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L’Amérique se divise sur la peine de mort

Laure Mandeville | lefigaro.fr | dimanche 18 septembre 2011

lundi 19 septembre 2011

aaa« Salle d’éxécution » dans l’Ohion en 2001. (Illustration). Crédits photo : MIKE SIMONS/AFP

Alors que la France commémorait dimanche le 30e anniversaire de l’abolition de la peine capitale, l’affaire Troy Davis mobilise les adversaires d’un système accusé de frapper de nombreux innocents aux États-Unis. 

Lors du débat télévisé des candidats républicains à la présidentielle organisé par CNN il y a quelques jours, le gouverneur du Texas, Rick Perry, s’est vanté de rester un partisan farouche de la peine de mort, expliquant que les 234 exécutions qui s’étaient déroulées dans son État depuis son arrivée à son poste ne l’empêchaient nullement de dormir. « J’ai confiance en notre système judiciaire », a-t-il dit. Un tonnerre d’applaudissements a répondu à ses paroles.

L’épisode en dit long sur l’attitude décomplexée que l’Amérique continue d’avoir vis-à-vis de la peine capitale et du consensus qu’elle suscite toujours aux États-Unis - alors que la France commémorait dimanche le 30e anniversaire de l’abolition de la peine de mort. Une majorité de 34 États américains continuent d’appliquer la peine capitale, contre 16 États qui l’ont interdite ou suspendue. Le dernier gouverneur à avoir passé le cap a été celui de l’Iowa, en mars 2011, au motif que « si le système ne peut être fiable à 100 %, alors nous ne devrions pas l’avoir ».

138 condamnés à mort libérés 

Mais l’évolution reste très lente. Les États-Unis occupent le 5e rang mondial pour le nombre de mises à mort, derrière la Chine, l’Iran, l’Irak et l’Arabie saoudite. Depuis qu’elle a été remise en vigueur, après un moratoire ordonné par la Cour suprême de 1972 à 1976, 1267 personnes ont été exécutées, selon les chiffres du Death Penalty Information Center. Selon un sondage Gallup de 2010, près de 64 % des Américains y restent favorables, contre 29 % qui s’y opposent.

Pour un candidat présidentiel, décider de faire campagne pour l’abolition de la peine de mort reviendrait à prendre un risque énorme, voire à commettre une forme de hara-kiri politique. Pendant leur face-à-face de campagne en 2008, Barack Obama et John McCain s’étaient d’ailleurs portés sur un tout autre front, s’élevant à l’unisson contre une décision de la Cour suprême empêchant les États d’instaurer la peine de mort pour les viols d’enfants. Invoquant « le caractère haineux » de tels crimes, les deux hommes avaient fait front pour s’opposer à la limitation de la peine capitale aux seuls crimes de sang.

Le consensus n’empêche pas de nombreux mouvements abolitionnistes de mener un combat incessant, relancé ces jours-ci par le cas de Troy Davis, dont l’exécution est programmée pour mercredi en Géorgie . Les abolitionnistes dénoncent la cruauté de la peine capitale, son inefficacité à réduire la violence et, surtout, le nombre d’erreurs judiciaires probablement commises contre des innocents. « Nous voulons exporter la démocratie, mais notre système judiciaire est moyenâgeux et a des failles énormes qui débouchent sur la condamnation à mort de centaines d’innocents », dénonce Mark Clements, un ancien détenu, membre de la campagne pour abolir la peine de mort, qui a fait 28 ans de prison pour un crime qu’il n’avait pas commis - mais qu’il avait avoué après avoir été torturé par un policier. Depuis 1973, quelque 138 personnes ont été innocentées et sont sorties des couloirs de la mort des années après leur condamnation. « Et il y a tous ceux qui ne pourront jamais se disculper parce qu’ils n’en ont pas les moyens », dit Mark. Il parle du miracle qui lui a permis de sortir de prison (il n’était pas un condamné à mort) parce qu’il a rencontré « une femme professeur qui s’est intéressée à (son) cas et a démontré (son) innocence ». « Beaucoup n’ont pas cette chance. N’oubliez pas que, dans les couloirs de la mort, il n’y a que des pauvres, sans argent, sans moyen de se défendre efficacement. »

En 2007, l’Association du barreau américain avait demandé un moratoire sur les exécutions, après une enquête dénonçant les « carences majeures du système d’utilisation de la peine capitale », après avoir étudié les pratiques de huit États. L’étude révélait des disparités raciales très importantes, avec une propension beaucoup plus grande à condamner les Noirs. Elle soulignait aussi que des pressions politiques influençaient les décisions de justice, insistant également sur l’absence d’un système de défense des personnes ayant des troubles mentaux. Quatre ans plus tard, le système n’a pas vraiment bougé.


un site francophone traite de la situation de la peine de mort à travers le monde et du droit en matière de peine capitale :
www.peinedemort.org

source : Les États-Unis et la peine de mort : une longue route reste à parcourir


Voir en ligne : L’Amérique se divise sur la peine de mort

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