Accueil > 2011 > août > Le long combat de Sihem Souid

Le long combat de Sihem Souid

Eric Kuoch | lexpress.fr | 12 août 2011

vendredi 12 août 2011

Le tribunal administratif de Paris examine ce vendredi une requête en référé déposée par l’avocat de Sihem Souid, ex-agent à la police aux frontières (PAF), contre son exclusion de 18 mois, dont six ferme, pour manquement au devoir de réserve – il lui est reproché d’avoir publié un livre dénonçant le climat raciste et homophobe de son service.

Rappelons que la Ligue des droits de l’Homme soutient sans réserve Sihem Souid.

www.ldh-toulon.net


Cette jeune fonctionnaire de police, suspendue par le ministère de l’Intérieur pour avoir publié le livre Omerta dans la police et manqué ainsi au "devoir de réserve", cherche à obtenir la levée de ces sanctions, ce vendredi, devant le tribunal administratif de Paris.

Sihem Souid le dit et le répète : il n’est pas question, pour elle, de baisser les bras. Cette fonctionnaire de police âgée de 30 ans espère que son combat contre l’administration française cessera vendredi matin, devant le tribunal administratif de Paris. Celui-ci, saisi en référé par son avocat, Me William Bourdon, doit examiner la sanction de 18 mois de suspension, dont 12 avec sursis, prise le 26 juillet à l’encontre de la jeune femme pour "manquement au devoir de réserve". Son livre, Omerta dans la police, publiée aux éditions du Cherche Midi, est au coeur de ce conflit. Elle y porte un regard très critique sur certains de ses collègues. 

Tout commence en avril 2009, quand cette jeune femme en poste depuis 2006 à l’aéroport d’Orly, s’indigne du comportement qualifié de "raciste", "sexiste", et "homophobe", de plusieurs fonctionnaires de la Police de l’air et des frontières (PAF). Avec sept de ses collègues, Sihem Souid décide de déposer plainte. Mais le dossier sera classé sans suite. 

Cette démarche, considérée comme une provocation par sa hiérarchie, marque le début d’un feuilleton judiciaire. Accusée par la PAF d’Orly d’avoir fourni des documents internes à un journaliste, Sihem Souid est suspendue une première fois en juin 2009. Elle réussit à prouver son innocence, puis à être réintégrée le 23 novembre de la même année, au service de la prévention à la Préfecture de police de Paris. 

"C’est un acharnement pur et simple"

Le conflit est relancé avec la publication de son livre, en octobre 2010. "Je ne pouvais pas ne pas en parler. Les actes dont j’avais été témoin étaient indignes des principes républicains que la Police est sensée suivre", explique-t-elle à LEXPRESS.fr. 

L’ouvrage sort le 14 octobre 2010, et connaît un fort retentissement. Dès le lendemain, elle comparaît devant le tribunal correctionnel de Créteil pour "divulgation du secret professionnel", soit les mêmes raisons qui lui ont valu une exclusion temporaire. 

Dans l’attente de jugement, cette procédure judiciaire se double d’une procédure disciplinaire, c’est à dire interne à la police, sur intervention du ministère de l’Intérieur. "C’est un acharnement pur et simple, estime Sihem Souid. Lorsqu’ils enclenchent la machine, c’est pour vous démolir, rien d’autre. "A la suite de la parution du livre, le ministère la suspend, le 1er décembre 2010, pour " manquement au devoir de réserve." 

"La sanction est disproportionnée avec les faits reprochés"

Sihem Souid pense voir le bout du tunnel le 18 mars 2011, quand le tribunal correctionnel de Créteil lui donne finalement raison et prononce la relaxe. Elle est une nouvelle fois réintégrée le 1er avril. Une petite victoire judiciaire. Mais la machine administrative, elle, ne s’arrête pas. Nouvelle convocation le 28 avril. A peine un mois après sa réintégration, elle se retrouve devant le Conseil de discipline de l’Inspection Générale des Services (IGS), où elle va bénéficier d’un coup de pouce des élus syndicaux... 

"On a boycotté la réunion, car l’administration devait nous délivrer l’ouvrage de Mme Souid, pour que l’on puisse l’examiner. On ne peut pas se réunir sur un dossier sans le connaître", explique Philippe Bouchu, élu Unsa-intérieur. Mais rien n’y fait, Sihem Souid retourne devant ce même Conseil le 24 mai. Et le couperet tombe : 18 mois de suspension sans salaire, dont 12 mois fermes. "La sanction est disproportionnée avec les faits reprochés", se désole Philippe Bouchu. 

Offensive médiatique

En réaction, Sihem Souid lance une offensive médiatique, et plaide sa cause auprès du grand public. Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, met deux semaines à valider la sentence. Le 26 juillet, celle-ci est officialisée, mais ramenée à 18 mois d’exclusion, dont 6 mois fermes. "Claude Guéant a fait un geste", reconnaît Philippe Bouchu. L’intéressée, elle ne décolère pas : "C’est parce qu’il a senti la pression médiatique, qu’il a réduit la peine. De toute façon je n’abandonnerai pas, j’irai jusqu’au bout. Je n’ai commis aucune faute." 

Impatiente de connaître la décision du tribunal administratif, elle a déjà prévu une stratégie en cas d’échec. "Si demain, ça ne donne rien, le Conseil d’Etat me donnera raison, annonce-t-elle. Et si au Conseil d’Etat, ça ne marche pas, je saisirai la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il y a une jurisprudence européenne qui restreint le devoir de réserve..." 

Sihem Souid n’a pourtant rien d’une mauvaise élève de la police. Major de sa promotion, elle représente même, d’après Philippe Bouchu, "un modèle d’intégration républicaine". Ces deux années de lutte n’ont pas altéré son moral. "J’ai confiance en la justice française, assure-t-elle. La France ne peut se permettre d’avoir de tels manquements à l’esprit républicain. Et je suis déterminée à les combattre". 


Voir en ligne : Le long combat de Sihem Souid

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.