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À Thonon, les enfants de chômeurs privés de cantine

| lepoint.fr | 11 juillet 2011

mardi 12 juillet 2011

Jean Denais, maire UMP de Thonon-les-Bains, a décidé de restreindre l’accès des cantines scolaires aux enfants de chômeurs à partir de la rentrée.

À Thonon, les enfants de chômeurs privés de cantine

Le nouveau règlement de la restauration scolaire de Thonon vise particulièrement les enfants de chômeurs.
© Jeff Pachoud
/ AFP

Le règlement intérieur concernant la restauration scolaire dans les établissements de Thonon, en Haute-Savoie, a été modifié en avril dernier. Il stipule que l’accès aux restaurants scolaires est réservé en priorité aux enfants dont "le ou les parents exercent une activité professionnelle". En cas de perte d’emploi, l’accès au service est maintenu pendant un mois. Pour les parents demandeurs d’emploi, "un planning sur justificatif est établi dans la limite des places disponibles". Reste ensuite 10 % des places qui pourront être réservées aux familles ne correspondant à aucun de ces deux critères, mais qui bénéficient d’une prise en charge par les services sociaux. Les enfants dont l’un au moins des parents est au chômage pourront néanmoins bénéficier des services de restauration scolaire sur présentation d’un justificatif de présence à un entretien d’embauche ou à une formation.

Voilà ce qu’il en est dans le texte. "Cet amendement concernant les enfants de chômeurs a été voté en conseil municipal et à la commission consultative de la restauration scolaire, "sans que personne s’y oppose", précise Jean Denais (UMP), maire de Thonon-les-Bains. Pourtant, la polémique fait rage depuis ce week-end. En tête de cortège, les associations de parents d’élèves et l’opposition de gauche, qui dénoncent une mesure "discriminatoire et dangereuse".

"Une atteinte aux fondements du service public"

"Le planning mensuel de réservation, destiné uniquement aux parents de chômeurs, nous pointe du doigt, alors que nous sommes loin d’être fiers de la situation dans laquelle nous sommes", déplore Christophe, parent d’élève et chômeur. "Il est difficile d’expliquer à un enfant que d’un seul coup, parce que son père est au chômage, il n’a plus le droit d’aller à la cantine. C’est une affaire d’adulte qui ne le regarde pas", déclare-t-il à l’AFP.

D’autre part, cette restriction touche, selon lui, à l’un des principes fondamentaux du service public français : l’égalité et l’universalité de son accès.

En 2010, le tribunal administratif de Lyon condamnait la mairie d’Oullins (Rhône). Cette dernière avait souhaité modifier son règlement en limitant l’usage des cantines aux enfants dont les deux parents travaillent. Le sujet a aussi fait l’objet de deux arrêts du Conseil d’État, en mars et en novembre 2009, qualifiant d’"illégale" toute discrimination à l’entrée des restaurants scolaires.

Les associations de parents d’élèves s’insurgent contre une mesure qu’elles jugent potentiellement stigmatisante. "Nous avons envoyé une mise en demeure au maire l’invitant à retirer sa décision d’ici à la rentrée scolaire. Faute de quoi nous intenterons un procès, que nous sommes sûrs de gagner", déclare Laurent Fontannaz, président du conseil départemental de la Fédération des conseils des parents d’élèves (FCPE) de Haute-Savoie.

Discriminés à la récré ?

Le président de l’antenne départementale de la FCPE juge cette décision "scandaleuse". "C’est un processus discriminatoire dont nous craignons les dérives", déclare-t-il. "Jusqu’où ira-t-on ? Aujourd’hui, c’est le statut professionnel, demain la nationalité ?" s’inquiète Laurent Fontannaz.

Georges Constantin, chef de file de l’opposition de gauche au conseil municipal, condamne aussi fermement cette mesure : "Pour deux raisons. La première est la stigmatisation des chômeurs. La deuxième, celle de leurs enfants", déclare-t-il au Point.fr. "Ce qui m’a frappé lors des premiers refus, c’est l’incompréhension des élèves face à cette décision", dit-il. Le manque de place invoqué par l’édile local serait à relativiser : "Si les chiffres de fréquentation des cantines sont en augmentation depuis 10 ans, ils ont baissé depuis 2006." D’autre part, sur les quelque 650 enfants servis chaque jour, cette décision n’en concernerait qu’une trentaine. Un chiffre "dérisoire", selon George Constantin : "Les cantines fonctionnent sur le principe du self-service. Ce ne sont pas 30 enfants qui feront la différence." Une décision sans impact réel, selon lui, et qui laisse transparaître un problème plus profond, celui de la défense d’une "idéologie sous-jacente qui prônerait la présence d’un parent au foyer, de la femme particulièrement". L’opposition demande au maire de revenir sur le sujet lors du prochain conseil municipal qui aura lieu à la fin du mois. "Nous souhaitons la suppression pure et simple de cette phrase concernant les enfants de chômeurs."

"L’opposition ne s’est pas opposée ! "

Un réveil politique un peu tardif, selon le maire de Thonon, pour qui cette mesure n’est pas discriminatoire, bien au contraire. "On n’a jamais voulu stigmatiser les chômeurs ! Face à des problèmes de place, nous avons dû établir un critère, qui nous semble juste, celui de la disponibilité des parents, assure-t-il. D’autres municipalités règlent le problème en fermant des classes. Nous avons ouvert cinq classes cette année, nous en ouvrirons deux autres à la rentrée."

D’après Jean Denais, la polémique est née d’une incompréhension générale, en contradiction totale avec ses intentions premières. "Face à l’augmentation du nombre d’élèves, nous avions deux solutions : soit mettre en place un système assurant l’accès à la cantine à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les enfants dont les parents travaillent ou recherchent un travail, soit imposer la règle du premier arrivé premier servi, comme c’est le cas dans de nombreuses communes." Jean Denais dénonce une tentative de récupération politique à l’échelle nationale et se dit "profondément meurtri" par ces accusations.


Transmis par Ursula
Tue, 12 Jul 2011 12:36:09 +0100 (BST)


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