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Open data : la transparence démocratique demeure virtuelle

lagazettedescommunes.com | lundi 14 mai 2012

mardi 15 mai 2012

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Open data : la transparence démocratique demeure virtuelle
| lagazettedescommunes.com | lundi 14 mai 2012

Les collectivités pionnières ont enclenché un mouvement irréversible, mais les effets de l’open data sur la transparence de l’action publique territoriale se font attendre. La culture de la donnée doit sortir du microcosme technologique pour intéresser les citoyens.


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En septembre 2011, Arnaud Montebourg, président (PS) du conseil général de Saône-et-Loire, médiatisait la mise en ligne du plus gros volume de données budgétaires jamais réalisée par une collectivité. Se doutait-il que, sept mois plus tard, c’est la consultation de cartes postales numérisées qui serait plébiscitée par les internautes ? Et que les applications lauréates du concours organisé sur l’ensemble de ces données seraient liées au tourisme ? « La dimension valorisation du territoire est aussi un enjeu de notre démarche. Pour la partie transparence de l’action publique, nous avons créé les conditions préalables avec un site web dédié afin que les citoyens sachent où chercher, mais nous n’en avons pas encore perçu tous les effets », reconnaît Pierre Martinerie, conseiller général chargé de l’économie et du développement durable.

Faibles retours - Le constat est identique dans la quinzaine de collectivités qui ont rejoint le mouvement de l’open data français, lancé il y a deux ans par Rennes métropole : malgré les fortes attentes, les résultats sont maigres en termes de propositions d’amélioration de la gestion publique. « Ces premières collectivités ont libéré les données dans l’urgence, en mode ‘guérilla’, avec une forte volonté de communication et d’exemplarité, affirme Philippe Ourliac, délégué général de l’Observatoire des territoires numériques (Oten). Il faut laisser retomber le soufflet et que chaque collectivité définisse une politique de réutilisation selon ses priorités. Car, pour parvenir à une véritable transparence de l’action publique, on doit entrer dans une phase d’ouverture massive des données dans toutes les collectivités et les administrations. »

Une culture à diffuser - Le mouvement de l’open data territorial est donc avant tout constitué de défricheurs qui apprennent sur le tas. Les données mises en ligne sont disparates, sans véritable cohérence, et dans des formats qui ne répondent pas toujours aux exigences techniques des militants. « La dynamique est née dans les directions des technologies de l’information et de la communication, et des systèmes d’information géographique, mais la culture de la donnée est encore peu développée dans les autres directions. Les acteurs locaux de la démocratie participative ne savent pas eux-mêmes quel usage ils peuvent faire de ces données », remarque Amandine Brugière, chef de projet d’un programme de réutilisation des données publiques à la Fondation internet nouvelle génération (Fing).

Elargir le public concerné - Pour sortir le sujet de son microcosme technologique, la Fing sensibilise désormais des associations non « geeks » qui réfléchissent aux innovations démocratiques. Elle participe à des événements, telle la Semaine européenne de l’open data, organisée du 21 au 26 mai 2012 à Nantes par l’association Libertic, elle aussi engagée dans l’ouverture des données publiques. Ce sera l’occasion de partager les premières expériences d’appropriation par des associations, comme Les Petits Débrouillards, qui diffusent la culture scientifique aux enfants et adolescents, ou Décider ensemble, qui promeut la culture de concertation avec les citoyens. De son côté, le département de Saône-et-Loire réfléchit aux passerelles à mettre en place pour relier son « entrepôt » de données à sa plateforme participative Sirius 71, qui recueille les idées des habitants pour l’évolution du département.

Pourtant, les demandes spontanées des premiers réutilisateurs sont loin d’être satisfaites. « A Paris, par exemple, nous essuyons le refus de la mairie de mettre en ligne les données sur la présence des élus au conseil municipal. Il n’est pas simple, non plus, d’obtenir la localisation des bureaux de vote pour réaliser la carte des résultats des élections quartier par quartier », regrette Tangui Morlier, cofondateur de Regards citoyens, association reconnue pour ses applications de suivi de l’activité des élus au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Fournir des indicateurs - Cependant, la transparence ne passe pas nécessairement par la mise en ligne de données brutes au format électronique. « Entre la collectivité qui ne partage rien et celle qui propose des informations sur document PDF, nous préférons la seconde, faute de mieux. C’est une première étape vers la transparence », explique Nicolas Patte, journaliste de données à Owni.fr, site d’information friand de data journalisme. La mise à disposition de jeux de données le plus exhaustifs possible sera donc déterminante pour tisser, enfin, le lien entre démocratie, politique et technologie.

