Accueil > 2012 > avril > Défense du cancer français : séquelles

Défense du cancer français : séquelles

piecesetmaindoeuvre.com | mardi 10 avril 2012

mardi 10 avril 2012

aaa

Défense du cancer français : séquelles
| piecesetmaindoeuvre.com | mardi 10 avril 2012

Vendredi 6 avril 2012, nous avons publié un texte intitulé « "Réindustrialisons" : quand "Là-bas si j’y suis" défend le cancer français ».(voir plus bas) Celui-ci pointait l’angle mort d’un reportage consacré à la cession du pôle vinylique d’Arkema à un « vautour » américain : l’absence de toute mention du caractère homicide de la
production de ce pôle. Cette lacune étant évidemment liée aux positions politiques du producteur, du journaliste et des intervenants de cette émission, qu’on n’insultera pas en disant que, syndicalistes, militants du Front de gauche ou journalistes engagés, ils font actuellement la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. On n’étonnera non plus personne – ni eux-mêmes - en rappelant que le Parti communiste, le Parti de gauche, la CGT et Là-bas si j’y suis soutiennent le parti de l’industrie et de l’emploi à tout prix.

De toutes les réactions suscitées par notre texte, nous avons choisi de répondre à celle qui nous paraissait la plus poignante et la plus instructive, celle peut-être qui permet pour une fois d’aller au vif du sujet. Ce message d’un syndicaliste ouvrier nous est parvenu indirectement, via une liste de discussion du Front de gauche. Nous préservons l’anonymat de son auteur.



« Aux libertaires et luddites qui écrivent « Mais pour les syndicalistes comme pour les partisans du Front de Gauche et Là-bas si j’y suis, "l’essentiel, c’est l’emploi", autrement dit : "Nos emplois valent plus que nos vies".
Je suis syndicaliste CGT mais avant tout un homme et j’ai envie de vous hurler à la figure les 52 morts de la polymérisation du CVM (et pas du PVC soyez précis !!!), les dizaines de morts du rein et de la vessie, les morts de l’amiante de l’usine Atofina Brignoud
que ces camarades ont bien été assassinés non pas au nom de l’emploi mais au nom du seul profit capitaliste vous hurler que les salariés qui sont en 1° ligne ne sont pas des kamikazes ... ils ont été gazés par des patrons qui savaient le danger
vous hurler qu’une fibre d’amiante suffit qu’un seul ppm de gaz suffit pour donner la mort !!!
vous hurler que l’amiante comme la polymérisation du CVM tuent à retardement 30 à 40 ans après l’exposition alors comment pouvez vous reprocher à ceux qui meurent aujourd’hui, 30 ans après leur exposition, d’avoir feint d’ignorer le danger afin de préserver leur emploi

Savez vous seulement libertaires et luddites notre impuissance non pas à sauver nos emplois mais notre combat pour faire reconnaître nos expositions, classer nos sites, et que nos veuves et enfants
aient une juste compensation
connaissez vous seulement la peur qui plane sur nos têtes à chaque visite médicale
savez vous seulement la peur de l’annonce de la maladie (amiante ou cancer du foie), la peur de mourir asphixié (amiante), la peur de mourir en pourrissant de l’intérieur (angiosarcome du foie)

savez vous seulement, bien penseur de PMO ce qu’est mourir du cancer du CVM, de l’amiante et autres saloperies que nous avons respiré
savez vous seulement la gifle que nous ressentons lorsqu’un de nos camarades est touché ....le dernier.... Jacques .......est parti il y a 15 jours !!
Que connais tu de nos souffrances et de celles de nos familles devant notre agonie

à vous libertaires et luddites je dis faîtes vous connaître prenez une part active dans notre combat pour la vie et luttez pour que nos usines continuent à produire en préservant la santé de ses salariés et des populations environnantes
Nos vies comme les vôtres dépendent du succès de nos luttes actuelles
Aidez nous à briser les conditions de travail qui produisent les cancers
Aidez nous dans notre lutte devant le Tribunal Administratif de Grenoble pour qu’enfin le site d’Atofina
Brignoud soit classé Amiante
Aidez nous devant les tribunaux à chaque comparution de famille d’Atofina Brignoud réclamant justice ou bien Respectez nous !! »




