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Dans le camp d’Achraf, les opposants redoutent une catastrophe
Boris Mabillard | letemps.ch |samedi 17 décembre 2011
samedi 17 décembre 2011
Bagdad a donné jusqu’au 31 décembre aux habitants pour qu’ils évacuent leur camp. Les familles des occupants d’Achraf en Irak ont formé une chaîne humaine sur les quais de Genève pour appeler à l’aide
Les 3400 résidents d’Achraf doivent avoir quitté leur camp le 31 décembre au plus tard selon l’ultimatum adressé par le gouvernement irakien aux membres de l’Organisation des moudjahidin du peuple iranien (OMPI). Sinon, ils seront délogés de force. Une menace qu’ils prennent très au sérieux et, pour appeler à l’aide, ils ont organisé vendredi à Genève une chaîne humaine en face du Palais Wilson. Bagdad fait la sourde oreille et, pour l’instant, refuse de différer l’évacuation. Pour Behzad Naziri, du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), « les occupants d’Achraf se battront les mains nues plutôt que de se rendre aux Irakiens ».
La pluie battante n’a pas dissuadé les militants, 200 ou 300, moins que prévu. Les pancartes sont balayées par le vent, les pèlerines jaunes, toutes les mêmes, s’envolent. Certains des activistes sont venus de Paris, ils font partie du Comité des familles des Achrafiens, comme ils appellent les habitants du camp, et disent tous la même chose : ils sont inquiets pour leurs proches, craignent que l’intransigeance irakienne ne mène à une catastrophe.
Bagdad et Téhéran alliés
Le camp d’Achraf se trouve au nord-est de Bagdad, à 120 km de la frontière iranienne. Il abrite depuis 25 ans les rebelles de l’OMPI qui en avaient fait, à l’origine, leur quartier général alors qu’ils combattaient aux côtés de Saddam Hussein contre l’Iran. Après l’invasion américaine en 2003, les moudjahidin sont désarmés et assignés à rester dans le camp. En vertu des Conventions de Genève, le statut de personnes protégées leur est accordé. Une protection que les Etats-Unis leur promettent en attendant qu’ils soient relogés ailleurs. Mais à mesure que les Américains abandonnent aux Irakiens leurs prérogatives, les choses se corsent pour les gens d’Achraf. Car les ennemis d’hier sont désormais amis : Bagdad et Téhéran, alliés, vont mener la vie dure aux combattants de l’OMPI.
Le gouvernement de Nouri al-Maliki a décidé de se débarrasser d’Achraf qu’il considère comme une atteinte à la souveraineté irakienne. Les parias d’Achraf doivent se rendre dans un autre camp, à Nuqrat al-Salman, dans le désert à l’ouest de Bassorah, et pour les forcer à faire place nette, on leur rend la vie insupportable. « Le camp est entouré de haut-parleurs qui diffusent des menaces, dont on sait qu’elles pourraient être mises à exécution. Des équipements ont été sabotés, le dernier en date est le tuyau d’acheminement du fuel nécessaire au générateur », explique Behzad Naziri. En juillet 2009, l’irruption de militaires irakiens dans le camp a fait 11 morts. En avril 2011, 36 personnes ont été tuées lors d’un assaut des forces irakiennes.
vidéo www.france24.com du 15 décembre 2011 mais avec de vieilles images...
Catherine Ashton, la cheffe de la politique extérieure de l’Union européenne, a nommé un envoyé spécial pour Achraf. Qui plus est, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, a déclaré en septembre les résidents d’Achraf comme « demandeurs d’asile », tout en exhortant l’Irak à reporter la fermeture du camp. Amnesty International a réitéré cet appel le 1er novembre.
Cependant, le gouvernement irakien a créé toutes sortes d’obstructions au démarrage du processus, insistant sur l’illégalité du délai de fermeture du camp d’ici à la fin de l’année et son aspect répressif.
Bagdad répond essentiellement aux demandes de Téhéran. Les mollahs au pouvoir en Iran considèrent Achraf comme une épine dans leur flanc. La pression exercée sur le régime iranien par la communauté internationale n’a jamais été aussi forte. Face à l’intransigeance du régime sur ses ambitions nucléaires militaires, les Etats-Unis et l’UE ont imposé de nouvelles sanctions. […]
Compte tenu du fait que le régime en Syrie, principal allié de l’Iran, est chancelant, il est facile de comprendre ce que les mollahs ressentent désormais sous la menace. Les mollahs veulent soustraire Achraf et ses résidents de l’équation – de façon permanente.
