Accueil > 2012 > mai > La voix des FARC

La voix des FARC

Grace O’Malley | legrandsoir.info | lundi 28 mai 2012

lundi 28 mai 2012

aaa


La voix des FARC
Grace O’Malley | legrandsoir.info | lundi 28 mai 2012

aaa


Alors que le président François Hollande a désigné le jour même de son investiture (15 mai) un représentant qui sera chargé de participer à la libération du journaliste Roméo Langlois détenu par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), la France est dans l’attente d’un signal de la guérilla pour envoyer en Colombie son émissaire secret (1). Afin de tenter de comprendre dans quel contexte pourrait intervenir cette libération, il est nécessaire de se pencher sur certains événements survenus ces six derniers mois au cours du conflit armé en Colombie.

Le 4 novembre 2011, Alfonso Cano, qui succédait à Manuel Marulanda à la tête des FARC depuis le 25 mai 2008, est tué lors d’un raid de l’armée colombienne dans le département du Cauca. Sa dépouille est alors fièrement exhibée aux caméras, tandis que le président colombien Juan Manuel Santos promet aux autres membres de la guérilla qu’ils finiront tous "en prison ou dans une tombe" (2). Quelques jours plus tard, Timoléon Jimenez, ou "Timochenko", est désigné pour succéder à Alfonso Cano, et adresse un premier message cinglant au président Santos, dans lequel il l’accuse d’être "menaçant et brutal" (3).

Fin novembre 2011, l’armée colombienne lance une attaque contre un camp des FARC au cours de laquelle quatre otages, détenus depuis près de quatorze années, trouveront la mort (4). Nous apprendrons par la suite que la guérilla marxiste avait adressé, quelques jours auparavant, un communiqué écrit au groupe Colombiennes et Colombiens pour la Paix, dans lequel elle acceptait la libération sans condition de six de leurs prisonniers, conformément à l’engagement pris par Alfonso Cano avant sa mort. Les FARC accusent alors l’Etat d’avoir délibérément entrepris cette opération dans le but de saboter leur tentative de libérer des prisonniers unilatéralement (5).

Les corps des quatre hommes, policiers et militaires, sont rapatriés vers leurs familles et des funérailles nationales sont célébrées à Bogota. L’année 2011 s’achève dans un climat particulièrement pesant et douloureux en Colombie.

Au mois de janvier 2012, Timoléon Jimenez, désormais troisième chef historique des FARC, lance un premier appel au dialogue au président Juan Manuel Santos, proposant alors de réouvrir des tables de négociation, comme celà avait été entrepris près de dix ans auparavant par le président Andrès Pastrana, dans le but de mettre un terme au long conflit armé par la voie du dialogue (6). Parallèlement, le projet de libérer unilatéralement six de leurs prisonniers est maintenu, et la guérilla révèle l’identité des hommes qui seront libérés (7). La guérilla demande par ailleurs qu’une commission humanitaire effectue une visite à l’intérieur des prisons colombiennes afin de vérifier les conditions de détention des prisonniers guérilleros. Les prisonniers politiques seraient en effet plus de 7 500 en Colombie, selon l’ex-sénatrice Piedad Cordoba (8). Dans un premier temps, ce droit de visite est accordé à Piedad Cordoba par le ministre de la Justice Esguerra, puis retiré, au motif qu’il n’existerait pas de prisonnier politique en Colombie.

Le 26 février 2012, dix ans jour pour jour après la fin des négociations entre le président Pastrana et la guérilla, le Secrétariat de l’Etat majeur central des FARC annonce, par un communiqué écrit, la fin des enlèvements contre rançon, ainsi que la libération de la totalité de ses prisonniers (9), dans le but d’amorcer une tentative de réconciliation et de "faire le pari de la paix" en Colombie.

Alors que l’armée colombienne inflige de lourdes pertes humaines aux FARC à la fin du mois de mars, puisque plus de 70 de leurs membres sont tués par des bombardements en l’espace de quelques jours (10), la guérilla maintient néanmoins son opération de libération unilatérale, et c’est le 2 avril 2012, que Piedad Cordoba, à la tête d’une mission humanitaire, reçoit les dix hommes dans la liesse générale (11). Certains qualifient ces libérations de triomphe pour la paix et de nombreux colombiens en appellent à l’ouverture de négociations entre les deux parties du conflit.

Or, si le début du mois d’avril 2012 a été marqué par la libération sans condition des dix derniers prisonniers de la guérilla, cette période semble également marquée par l’intensification de la réponse militaire de l’Etat colombien :

29 mars : le Général américain Martin Dempsey, Chef d’état major des armées des Etats-Unis et plus haut gradé militaire de l’armée américaine, se rend à Tibu (Colombie) afin de superviser le déploiement de 5 des 7 camps prévus du commandement Joint Task Force (force de lutte contre le terrorisme créée par les Etats-Unis) et disséminés aux endroits où la guérilla est la plus présente sur le territoire colombien (12).

