peut témoigner de la brutalité d’un système basé sur la peur
et la délation et que seul égalait en horreurs son équivalent irakien
de l’époque de Saddam Hussein (à côté de ces deux dictatures, celle,
pourtant paranoïaque, de Zine el Abidine Ben Ali faisait pâle figure).
Il ne s’agit donc pas d’introduire le moindre doute. Assad et sa clique
terrorisent et tuent leur propre peuple. Il leur faudra donc répondre de
leurs actes et il n’est pas acceptable qu’ils puissent se maintenir au
pouvoir. Ceci étant précisé, faut-il pour autant restreindre
l’information quand celle-ci ne colle pas à la grille de lecture
manichéenne chère à Bernard-Henry Levy et à tous ceux qui, comme lui (y
compris en Algérie…), n’en finissent pas d’en appeler à une intervention
militaire ? C’est d’autant plus important que personne ne sait à quoi
ressemblera l’après-Assad, les « bons » d’aujourd’hui pouvant facilement
devenir les « méchants » de demain comme en témoignent certains signaux
précurseurs inquiétants.

Ce qui se passe en Syrie est une guerre civile, certes asymétrique
(aviation, chars et artillerie d’un côté, armes légères de l’autre),
mais c’est tout de même un conflit où les deux parties ne font aucun
quartier. Si les horreurs commises par l’armée et les forces de sécurité
syriennes – sans oublier les milices de supplétifs – sont largement
évoquées par la presse internationale, les informations, et mises en
causes, sont plus rares concernant les actions controversées de la
rébellion (comme en témoignent les commentaires lapidaires à propos des
explosions à la voiture piégée dans Damas lesquelles ne sont rien
d’autre que du terrorisme). Dans un article récent, le grand reporter
Robert Fisk a mis en exergue quelques éléments troublants dont il est
rarement question dans les grandes publications et encore moins sur les
ondes d’Al-Jazeera (1). Celui qui sillonne la région depuis plus de
trente ans et, que l’on ne peut soupçonner de la moindre sympathie pour
le régime d’Assad, rapporte ainsi que l’Armée syrienne libre (ASL) est
parfois bien mieux équipée qu’on ne le croit et qu’elle est aussi
composée de combattants étrangers ce qui conforte les informations selon
lesquelles la Syrie est devenue le point de convergence de nombreux
djihadistes.

Surtout, Fisk explique que les actions armées contre le régime
obéissent parfois à des plans qui semblent soigneusement préparés. Tel
fut le cas par exemple de l’attaque contre l’école d’artillerie d’Alep
où sont stationnées des éléments chargés de la défense anti-aérienne du
pays. Autre information fournie par le journaliste : les assassinats de
pilotes de l’armée de l’air syrienne ont commencé bien avant que cette
dernière n’intervienne contre les insurgés. Robert Fisk rappelle aussi
que de nombreux scientifiques employés par le régime ont été assassinés
depuis le début de la guerre civile. L’ASL est-elle infiltrée par des
djihadistes ou, plus encore, ces derniers en constituent-ils l’ossature
principale ? Cette armée a-t-elle reçu pour mission de préparer le
terrain à une intervention aérienne étrangère en mettant hors de service
l’aviation loyaliste ? Et quelles contreparties les pays du Golfe
ont-ils exigé avant d’armer l’ASL ?

Ces questions sont légitimes. Les poser ne signifie pas que l’on
défende le régime mais juste que l’on cherche à connaître la vérité
sachant que cette dernière est, avec les populations civiles, l’une des
premières victimes de la guerre. D’ailleurs, à propos de populations
civiles, un autre article de Fisk a largement été passé sous silence par
le rouleau compresseur médiatique anti-Assad. Il s’agit du massacre de
Darraya où près de 300 personnes ont perdu la vie (2). Bien loin de la
version communément admise (et qui met en cause l’armée syrienne), il
semble que la tuerie ait résulté d’un échange de prisonniers qui aurait
mal tourné et que les deux parties seraient impliquées. Dire cela, le
rapporter au public est une manière de se prémunir vis-à-vis des
lendemains qui déchantent. La Guerre d’Espagne a montré que le « camp du
bien », en l’occurrence celui des républicains, pouvait être capable,
lui aussi, des pires exactions. Est-ce que cela discrédite la cause
défendue par ceux qui, au final, ont été vaincus par les franquistes ? Évidemment non mais connaître la vérité, ne serait-ce au moins qu’une
partie, est nécessaire.

Le régime d’Assad finira par tomber. La question est de savoir quand
et comment. Surtout, on a le droit de s’interroger à propos de ce qui
va suivre. Que la lutte armée soit menée, en partie, par des djihadistes
armés par des pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar n’est pas
forcément une bonne nouvelle. Quelle tendance va triompher au sein de la
rébellion ? Les démocrates et autres forces dites laïco-progressistes ?
Ou bien alors les partisans d’une théocratie qui, une fois installés au
pouvoir, s’empresseront d’oublier leurs promesses de tolérance et de
respect du pluralisme politique. Nul ne le sait mais une chose est
certaine : au pire peut toujours succéder l’« encore pire ».

(1) « The bloody truth about Syria’s uncivil war », The Independent, 26 août 2012.
(2) « Inside Daraya - how a failed prisoner swap turned into a massacre », The Independent, 29 août 2012.




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trouvé sur www.ldh-toulon.net/





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