Si ce message apporte une confirmation, c’est bien que le PVC (même nommé chlorure de vinyle monomère) tue. Il tue même plus encore que ce que nous avions écrit, à l’usine Atofina de Brignoud (aujourd’hui Arkema), dans la cuvette grenobloise. Il tue atrocement. Et il est aussi assassin que nombre de produits dont nous gratifient les 19 sites Seveso de l’agglomération, et l’industrie en général. Qu’elle soit chimique, nucléaire, automobile, agro-alimentaire ou électronique. Ces assassinats concluant d’ailleurs des existences entières privées de vie, dans l’enfermement de l’usine.
Aux chiffres que fournit notre interlocuteur concernant les travailleurs, il faut ajouter les morts invisibles,
jamais additionnées, des riverains et de toutes les victimes d’un environnement empoisonné (eau, air, sols, alimentation). Ceux-là ne sont pas même payés, tout juste ont-ils la satisfaction de contribuer à l’augmentation du PIB et de la croissance.
Soyons précis, comme dit notre syndicaliste : on sait depuis 1906 que l’amiante est dangereuse. Celle-ci a été totalement interdite en France en 1996. Neuf décennies d’assassinat industriel. Les patrons n’étaient pas les seuls à savoir le danger. Si les ouvriers de 1906 l’ignoraient, ceux de 1976 et de 1986 le savaient. C’étaient
« les risques du métier ». Comme la silicose des mineurs ou les cancers des intérimaires du nucléaire. Comme
aujourd’hui la maladie de Parkinson des paysans qui continuent de répandre des pesticides. Qui défend le monstrueux chantier du TGV Lyon-Turin, avec ses millions de mètres cubes d’amiante et de poussières radioactives à extraire de la montagne, sinon la CGT ? Puisque c’est bon pour l’emploi.

Ce n’est pas le seul profit capitaliste qui a assassiné des générations d’ouvriers, mais la société industrielle, et le parti industriel – scientifiques, patrons, ouvriers et techniciens confondus. Un parti qui s’enkyste dans le déni, y compris face à la réalité la plus brutale. Voyez les travailleurs de Fessenheim applaudissant aux promesses de Sarkozy de prolonger leur centrale, un an après la catastrophe de Fukushima.

À toi, syndicaliste, nous disons : encore un effort dans le combat pour la vie. Vous, qui mourez en première ligne, encore un effort de cohérence pour tirer les conséquences de ce que vous savez. Le chlorure de vinyle tue ? Supprimons-le. Même communiste, autogéré, verdi, responsable, durable et citoyen, il n’y a pas de PVC propre et il ne peut pas y en avoir. Parce que nous sommes cohérents et que nous tirons des conséquences, nous refusons le PVC, quels que soient ses usages : le prix à payer est trop cher. Et ce qui vaut pour le PVC vaut pour toutes les saloperies industrielles et nuisibles.
Justement parce qu’on vous respecte, on trouve indigne de vous voir réclamer « une juste compensation » à ce qui n’a pas de prix, la vie d’un homme. Respectez-vous vous-mêmes.

Savez-vous seulement à quoi ont renoncé ceux qui depuis des décennies font la grève perpétuelle ? Ceux qui ont refusé de plier, d’entrer en usine ou au bureau, de prendre des crédits, de faire 2,1 enfants, d’acheter un pavillon, une bagnole, une télé, des téléphones portables, de revendiquer du « pouvoir d’achat ». Ceux que vous nommez « marginaux », qui subissent les diktats du parti industriel et qui tâchent, à la mesure de leur faiblesse et de leur imagination, de ménager le peu de vivant que vous n’avez pas encore détruit. Ceux que vous n’avez pas eu le cran d’imiter, parce que, tout de même, une vie entière volontairement sous le seuil de pauvreté, c’était pas votre choix.

