Accueil > 2011 > mai > Voltaire au bout de la nuit (part one)

Voltaire au bout de la nuit (part one)

Michel Sitbon

vendredi 27 mai 2011

Réponses à Mère Agnès-Mariam de la Croix
et aux idéologues du Réseau Voltaire

Déjà au XVIIIème siècle l’Orientaliste Sir William Jones, écrivant des Indes coloniales britanniques, argumentait « qu’un système de liberté imposé à un peuple invinciblement attaché à des habitudes opposées serait en vérité un système de tyrannie. »
Mère Agnès-Mariam de la Croix

En 2005, j’ai quitté le Réseau Voltaire – que j’avais participé à fonder en 1993 –, ce dont je rendais compte à l’époque dans un texte qui a beaucoup circulé depuis, La fin du Réseau Voltaire [texte en annexe]. Autant ce texte aura circulé, autant les thèses du nouveau Réseau Voltaire n’auront pas cessé de circuler non plus, et ce pour atteindre un vaste public.
Pourquoi réagir aujourd’hui plutôt qu’hier ? Jour après jour, année après année, Thierry Meyssan et ses camarades diffusent un flux continu de propagande – au nom d’une prétendue critique de la désinformation – qui mériterait d’être dénoncé au jour le jour. Ne doutons pas qu’un observatoire méthodique de ce type de fausses critiques profiterait à l’entendement du public.
J’ai souvenir d’avoir dû intervenir, une première fois, il y a quelques années, lorsque des amis me demandaient ce que je pensais d’un article à prétentions scandaleuses, supposé dénoncer le nouveau président français du nom de Sarkozy comme un agent américain identifié depuis longtemps.
J’avais alors relevé quelques grossièretés, comme l’exonération totale de Charles Pasqua, et quelques autres malversations flagrantes. Surtout, cette thèse anti-sarkozyste primaire, de ce fait destinée à attirer beaucoup de sympathies a priori, était en fait, comme de l’ordinaire dans le langage du nouveau Voltaire, un plaidoyer pro-domo en défense des services français, ne se gênant par pour dénoncer, au besoin, l’allié américain, en vertu d’un partage des rôles qui n’a pas bougé d’un iota depuis la fin de la IIème guerre mondiale.
Je pourrais retrouver cette critique, mais je l’avais alors réservée à mes correspondants, ne pensant même pas engager une polémique publique avec cette association dont j’ai été membre trop longtemps pour qu’il y ait le moindre plaisir à ce type d’exercice.
Il y a quelques mois, mes amis du Mai-Paris me demandaient aussi une sorte de conférence sur le sujet, les positions supposément iconoclastes de Voltaire, comme de Michel Collon en Belgique, étant par définition intrigantes pour quiconque est engagé dans un travail critique. Celle-ci n’aura pu avoir lieu, pour cause de précipitation des calendriers, mais n’est que partie remise.
Depuis, j’aurais voyagé en Islande, et rencontré Bertrand Téchené, avec qui j’aurais eu le plaisir de mener cette enquête au pays d’une nouvelle subversion, et n’aurais pas été excessivement surpris d’apprendre que Bertrand s’est intéressé à l’affaire islandaise grâce au site de Michel Collon – où avait été reproduit, sans que je m’en avise, mon premier article sur le sujet. De retour d’Islande dans son Toulouse natal, Bertrand m’évoque aujourd’hui les thèses sur la mort de Ben Laden, récemment pondues par Meyssan.
De fait, toutes sortes de proches peuvent être amenés à s’intéresser à tels ou tels points de vue, ou dossiers, produits par cette agence d’information alternative – ainsi que le Réseau Voltaire se sera défini, dans le prolongement de ce journal que j’ai pu éditer en 1995, Maintenant, dont l’idée centrale était la médiacritique, par delà la dénonciation des crimes spécifiques de la propagande dont on était alors témoin, en particulier quant aux responsabilités françaises dans le génocide des Tutsi du Rwanda.
Il est évident, à ce point de confusion, que le travail critique de cette entreprise sournoise de défense inconditionnelle de l’ordre qu’est devenu le nouveau Réseau Voltaire mérite d’être engagé, puisque ses syllogismes peuvent être si finement tressés qu’ils trompent les personnes les mieux intentionnées.
Qu’en est-il donc de la mort de Ben Laden ? La question de savoir s’il est mort il y a dix ans, comme l’affirme Meyssan, ou dans les conditions décrites par les communiqués officiels, ne semble pas essentielle, dès lors qu’on admet qu’il s’agit bien d’une fausse guerre, d’une de ces fausses guerres dites « asymétriques » dans lesquels une puissance militaire entretien un adversaire fictif ou semi-fictif, et ce principalement pour justifier des moyens exorbitants qu’elle extorque à son peuple pour exister en tant que puissance militaire.
