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Onze banques condamnées pour entente illégale

LEMONDE | 20.09.10 |

lundi 20 septembre 2010

AFP/MYCHELE DANIAU

Onze grandes banques françaises ont été sanctionnées par l’Autorité de la concurrence pour avoir prélevé des commissions interbancaires non justifiées sur le traitement des chèques.

L’Autorité de la concurrence a rendu publique, lundi 20 septembre, sa décision de sanctionner onze grandes banques françaises, à hauteur de 384,9 millions d’euros, pour avoir mis en place des commissions interbancaires non justifiées sur le traitement des chèques "de manière concertée" entre 2002 et 2007.

Ces commissions, réglées entre banques, ne correspondaient pas, selon le gendarme de la concurrence, à un véritable coût. Elles avaient pour effet pervers d’être répercutées sur les clients des banques, en l’occurrence les grandes entreprises et des commerçants, qui leur remettaient des chèques.

L’amende infligée aux banques établit un record dans ce secteur, déjà condamné par le passé, en 2000, pour entente anticoncurrentielle en matière de crédits immobiliers (174,5 millions d’euros). C’est la troisième plus grosse pénalité décidée par l’Autorité de la concurrence, après les amendes ayant frappé les opérateurs de téléphonie mobile en 2005 (534 millions d’euros) et le cartel du négoce de produits sidérurgiques en 2008 (575,4 millions).

Parmi les onze banques concernées figurent les grands noms de la finance, soit le groupe BPCE (Banques populaires-Caisses d’épargne), qui écope de la plus grosse amende (90,9 millions d’euros), suivi par le Crédit agricole (82,9 millions), BNP Paribas (63,2 millions), la Société générale (53,4 millions), etc. Il est à noter, fait inhabituel, qu’est également sanctionnée la Banque de France, dans son activité commerciale. Les sanctions pécuniaires sont fonction du produit net bancaire de l’établissement (leur chiffre d’affaires) corrigé de son poids commercial sur le marché du traitement du chèque.

"RÉCIDIVISTES"

En outre, l’Autorité de la concurrence se montre particulièrement sévère envers les banques "récidivistes" déjà condamnées en 2000 : le Crédit mutuel, les Caisses d’épargnes (devenues BPCE), la Société générale, le Crédit agricole, le Crédit lyonnais (LCL) et BNP Paribas. L’amende frappant ces six établissements est majorée de 20 %.

L’Autorité souligne aussi que cinq établissements ont joué un rôle actif dans la mise en place de ces commissions indues, préjudiciables aux commerçants : le Crédit agricole, le Crédit mutuel, La Poste, les Caisses d’épargne et BNP Paribas.
La décision de l’Autorité de la concurrence a nécessité plusieurs années d’enquêtes : le sujet est techniquement complexe et les coûts compliqués à isoler dans les bilans.

Engagée en 2003 sur la base d’une auto-saisine de l’Autorité de la concurrence, après des plaintes déposées par la grande distribution auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’enquête a donné lieu à un échange contradictoire avec les banques. Celles-ci contestaient les griefs reprochés et demandaient, pour les commissions concernées, l’exemption des règles de concurrence.

Dans sa décision – un document de 140 pages –, le gendarme de la concurrence explique que les commissions jugées indues (4,3 centimes d’euros par chèque) ont été mises en place par les banques en janvier2002, au moment du passage à la "dématérialisation du système de compensationdes chèques" – soit, en clair, lorsque le traitement informatisé a remplacé l’échange papier. Ces commissions dites "d’échange d’image chèque" ont été brusquement supprimées en juillet 2007, à l’initiative des banques, inquiètes des répercussions de l’enquête.

"CONSENSUS DANS CE SECTEUR"

L’amende de 384,9 millions d’euros sanctionne aussi deux autres commissions que s’appliquent les banques entre elles, lorsqu’elles doivent annuler des opérations erronées. Ces commissions étant toujours en vigueur, l’Autorité de la concurrence enjoint aux banques de les supprimer au plus vite.

En dépouillant sept ans durant les comptes des institutions financières, les enquêteurs ont trouvé les preuves que ces commissions n’étaient pas en rapport avec de réels coûts… Mais qu’au contraire, le passage au traitement informatisé avaient permis au secteur de réaliser des économies ! Ils sont également parvenus à établir le préjudice subi par les commerçants, en termes de frais payés aux banques, sans toutefois pouvoir avancer un montant. Tantôt les banques re-facturaient les commissions interbancaires aux clients, tantôt elles incluaient ces surcoûts à la facture globale.

Du point de vue de l’Autorité de la concurrence, cette sanction reste "mesurée, puisqu’établie en fonction de la capacité contributive de chaque établissement". Elle n’en serait pas moins symbolique.

"Les comportements sanctionnés sont très illustratifs du fonctionnement du monde bancaire, qui ne fait pas profiter ses clients d’une réforme d’intérêt général permettant une meilleure efficacité économique", indique-t-on au sein de l’Autorité.

Et de poursuivre : "Il y a toujours un consensus dans ce secteur pour que rien ne bouge, pour figer les grands équilibres. C’est contestable du point de vue de la concurrence !" Le secteur bancaire dispose d’un mois pour contester, devant la cour d’appel, la décision de l’Autorité de la concurrence. Mais il n’en a pas fini avec ses investigations. Le régulateur enquête actuellement sur les commissions sur les moyens de paiement, à commencer par les cartes bancaires.

Anne Michel

Article paru dans l’édition du 21.09.10

LEMONDE | 20.09.10 | 10h30 • Mis à jour le 20.09.10 | 10h41


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