Pour nous, luddites, il y a plus de décence à tâcher d’être maîtres de son existence et de son travail – quitte à vivre de peu – qu’à se soumettre à la machine destructrice et à mendier des conditions d’esclavage supportables. En fin de compte, une société luddite lèguerait aux fameuses « générations futures » une Terre en meilleur état que la société industrielle. Mais bien sûr, cela irait contre « le sens de l’Histoire ».

Pour finir, syndicaliste, tu es bien hardi de nous croire ignorants du cancer et de ses horreurs. Grâce à ton activité et à celle de tes collègues, c’est en réalité aujourd’hui l’une des choses du monde les mieux partagées.



Pièces et main d’œuvre
Grenoble, le 10 avril 2012

Rectificatif - Après diffusion de ce texte, le syndicaliste cité nous informe qu’il s’est trompé en tapant le nombre de morts du CVM à Brignoud : il faut lire 32 morts et non 52.

1 http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=362




"Réindustrialisons" : quand "Là-bas si j’y suis" défend le cancer français
Pièces et main d’œuvre | piecesetmaindoeuvre.com | vendredi 6 avril 2012
 

En campagne pour Jean-Luc Mélenchon, l’émission Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet sur France Inter diffusait, mercredi 4 et jeudi 5 avril 2012, un reportage de François Ruffin intitulé « Arkema et les vautours ». Où l’on apprend que le premier groupe chimique français s’apprête à céder, pour un euro symbolique, son « pôle vinylique » et les 2000 salariés qui vont avec, à un financier américain. Et François Ruffin d’accompagner les syndicalistes d’Arkema dans les QG de campagne des candidats à la présidentielle pour les « interpeller » sur ce scandale économique, et pour défendre l’idée en vogue dans cette campagne : la réindustrialisation de la France.

Pas un mot, durant ces deux émissions, sur l’activité du pôle vinylique d’Arkema et sur cette production qu’il s’agit de maintenir française. L’emploi n’a pas d’odeur, pas même celle du chlore qui sert à produire le chlorure de vinyle. Le chlorure de vinyle ? C’est un message, laissé sur le répondeur de l’émission ce jeudi 6 avril, qui renseigne l’auditoire :

« Merci à François Ruffin pour ce reportage intéressant, mais il me semble utile d’ajouter un complément d’information, pour préciser ce que fabrique le pôle vinylique d’Arkema. Celui-ci produit du chlorure de vinyle, connu par le grand public sous le nom de PVC. Le PVC est un produit classé cancérigène par l’Union européenne et par le Centre international de recherche sur le cancer. Il est notamment en cause dans l’apparition de cancers du foie. Il présente aussi des caractères mutagènes et reprotoxiques. Ceci concerne bien sûr les travailleurs des usines chimiques, dont beaucoup, en France ou aux Etats-Unis notamment, souffrent de cancer du foie, mais aussi tous ceux qui sont exposés à la pollution, entre autres par l’eau de boisson, à cause des déchets du PVC. On peut lire à ce sujet la note éditée par l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) sur le chlorure de vinyle.

Le PVC est souvent associé aux phtalates pour rendre le plastique souple – pour les jouets ou nombre de produits de consommation courante. Les phtalates sont cancérigènes, mutagènes et responsables d’anomalies de la reproduction masculine.

Enfin l’incinération du PVC génère des dioxines, qui rendent malades et tuent les voisins des incinérateurs, comme à Gilly-sur-Isère en Savoie, ou près de Besançon – y compris avec des incinérateurs de nouvelle génération.
C’est cela, aussi, que défendent les salariés d’Arkema, et qui n’était pas mentionné dans le reportage. »

Ayant diffusé ce message à l’antenne, Daniel Mermet juge utile de le faire suivre d’un autre message d’auditeur qui vante, lui, « le savoir-faire et la dignité » de ces ouvriers menacés de délocalisation. Le producteur enchaîne sur « l’essentiel, l’essentiel (rire), qui est évidemment l’emploi et le chômage et la destruction de l’industrie dans ce pays, la désindustrialisation qui (…) est l’essentiel dans cette campagne ».