On notera simplement que dans l’épisode de la mort officielle de Ben Laden a été ménagé un magnifique espace pour la construction du mythe – et pour développer des thèses comme celles de Meyssan – en procédant immédiatement à l’immersion de son corps en haute mer. Sous prétexte d’éviter un culte, on inventait là un procédé digne d’une divinité – et très certainement susceptible d’ouvrir la voie à toutes les spéculations.
Particulièrement choquant le fait qu’on ait appris, simultanément, et l’opération et son succès et sa conclusion, le tout semblant s’être déroulé dans une séquence temporelle si rapide qu’on ne saurait la chronométrer. Les récits les plus détaillés diffusés ultérieurement n’ont pas levé cette curieuse impression de mise en scène, sentiment dans lequel il était plus que normal qu’un Meyssan s’engouffre. Ce qui est étonnant par contre, c’est qu’il ne relève même pas la question de l’immersion en haute mer, laissant l’argument, trop évident, sur la toile de fond, non-dite, que tout-un-chacun aura loisir de tisser.
Ce qui est intéressant par contre dans la nouvelle thèse voltairienne, c’est qu’elle se hasarde à expliquer pourquoi Ben Laden aurait été symboliquement mis-à-mort dix ans après sa mort « réelle » : c’est, nous explique Meyssan, parce que désormais la CIA et l’OTAN prévoient d’enrôler officiellement les troupes d’Al-Quaeda dénoncées depuis dix ans comme le mal absolu, et que la moindre des choses, pour permettre un tel revirement, était d’en supprimer la tête.
Et si les forces « états-uniennes » sont si pressées de refaire une réputation aux hommes d’Al-Quaeda, ce serait parce que ceux-ci sont déjà engagés dans leurs rangs, en particulier en Libye et en Syrie, nous explique-t-il, contre les États de Mouamar el Kadhafi et de Bachir el Assad.
Rembobinons : lorsque, dans le prolongement des révolutions tunisienne et égyptienne, le peuple de Libye s’est soulevé à son tour, il n’y avait que matière à se réjouir. Non : dès le premier instant, en Libye, s’ajoutait la crainte que le dictateur, assis sur son tas d’or, abuse de ce moyen pour armer des hommes contre son peuple. Une telle crainte était d’autant plus fondée que Kadhafi lui-même déclarait dès le départ, qu’il n’hésiterait pas à exterminer son peuple s’il le fallait, pour se maintenir au pouvoir.
Mais, aussitôt, dès le deuxième temps de sa propagande, le dictateur passait à l’offensive, accusant ses adversaires d’être… des terroristes à la solde d’Al-Quaeda… L’argument était amusant, surtout venu de sa part à lui, le chef d’État qui avait publiquement assumé de soutenir des menées terroristes internationales – et pendant si longtemps. Mais à chaque saison sa raison, et voilà que, réintégré depuis des années dans le concert des nations, maillon important de la chaîne des dictateurs françafricains, Kadhafi a depuis longtemps renoncé au terrorisme et peut même dénoncer celui-ci comme l’instrument de ses adversaires…
Sachant combien la bataille serait une bataille de communication, le dictateur libyen développait d’emblée les arguments auxquels ne pouvaient qu’être sensibles les grandes puissances : il était le rempart contre le terrorisme et contre… l’immigration. Et c’est vrai : voilà des années que la Libye fait fonction de base avancée de Frontex, l’agence en charge de la défense de la « forteresse Europe ». Dans l’univers sinistre des « camps de rétention » européens, ceux réservés aux « sub-sahariens » dans le désert de Libye ont la palme de l’ignominie.
Lorsque le peuple libyen s’est soulevé dans le prolongement des soulèvements tunisien et égyptien, c’était bien pour l’instauration d’un État de droit laïque et démocratique. Et rien d’autre. Lorsque le dictateur lui prêtait d’être le bras de la nébuleuse Al-Quaeda, il s’agissait bien d’un artifice de propagande. Mais voilà que le mythe d’un Al-Quaeda du désert, jusque-là pure création de la propagande des services français, vient en renfort du parti dictatorial. Mieux vaudrait un bon vieux dictateur que des terroristes dont on ne sait rien, sinon qu’ils sont sûrement très méchants, et en tout cas fondamentalistes, islamistes.
