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Dopé un jour, dopé toujours ?

Brian Palmer | slate.fr | vendredi 3 août 2012

vendredi 3 août 2012

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Justin Gatlin bénéficie-t-il encore du dopage d’il y a six ans ?
Brian Palmer | slate.fr | vendredi 3 août 2012

L’Américain, qui avait été suspendu en 2006 pour quatre ans, va tenter de gagner le 100 mètres aux Jeux olympiques de Londres.



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Le sprinteur américain Justin Gatlin, qui a été suspendu de compétition
pendant quatre ans en 2006 pour utilisation de stéroïdes anabolisants, a
remporté le 60 mètres au championnat du monde d’athlétisme en salle
, qui
s’est tenu en Turquie en mars dernier. L’ancien champion olympique, aujourd’hui
âgé de 30 ans, s’est
qualifié pour les Jeux olympiques
de Londres et a déclaré à la radio
publique américaine NPR qu’il
courait plus vite que jamais
. Un sportif peut-il continuer à tirer avantage
des stéroïdes quatre ans après avoir arrêté d’en prendre ?

En théorie, c’est possible. Certaines substances, comme la testostérone,
sont éliminées du corps en quelques jours, d’autres, comme la nandrolone, en plusieurs
semaines, voire plusieurs mois. À la fin de cette période, il n’y a plus aucun
bénéfice direct pour la masse musculaire, et le corps recommence à fonctionner
normal.

Mais personne ne sait exactement combien de temps cela prend. Certains
chercheurs estiment que le bénéfice du dopage s’arrête au bout d’un an.
D’autres pensent que les produits dopants altèrent l’expression des gènes des
années durant, et que les athlètes anciennement dopés gardent plus de facilité
à gagner du muscle que ceux qui n’ont jamais rien pris, et ce, bien après la
fin du dopage à proprement parlé.

Mais, pour l’instant, aucun test ne vient corroborer cette théorie, et cela
n’est pas près de changer. Les organismes susceptibles de les financer sont peu
nombreux, et les comités d’éthique des hôpitaux n’autoriseraient jamais des
médecins à prescrire d’importantes doses de stéroïdes anabolisants à des
patients sans justification clinique.

Comme l’entraînement

En fait, la théorie selon laquelle les stéroïdes produisent des effets à
long terme s’appuie sur l’observation d’un phénomène naturel. Un entraînement
normal, sans produits dopants, continue à avoir des effets sur le corps des
années après.

Prenez un haltérophile non dopé qui s’entraîne dur pendant des années et
finit par soulever 225 kg. Un jour, il se blesse et arrête de s’entraîner
pendant un an, au bout duquel il ne peut plus soulever que 160 kg. Dès qu’il
reprendra l’entraînement, notre haltérophile arrivera à soulever 225 kg plus
vite, et avec moins d’efforts, qu’un débutant partant de 160 kg en même temps
que lui.

Les chercheurs ne s’expliquent pas très bien ce phénomène, mais certains
croient qu’un entraînement intensif et prolongé provoque des modifications
épigénétiques
qui améliorent la production des protéines à l’origine du
développement de la masse musculaire. Bien que ces modifications ne soient pas
permanentes (un sportif à la retraite finit par perdre les bénéfices de son
ancienne hygiène de vie), les effets d’un entraînement intense semblent durer
très longtemps.

Chez un athlète qui a pris des produits pour améliorer ses
performances, cette modification pourrait être plus longue ou plus importante,
ne serait-ce que parce qu’il a pu s’entraîner plus durement et plus longuement
pendant toute la période où il se dopait.

Des durées de suspension aléatoires

Toutefois, la durée des suspensions pour dopage n’a aucun rapport avec la
durée supposée des produits dopants. De toute façon, personne ne sait calculer
cette durée avec certitude, et il n’est pas dit que les effets indirects du
dopage ne bénéficient pas au sportif pendant toute sa carrière.

En athlétisme, les suspensions sont assez aléatoires. L’agence anti-dopage
américaine a
recommandé une suspension de quatre ans
pour Justin Gatlin, ne le privant
ainsi que des Jeux olympiques de Pékin en 2008, parce qu’il avait accepté de
coopérer dans d’autres affaires de dopage.

En se dopant, Justin Gatlin ne visait sûrement pas ces avantages à
long-terme. Les suppléments de testostérone qu’il a pris, et pour lesquels il a
été condamné, font que le corps arrête d’en produire naturellement.

Or, lorsque après un contrôle positif, un sportif arrête brutalement de
prendre de la testostérone, son taux retombe bien plus bas que la normale, ce
qui rend l’entraînement très difficile pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que
le corps recommence à produire l’hormone par lui-même. Les athlètes se sentent
souvent horriblement mal pendant cette période. Il est possible de se sevrer
soi-même progressivement, mais c’est très difficile, et les dérèglements
hormonaux sont inévitables.

Brian Palmer

Traduit par Florence Curet

L’Explication remercie Keith Baar de l’université UC Davis, Anthony
Butch et Don Catlin de l’université UCLA, et Gary Wadler de l’Agence Mondiale
Antidopage. Merci également à Aaron Arnold d’avoir posé la question.

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