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Cannabis : ce que la légalisation rapporterait au fisc

Pierre Kopp | lemonde.fr | 2 août 2011

mardi 2 août 2011

Faut-il légaliser l’usage du cannabis pour en finir avec le trafic qui empoisonne les banlieues, et garantir la qualité de ce produit de consommation de masse mais souvent dangereusement frelaté ? Ces arguments, avancés par l’ancien ministre PS de l’intérieur Daniel Vaillant ou le maire Europe Ecologie-Les Verts de Sevran, Stéphane Gatignon, font débat, notamment au regard de leur impact économique et sanitaire.

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Pour Le Monde, l’économiste Pierre Kopp, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-I), a comparé le coût de la politique de lutte contre le cannabis à celui d’une éventuelle autorisation. Il estime que, comme pour le tabac, l’élément-clé serait la taxe fixée par l’Etat : un niveau adéquat permettrait d’éviter une hausse de la consommation, tout en dégageant des moyens pour la prévention. Pierre Kopp est l’auteur de l’article "Les drogues sont-elles bénéfiques pour la France ?", à paraître dans la Revue économique en septembre.

Il est souvent avancé que la légalisation du cannabis engendrerait une hausse de la consommation. Quelle est votre analyse ?

Pierre Kopp : Légaliser ne conduirait pas à une explosion de la consommation si la taxe fixée par l’Etat permettait de maintenir le prix actuel (environ 5,50 euros le gramme). Le prix est la variable essentielle : s’il était trop élevé, cela susciterait du trafic. S’il était trop bas, la consommation pourrait se développer. Il devrait en fait être un peu plus élevé qu’aujourd’hui pour compenser la disparition du risque que comporte l’achat (vol par le dealer, interpellation par la police, etc.).

Le deuxième élément-clé est l’éducation. Il faut prévenir les usages dangereux en alertant sur les effets de la surconsommation ou les risques de la conduite sous l’emprise du cannabis.

Quel est le coût de l’usage de cannabis pour la collectivité ?

Pour évaluer cet impact, nous prenons en compte toute une série d’éléments : les conséquences pour les finances publiques des dépenses de répression, de soins… mais aussi les retraites qui n’ont pas à être versées en cas de décès, les bénéfices en termes de plaisir pour le consommateur, les profits des réseaux criminels, etc. Nous savons ainsi que l’ensemble des drogues illicites (cannabis, héroïne, cocaïne…) a un impact négatif évalué à 900 millions d’euros sur ce que les économistes appellent le "bien-être collectif". Autrement dit, qu’elles constituent une perte de ressources qui pourraient être mieux allouées.

Il est difficile de faire une évaluation drogue par drogue, mais nous savons que l’essentiel des dépenses répressives porte sur le cannabis. J’estime qu’environ un tiers de l’impact négatif des drogues illicites lui est imputable.

Qu’apporterait une légalisation ?

Il pourrait être épargné 300 millions d’euros de dépenses dues aux interpellations, et même davantage car il faudrait ajouter les dépenses dues aux gardes à vue, au fonctionnement des tribunaux et à l’exécution des peines. Cela permettrait en outre d’encaisser une taxe approximativement égale à 1 milliard d’euros. Au final, du temps et des moyens pourraient être réalloués à la prévention et à la lutte contre le trafic des autres drogues.

Comment jugez-vous la politique de lutte contre le cannabis ?

Pour les économistes, les bonnes politiques publiques sont celles qui minimisent le coût social, c’est-à-dire celles qui permettent d’améliorer le bien-être de la collectivité à moindre coût. Or celle concernant le cannabis coûte cher, pour un bénéfice incertain.

Après 1995, la France a changé de politique en matière d’héroïne en autorisant les produits de substitution, ce qui a permis une chute du nombre d’overdoses. Avec le cannabis, nous marchons sur la tête : l’Etat continue de dépenser autour de 300 millions d’euros par an pour interpeller environ 80 000 personnes, sans que cela ait un effet radical sur la consommation, qui s’est stabilisée à un haut niveau. Un tel résultat pourrait être obtenu de façon moins coûteuse en favorisant l’éducation et les soins.

D’autres pays ont dépénalisé l’usage. Est-ce la solution ?

La nécessité de supprimer les poursuites pénales est pour moi une évidence. Mais, en tant qu’économiste, je suis plus favorable à une légalisation contrôlée, avec un Etat qui supervise la production et la distribution. Cela permet de pouvoir jouer sur le prix, et de mieux lutter contre les mésusages de cette drogue. Une politique répressive encombre les services judiciaires et mobilise de façon disproportionnée la police, en créant en outre des tensions dans les banlieues.

Propos recueillis par Laetitia Clavreul
Article paru dans l’édition du 03.08.11


Transmis par Olivier Poularon
Tue, 2 Aug 2011 03:26:52 -0700


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