Il faudrait ainsi se méfier du soulèvement populaire. Notons qu’à l’unisson avec le Quai d’Orsay, comme son pendant symétrique, le nouveau Voltaire n’a pas grand chose à dire des révolutions tunisiennes et égyptiennes. Il se prononce surtout sur la deuxième phase de ce mouvement, lorsque son extension à la Libye, au Yémen, à Bahrein et à la Syrie, a explosé comme une menace pour l’ordre mondial. Jusqu’à Pékin, il a fallu prendre des mesures de sécurité contre la poussée démocratique au parfum du jasmin tunisien.
S’il sympathise avec le dictateur libyen au point de reprendre ses divagations fantaisistes sur un Al-Quaeda d’opérette, le nouveau Voltaire est encore plus en harmonie avec le dictateur syrien, chez qui il a carrément élu domicile en 2007, pour se réfugier contre… la tyrannie sarkozyste. On avait pu noter comment, six mois après cette mission originale de ce service diplomatique très spécial incarné par Thierry Meyssan, le président français se rendait lui-même à Damas, pour une visite historique, symbolisant le rétablissement de relations diplomatiques cordiales après des années de prétendu froid.
Voltaire n’était probablement pas le seul responsable de ce réchauffement diplomatique, puisqu’on pouvait relever que, dans le même temps, le même président Sarkozy s’était également adjoint les services d’un ancien ambassadeur de France à Damas, Bernard Bajolet, pour le nommer rien de moins que coordonateur national du renseignement.
Cette nomination de Bernard Bajolet et l’institution du poste de coordonnateur du renseignement mérite une petite parenthèse : il s’est agi de rien de moins que d’un coup d’État. Les services de renseignements dépendaient officiellement jusque-là… du premier ministre. Celui-ci chapotait ceux-là par l’entremise du Secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, un organisme composé de représentants des divers services et ministères, sous l’autorité de Matignon. Une fonction de coordination du renseignement avait déjà été instituée préalablement, du temps de Lionel Jospin, mais toujours sous l’autorité du premier ministre – fonction remplie par un autre représentant des services « arabes » français, le général Philippe Rondot, devenu fameux pour d’autres motifs entretemps. En créant la fonction de coordonnateur national du renseignement, et en la domiciliant à l’Élysée, Nicolas Sarkozy a procédé à un véritable déplacement du centre névralgique du pouvoir que sont les services de renseignements. Si, en tant que chef des armées et responsable de la politique étrangère, le Président de la République a toujours bénéficié d’une autorité certaine sur ces services, il devait néanmoins toujours composer avec le premier ministre, représentant le Parlement. Désormais, non.
On peut relever au passage que les révoltes arabes auront eu la peau de Bajolet, puisqu’en février 2011, celui-ci était remercié. Et il a été remplacé par Ange Mancini. Avant de couvrir les trafics d’or en tant que Préfet de Guyane, celui-ci s’était surtout distingué, en 1995, pour sa participation à l’affaire Human Bomb, la très scandaleuse exécution d’un preneur d’otages dans une maternelle de Neuilly, tué dans son sommeil par les hommes du RAID, sous la direction du maire de Neuilly et porte-parole du gouvernement d’alors, un certain Nicolas Sarkozy. Il s’agit du crime fondateur du sarkozysme : tous les hommes qui ont participé à cette opération dégoûtante constituent le staff actuel du Président de la République. Il n’est pas sûr par contre que Mancini ait la moindre qualification pour remplir les fonctions a priori très complexes de coordonnateur national du renseignement… Mais il est probable que Sarkozy lui-même méconnaisse ce dont il s’agit. Autant il entend les mécanismes d’autorité, et fait le nécessaire pour être obéi par des gens éventuellement stupides mais dociles, autant il ne sait pas lui-même ce dont il s’agit, et croit que la politique mondiale se gère comme une opération coup de poing de l’antigang…
Lorsque Voltaire se déplacera ensuite encore plus loin, à Alma Ata, auprès d’un autre dictateur que la diplomatie française souhaite garder dans ses petits papiers, il ne faisait que prolonger son travail d’agence de diplomatie parallèle, dont le succès en Syrie, s’est avéré.
