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Le PS dissipe (lentement) la fumée autour du pétard

Arnaud Aubron | lesinrocks.com/droguesnews | jueves 19 de abril del 2012

jeudi 19 avril 2012

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Le PS dissipe (lentement) la fumée autour du pétard
Arnaud Aubron | lesinrocks.com/droguesnews | jueves 19 de abril del 2012

Mais quelle mouche a donc piqué François Rebsamen. En meeting ce mercredi soir dans sa bonne ville de Dijon, celui qui l’on donne comme probable ministre de l’Intérieur en cas de victoire de François Hollande à la présidentielle s’est prononcé pour la contraventionnalisation du cannabis. En clair : plus de peine de prison pour les fumeurs de pétards (la loi prévoit aujourd’hui jusqu’à un an d’emprisonnement) mais une simple contravention.

« Il y a 142 000 procédures de consommation de cannabis par an, cela représente des centaines de milliers d’heures de travail pour les policiers et elles ne donnent lieu qu’à 24 000 poursuites », a déclaré Rebsamen.

Le possible futur ministre a donc « proposé à François Hollande que l’on transforme le délit de consommation de cannabis en contravention », tout en affirmant qu’il « ne savait pas si François Hollande retiendrait cette proposition ».

La proposition n’est pas nouvelle, elle avait été révélée au mois de décembre dans un indiscret du JDD. On y apprenait même que le tarif des contraventions envisagé par le maire de Dijon était de 85 euros. Quelques semaines plus tôt, celui qui n’était encore que candidat à la primaire socialiste avait lui-même semblé, du bout des lèvres, pencher pour cette solution, déclarant dans une interview à Direct Matin passée inaperçue :

« Il faut modifier cette loi, mais maintenir l’interdit, peut-être en introduisant des contraventions pour les usagers. Mais la dépénalisation laisserait à penser que c’est un usage ordinaire. Quant à la lutte contre les trafics, ce n’est pas la légalisation du cannabis qui les empêcherait. »

Enfin au mois de décembre, le Sénat à majorité socialiste avait adopté une proposition de loi prévoyant des amendes de 68 euros pour les consommateurs de stupéfiants arrêtés pour la première fois. Une proposition que n’avait pas reprise François Hollande à l’époque.

La déclaration de Rebsamen n’est donc pas une nouveauté en soi. Reste à savoir pourquoi, à quatre jours du premier tour et alors que le débat était jusque-là inexistant sur ce sujet, le PS a choisi de s’aventurer sur ce terrain risqué, alors que la plupart des sondages donnent toujours une majorité de deux-tiers de Français opposés à la dépénalisation.

D’abord, peut-être, parce que le contexte international est porteur. La passe d’armes sur le sujet entre Barack Obama et ses homologues de Colombie, du Guatémala et du Costa Rica, ce weekend au Sommet des Amériques, a ainsi été largement commentée en France. Et le fait que plusieurs chefs d’Etat en exercice et en première ligne de la guerre mondiale à la drogue évoquent désormais ouvertement la possibilité d’une dépénalisation de toutes ces substances prohibées crédibilise une proposition que l’on estimait jusque-là réservée à quelques fumeux idéalistes.

Au niveau européen, la France est par ailleurs l’un des derniers pays à prévoir, depuis l’adoption de la loi du 31 décembre 1970, des peines de prison pour les simples usagers de drogues. Or elle est également l’un des pays où l’on fume le plus de cannabis. Un paradoxe qui rend notre position difficilement tenable, alors que des pays comme la Pologne, la République tchèque ou l’Espagne ont récemment adopté des mesures d’assouplissement des politiques antidrogues sans provoquer la catastrophe sanitaire annoncée par les Cassandre.

Enfin au niveau national, la contraventionnalisation semble être, au fil des années et avec d’importantes nuances, devenue le plus petit dénominateur commun des politiques français. A commencer par l’actuel président de la République.

Alors qu’il était ministre de l’Intérieur, en mai 2003, Nicolas Sarkozy proposait ainsi d’en finir avec les peines de prison pour les usagers, la « disposition la plus criticable de la loi de 1970″. Dans l’esprit du ministre, il s’agissait alors de remplacer ces peines « inapplicables » par de lourdes contraventions de 1500 euros avec passage devant le tribunal de police. La mesure n’avait pas été adoptée à l’époque, le ministère de la Santé souhaitant quant à lui de simples contraventions de 68 euros. Devenu président, Nicolas Sarkozy n’a plus jamais remis cette proposition sur la table, probablement par peur d’apparaitre laxiste. Pas à un paradoxe près, ce jeudi sur Europe1, le Président-candidat a sauté sur l’occasion offerte par Rebsamen et jugé la proposition de contraventionnalisation « irresponsable » :

« Alors que tant de familles sont concernées par la montée de la drogue, envoyer le message de la fin de l’interdit pour le cannabis, c’est irresponsable. »

En juin de l’année dernière, un autre ténor de la droite, Domique de Villepin, s’était lui aussi prononcé pour de simples contraventions pour les usagers de cannabis :

« Je suis contre la pénalisation et pour la dépénalisation, je propose qu’en contrepartie on choisisse la voie de la contravention. »

Du point de vue de nombreux hommes politiques, la contravention présente en effet l’avantage de maintenir l’interdit tout en adaptant une loi désormais inapplicable. En effet, avec 140 000 usagers de stupéfiants arrêtés chaque année, le passage devant le tribunal de tous les contrevenants est totalement inenvisageable. Dans ce contexte, la contravention paraît raisonnable, tout en évitant de prononcer les mots tabous de dépénalisation ou, pire encore, de légalisation.

Reste que cette proposition est parfois jugée, surtout à gauche, discriminatoire. Ainsi l’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant, auteur d’une proposition de légalisation contrôlée du cannabis, affirmait ici même en juin dernier :

« En 2003, mon successeur au ministère de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a envisagé la contraventionnalisation de la consommation : une dépénalisation light qui autorise à fumer moyennant finances. Plus de problème à fumer chez soi dans un milieu confortable et bourgeois, alors que les gamins qui fument dehors à la Goutte-d’Or se feraient tomber dessus. »

Un constat partagé par la sociologue Anne Coppel, grande spécialiste de la question des drogues, pour qui les contraventions ne peuvent être qu’un premier pas et n’ont de sens que si toute peine de prison est abolie et non uniquement, comme le prévoient les sénateurs socialistes, pour les primo-délinquants :

« Même si la contravention est une absurdité, puisqu’elle ne fait en rien baisser la consommation, elle fait consensus à l’heure actuelle dans la société. Elle permet de maintenir l’interdit et parait plus raisonnable que la dépénalisation totale. Reste que les contraventions, c’est évidemment mieux que la prison. Mais alors il faut réellement supprimer la peine de prison qui est inscrite dans la loi, ce qui n’était pas prévu dans le projet de loi socialiste au Sénat. »

Et de conclure :

« A l’arrivée, la vraie question sera celle des pratiques policières. Si ces contraventions continuent à entrer dans les statistiques de la police, ils vont continuer à interpeller en masse et ce sera la catastrophe, puisque la sanction sera désormais automatique. Si l’opinion ne se manifeste pas ou si elle se manifeste uniquement de manière répressive, le PS en restera à ce premier pas et tout cela n’aboutira nulle part. »

Arnaud Aubron




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Transmis par Olivier Poularon
Thu, 19 Apr 2012 05:16:56 -0700

PAMF



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