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Viande halal : le boucher des stars défend l’égorgement

Colette Roos | rue89.com/dessous-assiette | dimanche 26 février 2012

dimanche 26 février 2012


Colette Roos
Journaliste



Les dessous

de l’assiette

Ce blog, c’est un peu ma croisade pour une bouffe saine et un "marketing honnête" (si ça existe). Je décortique des étiquettes de produits alimentaires, Je gratte le discours marketing, je passe des labels à la moulinette, je ponce des recommandations nutritionnelles.





Viande halal : le boucher des stars défend l’égorgement
Colette Roos | rue89.com/dessous-assiette | dimanche 26 février 2012

C’est ce qui s’appelle « le bon moment ». « L’Effet bœuf » (éd. Michel Lafon), le coup de gueule en forme de petit livre du boucher Yves-Marie Le Bourdonnec, est sorti la semaine de la polémique sur la viande halal lancée par Marine Le Pen.

Le Bourdonnec est le fournisseur de très grands noms de la restauration, comme Alain Ducasse ou Yannick Alléno. Et, depuis quelques jours, il apporte son soutien au candidat Mélenchon.

Un pamphlet qui tombe à pic

« L’Effet bœuf » ne parle pas du tout de la campagne présidentielle, et encore moins de Marine Le Pen. Son propos ? L’élevage de vaches à viande en France est un naufrage. Depuis le XIXe siècle, on sélectionne de mauvaises races.

Pour faire simple, disons que les limousines, les blondes d’Aquitaine, les Maine Anjou, les charolaises sont des vaches lourdes, qui mettent une quarantaine de mois à atteindre l’âge adulte. Lorsqu’elles sont menées à l’abattoir, elles sont dures comme de la carne. Leur viande n’est pas grasse, or c’est le gras qui donne du goût, le fameux « persillé ». L’herbe ne permet pas à ces bêtes de grossir, elles sont maigres de nature. Il faut donc les gaver de céréales.

Ça tombe bien : la France est un pays où les céréaliers sont les plus puissants des agriculteurs. Tout ceci est fort intéressant. Et ça le devient encore plus quand on apprend que lorsqu’on pense avoir commandé un steak de bœuf au bistrot, on se fait en réalité servir de la vieille vache qui ne donne plus assez de veaux (ou de lait).

Ça devient vraiment passionnant lorsqu’on profite de cette sortie éditoriale à point nommé pour demander à Yves-Marie Le Bourdonnec, défenseur d’un savoir-faire ancestral, amoureux des vaches bretonnes pie noire, des salers et des normandes, ce qu’il pense de la fameuse polémique sur la viande halal, déclenchée par Marine Le Pen.

« L’abattage le moins douloureux »

Yves-Marie Le Bourdonnec :

« Vous connaissez la vache Wagyu ? Elle est originaire du Japon, on en élève un peu en Europe. C’est l’animal le plus zen du monde. On lui fait écouter de la musique, on lui sert de la nourriture torréfiée, du vin pour ses propriétés antioxydantes, on composte la paille pour en faire un fourrage plus délicat, on change sa litière tous les dix jours pour éviter les odeurs d’ammoniaque, on la brosse dans le sens du poil… Sa viande vaut dix fois plus cher que celle de n’importe quelle autre vache, c’est un mets de luxe servi dans des restaurants gastronomiques.

Avec l’éleveur avec qui je travaille, on s’est posé la question de savoir quel abattage choisir. Il n’est pas question que la bête soit stressée, sinon ce sont des semaines d’un élevage de luxe qui sont gâchées en quelques secondes. On a donc fait appel à un sophrologue animalier, pour avoir son avis. Cet homme a garanti à mon éleveur que l’abattage par égorgement est le moins douloureux. »

« L’étourdissement, c’est pour aller plus vite »

« L’étourdissement n’est pas du tout une méthode choisie pour le bien des animaux. C’est juste pour aller plus vite, pour avoir de plus grandes cadences. Croyez-moi, les animaux mal étourdis passent un sale quart d’heure !

L’abattage par égorgement est spectaculaire, et ce n’est pas beau à voir, mais c’est une méthode nette, immédiate, le cerveau cesse tout de suite d’être irrigué, l’animal ne souffre pas.

Un signe qui ne trompe pas ? Avec ce type d’abattage, il n’y a jamais de “viande fiévreuse”, cette viande couleur rouge rubis qui ne peut être consommée parce que l’animal a subi trop de stress. »

Les morceaux les moins chers, aux musulmans

Dans l’édition du 24 janvier 2012 du Monde, la journaliste Elise Vincent rapportait les propos de Florence Bergeaud-Blacker, chercheuse à l’Institut de recherches et d’étude sur le monde arabe et musulman :

« Pour des raisons économiques, certains abattoirs ovins et bovins misent sur la logique de complémentarité entre circuits de distribution musulmans et non musulmans : ils abattent des animaux selon le rite, puis vendent les avants et les abats aux boucheries musulmanes, tandis que les morceaux arrière sont destinés aux non-musulmans. »

Quand on connaît le prix au kilo des abats et des morceaux avant par rapport aux morceaux arrière, on peut se poser une question. Une vraie question, cette fois : les musulmans sont-ils, en France, des consommateurs plus pauvres que les non-musulmans ? Et si oui, peut-on s’en féliciter ? Tiens, si on demandait son avis à Marine Le Pen...



Infos pratiques
"L’Effet boeuf" de Yves-Marie Le Bourdonnec
Ed. Michel Lafon, février 2012




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