En Libye, Voltaire peut toujours faire mine d’incarner une ligne politique divergente de celles des puissances, aujourd’hui formellement engagées dans le soutien au peuple en lutte pour la démocratie, il n’en est pas moins parfaitement en phase avec les véritables positions d’un Alain Juppé – qui ne se sera résigné à cette attitude que parce qu’il n’y avait pas le choix.
On a déjà oublié la « réunion de crise » qui s’est tenue, le 1er mars, à l’Élysée, telle que Le Monde pouvait en rendre compte le lendemain. Quant à une intervention militaire directe en Libye, Alain Juppé, nouvellement ministre des affaires étrangères, formulait alors « une fin de non recevoir ». « Cela pourrait être contreproductif », expliquait-il. Il se moquait à juste titre des américains qui se disaient extrêmement interventionnistes à ce moment là, mais ne faisaient rien d’autre que « bouger leurs bateaux ». Selon le chef de la diplomatie française, il n’y avait pas lieu à une intervention au-delà d’une simple « démonstration de force ». En tout état de cause, pour Juppé, « une résolution des Nations unies » était « indispensable avant toute entrée en jeu de moyens militaires »… Le 26 février pourtant, quelques jours plus tôt, le Conseil de sécurité de l’Onu avait bien déjà prononcé une résolution « sous le chapitre VII de la charte des Nations unies », autorisant l’emploi de la force…
Faut-il rappeler cet autre ministre chargé de la diplomatie au gouvernement Fillon, un ministre dont on parle moins ces temps-ci, je veux parler de Patrick Ollier, le ministre des affaires européennes, maintenu même après que sa compagne, Michèle Alliot-Marie ait été congédiée pour s’être un peu trop faite remarquer dans le soutien inconditionnel aux dictateurs, qu’elle affichait « sans complexes ». Président du groupe d’amitié franco-libyen au Parlement, Ollier était encore l’invité de Kadhafi pour Noël dernier, juste à la veille de l’explosion révolutionnaire.
De même que le nouveau Voltaire aura scotché aux déclarations du dictateur libyen, en Syrie, son discours est un décalque du discours officiel. Ainsi, il se félicite de ce qu’Assad aura accordé la levée de l’état d’urgence qui sévissait dans ce pays depuis un bon quart de siècle… La belle affaire : jamais l’armée n’aura été aussi présente dans les rues pour tenter d’imposer que le peuple se tienne tranquille. Il aurait de même autorisé les manifestations pacifiques… Les manifestants qui sont morts par centaines de la gestion « pacifique » du maintien de l’ordre auront peu eu l’occasion d’apprécier les conditions de cette « liberté » nouvelle.
Un « débat national sur les partis et les médias va commencer dans le but d’instaurer le multipartisme », nous dit Voltaire. C’est qu’il connaît y compris l’avenir. Gageons toutefois que l’incarcération des leaders de l’opposition, la torture massive d’opposants, et le massacre systématique de manifestants ne sont pas vraiment la meilleure façon d’engager un tel débat – mais ce type de nuances échappent à Voltaire qui regarde les choses de plus haut…
« Des figures de l’opposition ont accueilli favorablement toutes ces mesures », ajoute Voltaire, « contrairement à celles qui veulent plonger le pays dans le chaos conformément à des agendas qui n’ont rien à voir avec la réforme et visent à détruire les constantes nationales directement liées au conflit israélo-arabe ». Ah, voilà les grands mots lâchés. Ainsi, il ne s’agirait pas du tout d’un problème de démocratie interne. Le fait que Bachir el Assad ait hérité de son père qui a maintenu le pouvoir avec une main de fer pendant des décennies, et qu’il n’ait lui-même pas changé la donne d’un poil depuis des années maintenant, ne serait pas le vrai motif de l’insurrection du peuple de Syrie. Non : celle-ci serait le fait de politiciens « qui veulent plonger le pays dans le chaos ». De drôles de cocos, ceux-là, qui veulent tant de mal à leur propre pays… Et pourquoi tant de perversion ? C’est parce qu’ils « visent à détruire les constantes nationales » syriennes « directement liées au conflit israélo-arabe ».
Ainsi, le voilà le petit secret : les peuples de Syrie ou de Libye qui se soulèvent contre leurs dictateurs auraient le grand tort de déranger des « constantes nationales » auxquelles nos “géopoliticiens” de Seine Saint-Denis sont habitués. L’obsession anti-israélienne et anti-américaine serait intéressante, presque légitime – tant il est vrai que les stratégies américaines ou israéliennes sont questionnables –, si elle ne procédait pas systématiquement par l’occultation des autres acteurs « géopolitiques », à commencer par la diplomatie française à laquelle cette petite association née à l’extrême-gauche s’est trouvée totalement intégrée depuis bien des années.
