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Soupçons sur les cuves de 22 réacteurs nucléaires

Pierre Le Hir et Intérim (à Bruxelles) | lemonde.fr | jeudi 9 août 2012

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Soupçons sur les cuves de 22 réacteurs nucléaires
Pierre Le Hir et Intérim (à Bruxelles) | lemonde.fr | jeudi 9 août 2012

La centrale nucléaire de Tihange, en Belgique.
La centrale nucléaire de Tihange, en Belgique.


La centrale nucléaire de Tihange, en Belgique. | © Marc Magain / Belpress / Andia

La sûreté de 22 réacteurs nucléaires de huit pays va devoir être revue, après la découverte, en Belgique, de "potentielles fissures" sur la cuve du réacteur numéro 3 de la centrale de Doel, située près d’Anvers.

Ces défauts révélés, mardi 7 août, par l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) belge, pourraient aussi affecter un autre réacteur du pays, celui de Tihange 2, dont la cuve a été fournie par le même fabricant, le groupe néerlandais Rotterdamsche Droogdok Maatschappij, qui a depuis cessé ses activités.

Mais la Belgique n’est pas seule concernée. Le groupe hollandais a fabriqué les cuves de vingt autres réacteurs, installés pour dix d’entre eux aux Etats-Unis et, pour les autres, en Allemagne (2), en Argentine (1), en Espagne (2), aux Pays-Bas (2), en Suède (1) et en Suisse (2). Il est donc possible que les mêmes défauts soient présents sur ces installations.

C’est lors de la révision décennale débutée le 2 juin, du réacteur de Doel 3, mis en service en 1982, qu’une méthode d’analyse par capteurs ultrasoniques a détecté la présence de "très nombreuses indications qui pourraient s’assimilerà de potentielles fissures", a indiqué l’AFCN. Cet événement a été "temporairement" classé au niveau 1, sur une échelle internationale qui compte 7 degrés de gravité.

Le combustible nucléaire ayant été déchargé pour la révision, "il n’y a aucun danger pour la population, les travailleurs et l’environnement", soulignent l’AFCN et Electrabel, la filiale belge du groupe français GDF-Suez qui exploite l’installation.

DES DÉFAUTS VIEUX DE 30 ANS, MAIS JAMAIS DÉTECTÉS

La nature de ces défauts, probablement présents dès la construction mais qui avaient échappé pendant trente ans aux ingénieurs d’Electrabel, doit être précisée par des tests complémentaires qui vont nécessiter "quelques mois de travail", a expliqué, mercredi 8 août, un porte-parole de l’électricien. "Il faut vérifier si ces anomalies peuvent se transformer en fissures ou s’il y a déjà des fissures", a pour sa part souligné l’AFCN.

Les défauts constatés n’ont pas entraîné de fuites d’éléments radioactifs – qui auraient été nécessairement détectées – durant les phases de fonctionnement du réacteur. Mais, commente François Balestreri, de l’Institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français, ils montrent que "la qualité de fabrication n’est pas au plus haut niveau".

La cuve d’un réacteur qui en enferme le cœur, c’est-à-dire les barres de combustible et le circuit primaire de refroidissement, mesure 13 m de haut pour un diamètre extérieur de 4,4 m et un poids de plus de 300 tonnes. Elle est composée d’éléments en acier de 20 cm d’épaisseur, soudés entre eux. Les anomalies détectées risquent de produire des fissures verticales, qui fragilisent davantage la structure que si elles étaient horizontales, indique dans un courriel interne le directeur de l’AFCN, Willy De Roovere.

L’agence de contrôle belge ne donnera son feu vert au redémarrage de Doel 3 que si des "arguments convaincants" sont fournis par Electrabel. En attendant, il restera à l’arrêt "au moins jusqu’au 31 août". Dans sa note diffusée en interne, le patron de l’AFCN n’exclut pas un arrêt définitif dans le "pire des cas". "Les problèmes paraissent assez graves pour empêcher le réacteur de redémarrer", estime aussi l’IRSN.

Le même sort pourrait être réservé au réacteur numéro 2 de la centrale de Tihange, près de Liège. Mis en service en 1983, et doté d’une cuve elle aussi fabriquée par la firme de Rotterdam, il doit être mis à l’arrêt dans les prochains jours pour révision. Il fera l’objet d’analyses ultrasoniques dont les résultats sont attendus fin septembre. L’AFCN prône l’inspection à terme des cinq autres réacteurs belges, même si leurs cuves ont été fabriquées par le français Creusot ou le japonais Japan Steel.

EN FRANCE, DE MULTIPLES CONTRÔLES

En France, les cuves des 58 réacteurs nucléaires ont toutes été fournies par Creusot-Loire (intégré depuis au groupe Areva). L’Autorité de sûreté française souligne qu’elles sont contrôlées en phase de fabrication et en phase d’exploitation, à l’occasion des visites décennales des centrales. Toutefois, EDF se dit prête à prendre en compte les expertises à venir sur les deux réacteurs belges.

En Belgique, l’arrêt plus long que prévu de Doel 3 et Tihange 2 ne devrait pas poser de problème d’approvisionnement, du moins en cette période estivale, selon le gestionnaire du réseau belge à haute tension, Elia. Mais, en cas d’arrêt définitif, le pays serait en difficulté, car il dépend à 51 % du nucléaire pour sa production d’électricité. Pour Willy De Roovere, le calendrier de sortie du nucléaire progressive qu’a adopté la Belgique "pourrait être revu".

Le gouvernement de coalition d’Elio Di Rupo avait déjà modifié en juillet ce calendrier adopté dès 2003 sous la pression des écologistes, tout en conservant le principe de fermeture des sept réacteurs belges entre 2016 et 2025. Mais selon ce scénario, les deux réacteurs de Doel et Tihange devaient être parmi les derniers à fermer. Ce plan est contesté par GDF Suez, qui a réclamé, la semaine dernière, des précisions aux autorités belges, sans lesquelles le groupe affirme ne pas pouvoir investir les sommes nécessaires à la prolongation jusqu’en 2025 du réacteur de Tihange 1. L’entreprise a déjà menacé de quitter le pays si l’environnement économique lui était trop défavorable.

L’incident met sous pression la Commission européenne, qui a assuré vouloir répondre à toutes les craintes des citoyens sur la sûreté des installations nucléaires et dont un rapport sur le sujet est attendu à l’automne.

La Commission recommande l’inspection de neuf réacteurs dans l’UE

Les anomalies découvertes dans la cuve d’un réacteur nucléaire en Belgique devraient conduire au contrôle de toutes les installations similaires dans l’Union européenne, mais cette décision appartient aux Etats et la Commission n’a pas le pouvoir de l’imposer, selon un de ses porte-parole. "Les autorités vont faire ces contrôles, cela semble évident", a déclaré, jeudi 9 août, Marlène Holzner, la porte-parole du commissaire à l’énergie, Gunther Oettinger. "La Commission européenne peut faire des recommandations, mais elle ne peut pas obliger", a-t-elle insisté.




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