Le gouvernement irakien a exprimé son intention dans une lettre au Parlement européen en novembre, indiquant qu’il n’avait d’autre choix que de transférer les Achrafiens « vers d’autres camps en Irak ».
Une telle démarche constituerait un « arrêt de mort » pour les résidents d’Achraf. Ils seront dispersés en petits groupes, après quoi ils seront torturés et assassinés, loin des projecteurs des médias du monde et loin du regard gênant des diplomates étrangers.
Les promesses du gouvernement irakien n’ont strictement aucune valeur. Quelques heures à peine avant le massacre d’avril dernier, le gouvernement irakien, par le biais de l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad, avait assuré les résidents d’Achraf qu’il n’y aurait pas de violence.
Comme je l’ai écrit aux ministères des Affaires étrangères des 27 États membres de l’UE, le 30 novembre : « Si l’Irak a toujours l’intention de déplacer de force les habitants d’Achraf, alors il doit être absolument clair que ces gens ne sont pas du tout disposés à être déplacés de force en Irak et il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils se portent volontaires pour être massacrés. S’ils sont déplacés de force, ils n’auront d’autre choix que celui de résister ».
Je n’ai pas manqué de critiquer l’inaction de l’UE et de Mme Ashton, mais les Etats-Unis portent la principale responsabilité du moindre préjudice porté aux Achrafiens. Les Etats-Unis auraient pu empêcher les deux attaques précédentes contre Achraf. Nouri al-Maliki est tout d’abord redevable de son poste de premier ministre aux États-Unis et au lourd tribut payé par les Américains dans la guerre du Golfe. Il est inconcevable qu’il puisse se maintenir sans le soutien américain et ceci amène donc la question suivante : pourquoi les Etats-Unis ne peuvent-ils pas empêcher une autre catastrophe humaine à Achraf ?
Ainsi, lorsque M. al-Maliki se rendra à Washington lundi prochain, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton devra lui dire clairement qu’il ne peut assassiner des réfugiés iraniens sans défense comme il lui plaît, ou pour faire plaisir aux mollahs à Téhéran. Ce sont des gens que les Etats-Unis ont promis de protéger. Le délai de fermeture du camp et tout déplacement forcé des résidents d’Achraf en Irak doivent être rejetés. Le HCR doit disposer du temps et de l’espace nécessaires pour inscrire l’ensemble des 3400 résidents d’Achraf comme réfugiés afin que nous puissions mettre en œuvre le plan de réinstallation de l’UE et d’évacuation de ces personnes désarmées et sans défense dans des pays où règne la sécurité.
Le monde nous regarde.
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USA : des résidents du camp d’Achraf portent plainte contre Khamenei
ncr-iran.org - Vendredi, 16 Décembre 2011
WASHINGTON, 15 décembre 2011 (AFP) - Quatre résidents du camp d’Achraf ont porté plainte devant un tribunal civil américain contre le guide suprême iranien Ali Khamenei, les dirigeants des forces Qods et de hauts militaires irakiens, pour avoir été blessés dans une attaque du camp le 8 avril, ont annoncé jeudi leurs représentants.
Cette plainte au civil enregistrée auprès d’un tribunal de Washington vise à obtenir des dommages et intérêts pour "torture, traitement cruel, inhumain ou dégradant et crimes contre l’Humanité" en violation des lois nationales et internationales, selon la plainte dont l’AFP a obtenu copie.
Ces quatre Iraniens (3 ont reçu l’asile politique aux Etats-Unis, un y a résidé pendant une quinzaine d’années) affirment avoir subi de "graves blessures" pendant l’attaque du 8 avril 2011 "par les forces irakiennes et iraniennes", expliquent-ils dans leur plainte.
Ils accusent l’ayatollah Khamenei, le commandement des forces Qods (force spéciale des Gardiens de la révolution), mais aussi de hauts militaires irakiens d’avoir "comploté" et "exercé le commandement et le contrôle sur les auteurs de torture et d’attaques contre les civils non armés du camp d’Achraf" en Irak.
Le gouvernement irakien souhaite fermer ce camp abritant 3.300 réfugiés iraniens hostiles au régime de Téhéran et contrôlé par l’Organisation des Moudjahidine du Peuple iranien (OMPI), qualifiée de groupe terroriste par les Etats-Unis.
Des négociations sont en cours depuis plusieurs semaines entre l’ONU et les autorités irakiennes pour trouver un dénouement pacifique à la crise.
Le camp d’Achraf a déjà été le théâtre de deux accrochages sanglants entre les forces de sécurité irakiennes et les résidents. Le 8 avril, 36 résidents ont été tués.