Ce qui est amusant dans ce cas particulier, c’est que le souci pro-palestinien rejoint les inquiétudes des faucons israéliens, eux aussi très satisfaits des « constantes » régionales, telle la très stable dictature syrienne, et très préoccupés de voir des élans populaires emporter ces dictatures au risque que de « nouvelles constantes » puissent apparaître qui dissolvent ce conflit et son horrible bain confessionnel auquel ils sont si attachés.
Des « preuves irréfutables » assoient la thèse de Meyssan : l’opposition ne serait qu’un conglomérat de forces dans lequel « le mélange d’activistes gauchistes ou libéraux ne joue qu’un rôle secondaire ». On relèvera au passage le mépris des « activistes gauchistes » qu’on peut entendre là, plutôt amusant de la part d’un supposé… activiste gauchiste. Notons aussi que « gauchistes ou libéraux », c’est ainsi qu’on appelle les démocrates chez ces néo-fascistes.
Curieusement, alors que la mort de Ben Laden est présentée comme devant être au bénéfice de l’incorporation officielle des troupes d’Al-Quaeda en Libye et en Syrie, lorsqu’il s’agit de rentrer dans le détail de l’analyse de ce dernier pays, c’est plutôt aux Frères musulmans que Voltaire prête d’être les grands manipulateurs de cette révolution qui serait, en fait, pro-israélienne… On ne soupçonnait jusque-là ni les sympathisants éventuels d’Ousama Ben Laden, ni les Frères musulmans, de sympathies pro-israéliennes – mais peut-être aura-t-on mal mesuré les tentacules du « lobby juif » ?
Bien pire encore : des armes sont introduites en Syrie pour alimenter cette opposition destinée à briser « l’axe de la résistance ». Regrettons un instant que Voltaire, à l’origine une association anti-fasciste, à laquelle j’ai longtemps participé pour cette qualité – par exemple lorsqu’il s’agissait de dénoncer le service d’ordre du Front national, le défunt DPS, qui n’aura pas survécu à cette dénonciation, efficace en son temps –, n’hésite pas à recourir y compris à la terminologie fasciste traditionnelle, revendiquant « l’Axe » avec des trémolos où l’on ne peut s’empêcher d’entendre une curieuse nostalgie. Contre cet « axe » supposé vertueux, il y aurait des « cellules terroristes qui infiltrent les rangs des manifestants ». Leur « détermination à utiliser la violence », « même lorsque les forces de l’ordre ont des instructions précises de ne pas tirer sur les manifestants », « sont autant d’appels à des représailles sanglantes ». Et c’est ainsi qu’il y aura « des victimes des deux cotés », « pour que le sang n’arrête pas de couler ».
Mais c’est qu’ils sont vraiment méchants, ceux-là… Contre ces gentils militaires qui « ont des instructions précises de ne pas tirer sur les manifestants »…
La preuve principale de ce complot pro-israélien contre « l’axe de la résistance » étant la « gigantesque machine de propagande arabe et internationale, parfaitement synchronisée », « mise à contribution par des États, des partis politiques, des associations et des sociétés commerciales », « ce qui prouve que nous sommes devant un plan orchestré ».
Si c’est pas monstrueux…
Heureusement, grâce à Voltaire, aux services français et à la barbarie de l’État dont Bachir el Assad a hérité de son père, une autre issue est possible : Assad pourrait sortir de l’épreuve « vainqueur », nous explique Voltaire… « Il aura en même temps modernisé, revitalisé et rajeuni la vie politique en Syrie. » Rien que ça. « Et débarrassé le système syrien de ses impuretés, comme la corruption et la bureaucratie. » Si c’est pas beau. Mais, mieux encore : « Il aura sauvegardé l’indépendance politique de son pays, l’aura confirmé comme acteur essentiel dans la région », et « renforcé l’axe de la résistance » !
C’est qu’il s’agirait, pour Meyssan, « d’instaurer un système régional duquel serait exclu Israël qui est visé ». Du peuple syrien, comme du peuple libyen, on n’a que faire dans cette officine antisémite française. « La poursuite des réformes », n’a pour objectif que d’« isoler les forces déstabilisatrices appuyées et financées par l’étranger », et de renforcer « l’immunité nationale syrienne », pour permettre « l’émergence d’une Syrie forte, indépendante, démocratique et », surtout, « résistante ».

