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Les étincelles de la masturbation

Sophie Bramly | secondsexe.com | mercredi 4 janvier 2012

jeudi 5 janvier 2012



Le philosophe grec Diogène (410 av J.-C. – 323 av J.-C.) avait pour habitude de se masturber publiquement. Ce qui a conduit le psychanalyste Jacques Lacan à dire : « Diogène le cynique affichait au point de le faire en public à la manière d’un acte démonstratoire, et non pas exhibitionniste, que la solution du problème du désir était, si je puis dire, à la portée de la main de chacun, et il le démontrait brillamment en se masturbant ».


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Adam s’est, lui, masturbé pendant 130 ans.

Selon le Talmud, une fois chassé du Paradis, il s’est séparé d’Ève, et pendant toutes ces longues années de leur séparation, il a trouvé refuge dans l’onanisme. Le livre saint dit aussi que ses gouttes de sperme, poétiquement renommées « étincelles de hasard* », donnaient naissance, sans le féminin, à toutes sortes d’esprits, de démons, de démones, lesquels produisaient autant de jouissances que d’afflictions (en hébreu, les deux mots se construisent à partir des mêmes lettres, dans un ordre différent).
La première démone, dans le récit hébreu, est Lilith, première femme d’Adam avant Ève. À la fois déesse mère et fille du diable, elle est celle dont l’appétit sexuel est insatiable, celle qu’on n’épouse pas, première d’une longue lignée de sorcières et de prostituées.
L’histoire dit que l’une des raisons pour lesquelles Adam aurait quitté Lilith tiendrait au fait qu’il n’aimait faire l’amour que dans la position du missionnaire (ainsi nommée lorsqu’en 1920, sur une plage de Mélanaisie, un pasteur et son épouse ont fait l’amour sur la plage, pensant être seuls), tandis que Lilith voulait être au-dessus, sensible au fait que la position du missionnaire garde la femme incapable de mouvements, bloquée par le corps de l’homme, ne pouvant que se soumettre. Ainsi la liberté des femmes était-elle déjà comprimée par la fragilité, l’équilibre instable de la virilité.
Aujourd’hui encore, les turbulences actuelles du monde poussent certains hommes à bousculer les faibles acquis des femmes (qu’il s’agisse du partage des transports publics, d’effacer la représentation publique du corps, de la gestion de la maternité, des emplois qui lui sont concédés, ou - toujours - de ce qu’elle peut ou ne peut pas faire sexuellement).

Si Lilith a été abandonnée par Adam à cause de ses inclinations sexuelles, il ne me semble pas que l’histoire dise quelle a été la vie sexuelle d’Ève, pendant cette longue période de séparation. Car d’Ève il semble que l’on attende seulement qu’elle procrée.

À l’inverse, la masturbation d’Adam fut riche.
Dans la Genèse, Dieu dit d’Eve que "Elle enfanta" (4:1-2) Abel et Caïn.
130 ans plus tard, elle est désinvestie du privilège de faire des fils, car Dieu dit que c’est Adam qui enfanta (5:3) leur troisième fils, Shet.

J’en reviens aux propos de Lacan sur Diogène : « la solution du problème du désir était, si je puis dire, à la portée de la main de chacun ».

La solution est donc en soi.
Voilà une idée étincelante, si je puis dire.
Cyprine et copuline peuvent tout aussi bien que le sperme produire pensées, matières, libertés et audaces, avec ou sans partenaire.
Diogène le Cynique, qui conspuait artifices et subterfuges au nom d’un hédonisme revendiqué, a eu raison de dire « Ôte-toi de mon soleil ». C’est ici que la phrase prend le mieux tout son sens, il me semble.

* Également le titre d’un livre d’Henri Atlan.

Sophie Bramly

Michel-Ange "La tentation d’Adam & Eve"
Chapelle Sixtine
© droits réservés.




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Twitter par Agnès Maillard - blog.monolecte.fr
jeudi 5 janvier 2012




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