6 avril : En marge du Sommet des Amériques, les présidents Barack Obama et Juan Manuel Santos signent des accords pour un nouveau plan d’action militaire régional sur le territoire colombien.

16 avril : Le Ministre de la Défense Juan Carlos Pinzon reçoit son homologue israëlien Ehud Barak afin de conclure des accords de coopération de lutte contre le terrorisme, sans que davantage de détails ne soient rendus publics (13). Israël étudie par ailleurs la vente de drones (avions sans pilote) ainsi que l’exportation d’armes vers la Colombie.

23 avril : Leon Panetta, Secrétaire à la Défense des Etats-Unis, se rend en Colombie pour rencontrer le Ministre de la Défense Juan Carlos Pinzon, afin de réviser les accords du Plan Colombie (aide militaire des Etats-Unis qui s’élève déjà à plus de 8 milliards de dollars depuis 2001) et autorise la vente de dix hélicoptères destinés à la lutte contre la guérilla (14).

Ainsi que le met en évidence Daniel Kovalik, avocat américain des droits de l’Homme et des travailleurs, ce déploiement militaire massif s’effectue conjointement avec l’entrée en vigueur du Traité de Libre Echange conclu entre la Colombie et les Etats-Unis, et pourrait sapper les tentatives potentielles de résolution du conflit par des négociations (15). De ce fait, et grâce à l’aide des Etats-Unis, l’Etat colombien poursuit son plan militaire baptisé "Epée d’Honneur", qui prévoit de "réduire" de 50% les effectifs des FARC (9 200 combattants) au cours des 2 prochaines années, soit jusqu’en 2014, date des prochaines élections présidentielles en Colombie.

La capture du journaliste français Roméo Langlois ce 28 avril dernier, au milieu d’intenses affrontements entre l’armée et la guérilla, intervient alors que le gouvernement colombien poursuit massivement son offensive militaire contre les FARC et a déjà écarté toute possibilité de résolution du conflit armé par la voie du dialogue. Alors que de rudes efforts ont déjà été entrepris par la guérilla des FARC, dans l’espoir de voir s’engager des négociations de paix avec le gouvernement colombien, il est à présent difficile d’imaginer quels efforts supplémentaires celle-ci pourrait encore fournir, alors que ses gestes ont été successivement rejetés, ignorés ou jugés insuffisants. Sans doute le moment est-il venu de prêter une oreille plus qu’attentive aux appels au dialogue et de s’intéresser réellement à l’issue politique du conflit armé colombien, tant réclamée par tout un peuple en quête de paix.

Grace O’Malley

(1) http://www.aporrea.org/internacionales/n205550.html

(2) http://www.youtube.com/watch?v=wYbEQluuPPo&feature=BFa&a...

http://www.youtube.com/watch?v=v3OZELByoZw&feature=BFa&a...

(3) http://www.lepoint.fr/monde/colombie-quatre-otages-des-farc-...

(4) http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/colombie-le-n...

(5) http://fr.canoe.ca/infos/international/archives/2011/11/2011...

(6) http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/10/la-gueril...

(7) http://www.youtube.com/watch?v=pyAUJRKPKfA&list=PL6DD7D3...

(8) http://www.panorama.com.ve/portal/app/vista/detalle_noticia....

(9) http://libertad95.com/2012/02/26/declaration-publique-des-fa...

(10) http://www.youtube.com/watch?v=rLbabJztU9A&list=PL3EA64A...

(11) http://www.youtube.com/watch?v=6LLKMl6eBMw&feature=BFa&a...

(12) http://libertad95.com/2012/05/02/les-etats-unis-envoient-des...

(13) http://www.guysen.com/article_Israel-Colombie-un-accord-de-c...

(14) http://www.aporrea.org/internacionales/n203611.html

http://www.youtube.com/watch?v=b1aYNYxpEGw&feature=BFa&a...

(15) http://libertad95.com/2012/05/09/colombie-lempire-contre-att...





Rio Chiquito - Colombie 1966
Jean Pierre Sergent et Bruno Muel | Cinq colonnes à la une | 07/01/1966

Film rapporté par deux journalistes français, sur les guerrilleros du Rio Chiquito qui s’insurgent contre l’armée et le gouvernement colombien pour avoir des écoles, des maisons, etc... Ils ont vécu pendant près d’un mois dans la forêt, avec les guerrilleros et leurs familles, que nous voyons se cacher, se battre, etc... pour Jean-Pierre Sergent et Bruno Muel "l’écho de ces combats leur parviendra longtemps encore".

Journalistes : Jean Pierre Sergent et Bruno Muel





Voir en ligne : La voix des FARC

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.