Le nouveau Voltaire est un lieu géométrique où se croisent nombre d’influences. Avec la modestie qui le caractérise, il donne la parole, sur la Syrie, à quelqu’un qui connaît bien mieux la situation que nous, pour y résider depuis de nombreuses années, une religieuse carmélite, Mère Agnès-Mariam de la Croix. Sa « communauté monastique » se consacre « à la réhabilitation d’un monastère du VIème siècle tombé en ruine » et « au témoignage et à l’unité de l’Église d’Antioche », fonctions assurément respectables. On apprend en fait plus bas que mère Agnès-Mariam est rien de moins que fondatrice de l’Ordre de l’Unité d’Antioche… Fondatrice d’Ordre, ce n’est pas rien au palmarès de la chrétienté.
On apprend par ailleurs que cet ordre est la résurgence d’un ordre datant du Ier siècle – des origines mêmes du christianisme, de quand le mot « chrétien » fut inventé… Plus encore, l’ordre « unitaire » d’Antioche est spécialisé en « œcuménisme », ayant intégré des représentants de toutes les chapelles chrétiennes présentes en Syrie – et même un druze. Or, il faut savoir que l’œcuménisme est la forme la plus haute des ambitions du Vatican : c’est par ce chemin qu’il prétend atteindre à la « catholicité » intégrale, c’est-à-dire au contrôle universel des consciences, en les fédérant toutes.
Notre carmélite nous explique tout d’abord que « la politique n’est pas un domaine où [elle s’]aventure ». Faut-il comprendre que c’est à titre exceptionnel qu’elle « s’aventure » ici dans de si longues digressions ultra-politiques ? « Ce qui m’intéresse c’est le salut final de l’homme », dit-elle. « Cet angle de vue aide à juger de la politique. » En fait, ainsi qu’on peut le constater au fil des nombreuses pages de ce « témoignage », Mère Agnès-Mariam fait de la politique pure, et nous permet de mesurer l’identité de la mystique la plus échevelée avec la passion politique la plus déterminée.
Diablement moderne, du fond de son couvent du VIème siècle, la supérieure carmélite avoue s’être « documentée sur le web », et particulièrement en consultant des sites « en “marge” des réseaux d’informations officiels ». Comme vous et moi. Plus que moderne, la voilà dénonçant « la langue de bois » ou, bien mieux, « le lissage sémantique pour parvenir à des fins occultes »… Oh, oh. Mais n’est-ce pas plus beau que du Voltaire ? On comprend qu’une telle collaboratrice ait été acceptée sans rechigner. Ou bien n’aurait-on pas trace ici, carrément, d’une pensée en amont de celle du nouveau Réseau Voltaire ? Relevons en tout cas que jamais son programme n’aura été aussi bien défini.
Mais, ce Réseau Voltaire auquel j’ai participé douze ans, ne se distinguait-il pas pour son anti-cléricalisme ?
Aurait-on là une indication de ce qu’il s’agissait d’un faux anti-cléricalisme, comme d’un anti-fascisme également de façade, pour une opération d’infiltration des milieux anti-fascistes et anti-cléricaux ?
C’est qu’il s’agit, nous explique Mère Agnès-Mariam de la Croix, de rien de moins que « de lire les signes des temps, ce que le Seigneur, Maître de l’histoire, est en train de travailler »… Le Christ, « maître de l’Histoire »… Voilà un concept théologique dont on n’avait pas encore eu l’occasion d’entendre parler, mais qui est si évocateur… Notre carmélite cite ses sources : « (cf. Jean 5,17) ». C’est « au sens johannique » qu’elle parle – pour qui ne l’aurait pas compris… L’évangile de Saint-Jean, l’évangile apocalyptique, le plus politique des évangiles – celui qui prétendait fixer le programme pour les deux mille ans à venir, et au-delà, celui qui promettait génocides et catastrophes écologiques, auquel on doit Auschwitz comme le nucléaire.
« Il est important aussi de juger de la situation avec un œil spirituel pour pouvoir s’engager dans la réalité des faits d’après notre responsabilité de témoins du Christ », conclut-elle avant de passer à l’examen des « faits ».

