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Complexe industriel carcéral : Il faut en finir tout de suite avec un crime moral et politique !

Rob Urie | legrandsoir.info | lundi 16 juillet 2012

dimanche 22 juillet 2012

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Un crime moral et politique - Il faut en finir tout de suite avec le complexe industriel carcéral !
Rob Urie | legrandsoir.info | lundi 16 juillet 2012

dessin : Latuff (2008)

La plupart des lecteurs savent de quoi je parle : depuis les années 1970 le taux d’incarcération aux Etats-Unis, c’est à dire la proportion de la population envoyée en prison, a augmenté de manière exponentielle. Le taux d’incarcération est désormais le plus haut du monde. Et en nombre absolu, la population carcérale des Etats-Unis est passée d’environ 300 000 personnes à la fin des années 1970 à environ 2,3 millions l’année dernière. Cela ne comprend pas les personnes détenues dans les centres de détention pour immigrés dont le nombre a grimpé de la même manière en particulier dans les quatre dernières années.

Cette augmentation provient de deux facteurs essentiels survenus dans les années 1980 : La "guerre contre la drogue" qui a fourni les prisonniers et la privatisation du système carcéral qui conduit à augmenter le nombre des prisonniers par intérêt économique.

Dans son livre, The New Jim Crow, Mass Incarceration in the Age of Color Blindness (Le nouveau Jim Crow*, l’incarcération de masse dans un âge d’indifférence à la couleur) Michelle Alexander montre que derrière "la guerre contre la drogue" il y a des politiques raciales. Dans les années 1980 et 1990 des politiciens opportunistes se sont servi des peurs des blancs pour présenter le problème sanitaire de l’abus de drogues comme un problème racial et en tirer un profit politique. Ce faisant ils ont (re)diabolisé l’Amérique noire tout en prétendant que le système politique, légale et pénal des comtés avait pour but de prévenir le "crime" et non de générer, légitimer et imposer une oppression de classe et de race.

En fait l’abus de drogues aux Etats-Unis est largement diversifié que ce soit racialement ou autre. Les Etasuniens blancs consomment des drogues dures dans la même proportion que les Etasuniens à la peau noire ou brune. Et si les Etasuniens à la peau noire ou brune vont en prison pour des violations concernant la drogue alors que les blancs n’y vont pas c’est parce qu’il existe des pratiques policières ouvertement racistes comme le "stop and frisk" (arrête-le et fouille-le) de New York qui cible (illégalement) les jeunes à la peau noire ou brune.

Il n’y a pas de pratiques policières similaires dans les quartiers blancs riches et par conséquent pas les même taux d’arrestation pour drogues. De plus, lorsqu’on est arrêté pour drogue, les sentences diffèrent selon que l’on est blanc ou noir, à cause d’une classification des drogues ville/banlieue qui a été racialisée (par ex la cocaïne face à la marijuana).

La privatisation des prisons américaines a fait clairement apparaître le fondement économique des divisions raciales et classistes qui ont caractérisé ce pays depuis sa fondation à travers le génocide et l’esclavage basé sur la race, jusqu’au "complexe industriel carcéral" et au "nouveau Jim Crow" d’aujourd’hui, en passant par les lois Jim Crow originelles du sud d’après la guerre civile (et le racisme "doux" ailleurs).

Les prison privés sont construites et dirigées par des capitalistes qui ont des liens politiques et dont les profits augmentent avec le nombre de prisonniers et avec la quantité de travail non rémunéré qu’ils parviennent à en extraire. Ce système a remplacé le " droit de propriété" des esclaves par de la main d’oeuvre captive qui subit des sanctions sociales (légales) en vertu de la stratégie de légitimation de la punition des "crimes" commis. Cependant, si les lois sont racistes, et les procédures policières racistes alors le système est raciste (et classiste).

Si la lutte contre le "crime" était vraiment la cause du taux d’incarcération, les officiels des administrations de Bush et Obama seraient poursuivis avec enthousiasme pour crimes de guerre, torture, faux emprisonnements, meurtres, et surveillance illégale et il y aurait aussi un nombre quasi illimité de poursuites contre les crimes financiers de Wall Street, les dirigeants industriels qui détruisent l’environnement et des myriades d’autres délits. L’immunité totale dont jouit l’élite politique et économique américaine en matière de poursuites judiciaires est la preuve flagrante que le système policier, pénal et légal est un système de classe.

En plus des tragédies personnelles que l’industrie carcérale engendrent : vies gâches, travail volé, exclusion sociale, familles et liens communautaires perdus, appauvrissement permanent, ce système est un crime de classe. On a beaucoup parlé de la répugnance des Etasuniens à se rebeller même quand la situation devient intolérable. Mais beaucoup de ceux qui subissent des conditions qui pourraient les amener à se rebeller sont en prison. Maintenir le contrôle social au coeur d’un système économique si profondément inégalitaire qu’une toute petite minorité profite du travail de tous les autres est l’objectif avéré de ce système carcéral.

L’état américain n’est pas un acteur neutre de la politique économique. Comme l’explique Madame Alexander, quand on enquête sur les faits ont trouve peu "d’accidents" dans la construction de ce système policier, légal et pénal. Chercher à réformer le système par le canal officiel constitue, comme le dit Malcolm X, une diversion. Et à ce moment de l’histoire, l’opinion qu’on a sur les solutions appropriées est plutôt fonction de sa propre analyse de la
situation.

Le complexe industriel carcéral est un crime moral et politique. C’est un crime de classe. C’est aussi le microcosme du système plus large de domination, d’exploitation et de contrôle capitaliste. Il est en lien avec la diminution des salaires qui fait face à l’augmentation des profits des multinationales. Il est en lien avec l’augmentation du chômage et la proportion décroissante de la population dans la main d’oeuvre. Il est en lien avec l’augmentation des dettes en même temps que l’augmentation des prélèvements obligatoires. En lien avec la discrétion croissante avec laquelle les élites nous mettent en prison. En lien avec l’augmentation de la surveillance. Et avec les guerres racistes pour les profits économiques d’une petite minorité. Dans un système basé sur l’exploitation, le complexe industriel carcéral est juste un mode d’exploitation supplémentaire.

Quand on a interrogé Angela Davis (l’ancienne membre des Black Panther) il y a quelques décennies (dans un interview pour la TV suédoise), elle a souligné que l’Amérique noire était la victime de la violence politique et non son instigatrice. Les systèmes racistes et classistes légaux, pénaux et policiers sont les instigateurs de la violence politique systématique. Se défendre contre cette violence politique est tout à fait légitime politiquement et moralement. Et comme ce système représente les intérêts de l’exploitation et de la domination capitaliste. On peut difficilement changer l’un sans changer l’autre.

Que ce soit d’un point de vue moral ou politique, il est impératif de mettre fin à l’industrie carcérale. Comme dans les années 1950 et 1960, nous devons nous organiser, nous mobiliser et descendre dans la rue. Le système actuel est le problème, pas la solution. Et ce seront les évènements réels qui seront importants, et non le bavardage des politiciens et des leaders en place (les Démocrates). Oui, il faut en finir tout de suite avec ce système carcéral raciste et classiste.

Rob Urie

Rob Urie est un artiste et un économiste politique de New York.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/2012/07/13/end-the-prison-indust...

Traduction : Dominique Muselet

Note :

* http://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_Jim_Crow



Voir en ligne : Un crime moral et politique - Il faut en finir tout de suite avec le complexe industriel carcéral ! (Counterpunch)

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