Bref, produisons des cancers français. Pour l’emploi, produisons du nucléaire français, des OGM français, des pesticides français, des nanotechnologies françaises. Ça tombe bien, Arkema est leader dans la fabrication des nanotubes de carbone, sous la marque GraphiStrength, avec son unité de production des Pyrénées-Atlantiques d’une capacité de 400 tonnes par an. Les nanotubes de carbone sont ces nanoparticules dont les effets sur les poumons rappellent ceux de l’amiante. Mais pour les syndicalistes comme pour les partisans du Front de Gauche et Là-bas si j’y suis, « l’essentiel, c’est l’emploi », autrement dit : « Nos emplois valent plus que nos vies ».

C’est ça, leur prétendue « planification écologique ». Quant à nous, libertaires et luddites, nous disons : brisons les machines à produire le cancer.

Pièces et main d’œuvre

Grenoble, le 6 avril 2012

 

****
Transmis par Christine Dardal
 Tue, 10 Apr 2012 15:33:41 +0200

 
 


Voir en ligne : Défense du cancer français : séquelles

Messages

  • On pourrait lire à ce sujet et pour approfondir cette discussion le livre de Claude Guillon : "je chante le corps critique". Et puis après on en reparle de nos corps soumis à la discipline du travail et produits de consommations même quand ils sont voués à la destruction : il faut que tout ça rapporte !!!

    http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=207

    Corps blessé, corps réduit

    On pourrait résumer, au risque de la caricature, la mentalité ouvrière durant les deux premiers siècles d’industrialisation de la manière suivante : le travail nourrit mais, fatalement, il abîme et tue, par l’accident et l’usure des corps. Rien ne vaut donc que ce dont on peut jouir immédiatement : jours chômés, paie et augmentation. En 1825, les propriétaires des mines d’ardoise angevines décident de retenir un centime par jour sur les salaires ouvriers pour constituer un fonds de secours en cas d’accident. Cette mesure se heurte à l’hostilité des travailleurs qui jugent abusif tout prélèvement puisqu’ils pratiquent l’entraide spontanée. Il faut attendre 1869, soit une quarantaine d’années, pour qu’ils en admettent le principe et réclament que des délégués ouvriers participent au conseil d’administration de la caisse de secours mutuel [35].

    Les projets de loi sur les retraites ouvrières seront discutés en 1901 et 1910. La CGT, tout en admettant que « le premier devoir d’un gouvernement démocratique est d’assurer l’existence des travailleurs des deux sexes âgés ou dans l’incapacité de travailler », s’oppose au principe d’une cotisation ouvrière « étant donné l’insuffisance générale des salaires ». Quant à la part patronale, c’est encore une escroquerie puisqu’elle est le produit de l’exploitation du travail ! La confédération écarte également par principe « tout projet qui ne serait pas applicable aux étrangers résidant en France [36] ».

    Qu’il s’agisse de communautés de travail, informelles mais soudées par des habitudes d’insubordination, ou des premières organisations anarcho-syndicalistes, la classe ouvrière résiste à la modernisation capitaliste. Les règlements divers, qui visent une première rationalisation du travail par la prévention des accidents, s’opposent à l’autonomie ouvrière. C’est une prévention-sanction. La révolte qu’elle suscite, le mélange de fatalisme par rapport à l’accident et d’hostilité vis-à-vis du patronat et de l’État concourent à une relative indifférence ouvrière aux conditions de travail jusqu’à la fin des années 1930. Les risques professionnels - accidents et maladies - voient confirmer leur caractère fatal, inhérent au procès de production, par la mise en place d’un système assurantiel. Il ne s’agit pas de rechercher les causes de l’accident dans la prescription fautive d’un travail dangereux, mais d’établir un barème de réparations forfaitaires. « L’accident du travail et la maladie professionnelle, note Annie Thébaud-Mony, sont alors considérés comme socialement acceptables puisqu’indemnisables. Les garants de l’ordre industriel se sont ainsi donné les moyens de s’affranchir de toute contestation politique et sociale des conséquences sanitaires de l’organisation du travail industriel [37]. »

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.