C’est tellement beau, la prose de notre carmélite, qu’on voudrait la citer quasiment en entier au risque d’étendre cet article au-delà de toute dimension raisonnable. Car elle écrit long en plus. « Les manifestations qui ont commencé en Égypte pour atteindre le Yémen, le Bahrain, la Jordanie, la Libye et la Syrie, sans oublier l’Arabie Séoudite, sont acclamées et favorisées dans les médias mondiaux comme des mouvements légitimes et spontanés et mêmes charismatiques et inspirés. » Mais pourquoi a-t-elle donc oublié la Tunisie ? Serait-ce parce qu’il s’agit de la seule véritable révolution qui se soit produite pour le moment dans cette longue série de tentatives – et que celle-ci, pour le coup, serait vraiment gênante pour les services de propagande franco-vaticanesques ?

« On nous annonce avec fracas qu’un enfant vient de naître des cendres de l’arabisme moribond, il s’appelle révolution », nous explique-t-elle de sa prose si pleine d’ironie. Les détails arrivent : « Avec l’Amérique pour parturiente, et pour marraines la Ligue Arabe et les Nations-Unies, présidées par la France et l’Angleterre, le nouveau-né a été déclaré enfant légitime de la communauté internationale alignée. »

Entendez-vous ici la colère contre-révolutionnaire, intacte depuis la guerre des Chouans et Joseph de Maistre ? « Son père est l’antinationalisme arabe et sa mère la liberté. » La liberté, beurk. Le nationalisme, par contre, le nationalisme arabe en particulier, en voilà un que l’on a choyé depuis longtemps dans les services français, de même que la diplomatie national-socialiste allemande pouvait l’adorer en son temps – et qu’on l’adore encore dans les services franco-vaticanesques, ainsi qu’on peut le voir ici.