« La décision de fermer le camp d’Achraf est irréversible » (Premier ministre irakien)
Téhéran.Irna.16 Décembre 2011
Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a déclaré que son gouvernement est fermement décidé à fermer le camp d’Achraf qui compte une majorité d’activistes de l’Organisation terroriste des Moudjahidines du peuple (OIMP), et qu’il ne changera pas d’avis.
« La décision du gouvernement irakien de fermer le camp d’activistes dissidents en fin d’année est irréversible » c’est ce qu’a affirmé le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki dans la capitale irakienne jeudi en réaction à un appel de l’ONU pour retarder la fermeture du camp d’Achraf.
Le Premier ministre irakien argue en effet que l’OIMP est une organisation "terroriste". Dans une tribune publiée le 6 décembre par le Washington Post, il affirme que "les résidents du camp appartiennent à un mouvement classé comme terroriste par plusieurs pays et que, par conséquent, ils n’ont aucune justification légale pour rester en Irak.
Comme le gouvernement irakien l’avait annoncé, le site sera démantelé le 31 décembre 2011 au plus tard.
Une décision synonyme de dispersion pour les 3 300 "activistes Achrafiens", qui comptent une majorité de membres de l’Organisation iranienne des Moudjahidines du peuple (OIMP), principal groupe terroriste honni par le peuple iranien en raison des nombreux attentats commis.
« La décision que nous avons pris est irréversible, surtout parce que cette organisation a refusé la visite d’un représentant de l’ONU au Camp d’Achraf. Ils ont rejeté le plan de l’ONU, ce qui signifie que c’est un gang de criminels et nous ne pouvons pas permettre à un gang criminel de rester sur le sol irakien », a déclaré M. Maliki.
Ils sont installés dans ce camp situé dans la province de Diyala, à 60 kilomètres au nord de la capitale irakienne, depuis le milieu des années 1980.
En 2003, après la chute de leur protecteur de l’époque, Saddam Hussein, ils ont été progressivement désarmés.
L’inscription du mouvement islamo-marxiste des Moudjahidines sur la liste des organisations terroristes a été maintenue et selon l’ONG Human Rights Watch, l’OIMP contrôle le camp irakien d’une main de fer et musèle les résidents qui contestent son autorité.
L’étau se resserre autour des réfugiés iraniens du camp d’Achraf
france24.com - 15/12/2011
Camp d’Achraf en Irak : les soutiens des Moudjahidine en appellent à Obama
iranfocus.com - Lundi, 12 Décembre 2011
Mobilisation pour le camp d’Achraf
20minutes.fr - le 28 avril 2011
Le Conseil national de la résistance iranienne, d’anciens hauts responsables américains et des défenseurs des droits de l’homme ont appelé hier, lors d’une conférence internationale près de Paris, à « une action urgente de l’ONU et des Etats-Unis pour le retrait des forces irakiennes du camp d’Achraf et la garantie de la sécurité de ses habitants ». Quelque 3 400 opposants iraniens (membres de l’Organisation des Moudjahidin des peuples d’Iran, (Ompi) une organisation classée comme terroriste par l’Iran et les Etats-Unis) vivent dans le camp d’Achraf, au nord de Bagdad. Lors d’un raid de l’armée irakienne, le 8 avril dernier, 35 d’entre eux ont été tués et plus de 300 blessés. Le Conseil national de la résistance iranienne et Ingrid Betancourt, présente hier, ont dénoncé « un crime contre l’humanité ». Patrick Kennedy, ex-membre du congrès américain et neveu de JFK, a appelé l’Irak a protéger le camp d’Achraf, « symbole de l’Iran démocratique de demain ».Faustine Vincent
Le camp d’Achraf attaqué par l’armée irakienne
19 20. Edition nationale - 07/08/2009 - 02min39s
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Reportage. L’armée irakienne a livré une attaque sanglante sur le camp d’Achraf au nord de Bagdad afin de se débarasser des "Moudjahidines du peuple", ces réfugiés iraniens considérés comme "la bête noire" de Téhéran. Neuf personnes ont été tuées, d’autres grièvement blessées ont été arrêtées. L’OMPI (L’Organisation des Moudjahiddines du peuple iranien) qui craint pour leur vie réclame que l’ONU se charge au plus vite de la protection de ses membres à Achraf.Un commentaire sur images de la Résistance Iranienne et images d’archives alterne avec les déclaration (par téléphone) d’Armand NAFISSI résident d’Achraf, Afchine ALAVI porte-parole Résistance iranienne.
Voir en ligne : Dans le camp d’Achraf, les opposants redoutent une catastrophe