« Au-delà de l’open data, nous nous préparons au big data, c’est-à-dire l’analyse de données détenues à la fois par le secteur public et ses partenaires privés », confie Laurent-Pierre Gilliard, directeur général adjoint d’Aquitaine Europe Communication, l’agence numérique de la région. Les données relatives à l’énergie, l’eau ou la collecte des ordures ménagères seront croisées avec celles des collectivités pour produire des cartographies quartier par quartier, type d’habitat par type d’habitat. Avec des données proches de son quotidien, le citoyen disposera des indicateurs pour juger de la pertinence des politiques engagées par les élus et, à l’heure des réseaux sociaux, du moyen de partager ses sources. Tout comme il a disposé quasiment en temps réel des vérifications des chiffres énoncés par les candidats à la présidentielle lors du débat télévisé qui les a opposés le 2 mai. L’open data local est encore loin du compte.


Simon Chignard : « Il existe un vrai décalage entre les promesses politiques et les attentes des citoyens »

Simon Chignard est consultant indépendant, président de l’association Bug, vice-président de la Cantine numérique rennaise et auteur du livre « Open data. Comprendre l’ouverture des données publiques », Fyp éditions, avril 2012.

Quels premiers constats tirez-vous du mouvement de l’open data lancé par les collectivités locales ?

La dynamique initiée par Rennes métropole a fait réfléchir des villes qui avaient, elles aussi, des demandes de réutilisation de la part de leurs habitants. Le temps est encore à la pédagogie pour trouver la bonne manière d’organiser cette mise en ligne de jeux de données. Ce qui frappe le plus ceux qui se sont lancés, c’est que le chemin parcouru est aussi important que le résultat. Le retour sur investissement de la mise en ligne de données géolocalisées est démontré pour la création de services liés à la vie quotidienne des citoyens et l’implication des usagers est un facteur clé de succès.

Mais les promesses de l’open data ne sont-elles pas la transparence de l’action publique et la réduction de la dépense ?

Il existe un vrai décalage entre ces promesses politiques et les attentes des citoyens. Les militants de l’open data se livrent eux-mêmes à un combat de valeurs, qui peut donner des résultats antinomiques. Ils n’ont ni la même définition de la transparence, ni les mêmes attentes. Certains voient dans l’ouverture des données un moyen, pour la société civile, d’évaluer la performance du secteur public et, par conséquent, de revoir les frontières entre services opérés par le public et ceux à confier à des acteurs économiques. D’autres estiment qu’elle permet au citoyen d’exercer son droit de regard et, donc, de contrôle sur la conduite des acteurs publics. D’autres, enfin, la conçoivent comme la possibilité de transformer une contrainte légale en une opportunité sociale et économique. Si la transparence se limite aux données, sans être élargie au dialogue avec les autres acteurs, nous aurons raté quelque chose.

Faut-il que les collectivités territoriales lancent des concours de réutilisation des données financières ?

Organiser un concours c’est bien, mais il doit l’être en fonction des objectifs publics. Si l’on cherche la transparence de l’action publique sous l’angle des données budgétaires, l’open data n’est pas forcément la meilleure manière d’y parvenir. La Grande-Bretagne, dont la priorité, justement, était la diminution de la dépense publique, découvre que l’ouverture des données n’est pas nécessairement le bon outil. Lorsque l’on libère des données liées aux transports ou à l’emplacement des arrêts de bus, on est rapidement dans le champ du participatif. Lorsqu’il s’agit de données budgétaires, on est bien dans le champ de la transparence, mais pas dans celui du participatif. Ces informations sont déjà disponibles sous d’autre formes, les livrer en données brutes n’a pas de réelle valeur ajoutée. Les taux de téléchargement sont peu significatifs et peu d’applications sont développées.

Ouvrir ses données : un choix de droite ou de gauche ?

Les premières collectivités ayant créé leur propre plateforme open data sont dirigées par une majorité de gauche. Les rares collectivités gérées par une majorité de droite qui ont décidé d’ouvrir leurs données ont préféré rejoindre data.gouv.fr, mis en place par l’Etat. Ce clivage politique est cependant à relativiser, sachant que huit des onze plus grandes villes de France sont dirigées par une majorité de gauche. Et, parmi celles qui ne se sont pas encore lancées, il reste autant de villes « de gauche » que « de droite ». Cependant, les collectivités et intercos les plus avancées dans leur démarche (Rennes métropole, communauté urbaine de Bordeaux, Nantes métropole, régions Aquitaine et Pays de la Loire) forment un « arc atlantique ». Une tendance que le consultant Simon Chignard (lire l’entretien ci-dessus) expliquerait par la forte culture de la relation avec le tissu associatif qui existe dans cette zone géographique.




A retenir :
Semaine européenne de l’Open data,
du 21 au 26 mai à Nantes
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Tous les renseignements






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