Mais pourquoi donc les soulèvements révolutionnaires du monde arabe seraient-ils « anti-nationalistes » ? C’est que la thématique « nationaliste » y semble en effet quasi absente – au bénéfice de la liberté et de la démocratie. Pour changer. Est-ce à dire que tunisiens ou libyens seraient « antinationalistes » ? Certes non. Au contraire, pourrait-on même ajouter : des peuples libres avec des institutions démocratiques font des nations plus belles et plus « fortes » que des peuples asservis et misérables. Mais pas pour Voltaire ou le Vatican : ceux-ci sont amis du nationalisme arabe, exactement comme les nazis d’hier, seulement dans la mesure où ils peuvent espérer instrumentaliser ce « nationalisme » dans le contexte de leur stratégie de domination. Il n’est d’ailleurs pas exclu que la seule chose qui les intéresse vraiment dans ce qu’ils appellent « nationalisme arabe », c’est ce qu’ils y voient de composantes antisémites.

Pour le reste, les impérialistes chrétiens français ne voient en fait aucun intérêt à une réelle indépendance des peuples, pas plus que le colonel Lawrence quand il prétendait diriger la révolte arabe contre l’empire ottoman à seule fin d’installer la domination franco-britannique sur le Moyen-Orient. On dit que ce dernier aurait eu des remords d’avoir aussi cyniquement entrainé ses amis arabes dans un piège colonial. La vérité est que Lawrence regrettait surtout que les nécessités diplomatiques de la première guerre mondiale aient obligé à partager le gâteau, in fine, avec les français, leur laissant la Syrie et le Liban, cette Syrie à laquelle les services français prêtent encore tant d’intérêt aujourd’hui, comme on voit ici.

« Attendrie par [la] naissance [de ce « nouveau né » qui s’appelle « révolution »] la communauté internationale s’engage à le protéger contre tout mal, même au prix d’une ingérence qui sera, toujours dans son cas, strictement humanitaire. » Entendez-vous la moquerie, perfide, contre le « droit d’ingérence humanitaire » qu’on a osé invoquer pour empêcher Kadhafi de massacrer son peuple ?

Il n’est pas sûr qu’on comprenne tout ensuite : « Vraie sosie du Christ coranique [?] l’arabisme mondialisé est un enfant-prodige qui parle dès son berceau la nouvelle langue planétaire. » « Il est le signe de la toute-puissante providence du sacro-saint monde virtuel qui brasse les idées des hommes comme le chef de cuisine mélange sa sauce au goût du jour. » Il est bien possible que ce « Christ coranique » renvoie à quelque concept théologique, que nous autres, pauvres ignorants même pas éduqués au catéchisme, auront le plus grand mal à saisir. Pour le reste, on croit comprendre à peu près de quoi veut parler la Mère supérieure de l’ordre d’Antioche.

Si on avait compris jusque-là, il faudrait encore plus s’accrocher pour suivre la prose inspirée de notre nonne : « Nourrices consciencieuses du nouveau-né, encore aux tétines dans les aréopages du net, les chaînes satellitaires, viennent, à grand renfort de câlins, en aide à son isolement affectif. Elles le bercent de nouvelles cantilènes où il apprend qu’en vertu de la nouvelle paternité internationale il n’est pas orphelin mais seulement libéré de sa mère-vampire. » On en frissonnerait. N’est-ce pas criant de vérité ? L’isolement affectif, tout-un-chacun ne le ressent-il pas ? Quant aux « mères-vampires », qui n’aura eu l’impression d’en connaître ? Appliqués au politique, ces concepts prennent une résonance si particulière qu’on voudrait aussitôt se soumettre à la règle d’un ordre où la liberté de pensée peut sembler si totale…

Mère Agnès-Mariam conclut : « Voilà qu’autour de son berceau une nouvelle arabophonie voit le jour en un phénomène médiatique nouveau qu’on n’a pas eu le temps de voir venir et qui s’impose. On zappe à longueur de journée et c’est le même discours, habilement basé sur les dogmes de la nouvelle religion mondiale. »

Il n’est pas exclu qu’il y ait dans les méthodes des religieux comme dans celle des énarques ou des polytechniciens, l’art de meubler du discours avec des non-sens qu’il importe simplement d’enchaîner avec aplomb pour avoir l’air de dire quelque chose. Cela tiendrait en somme de la paraphrase poétique posant à l’analyse politique. Simple technique tendant à aménager le vertige de l’auditeur ou du lecteur, propice à lui assener son point de vue au terme de ces insidieux détours destinée à mettre une ambiance, comme un fond musical.

Relevons simplement le sans-gêne avec lequel notre mère-supérieure use de la métaphore religieuse, se moque en somme de la crédulité de ses contemporains, et dénonce même comme étant des ressorts pervers à l’œuvre dans le phénomène révolutionnaire ce qui fait l’ordinaire de l’escroquerie religieuse. Transposant ses propos à la banale pratique du christianisme, on aurait là une magnifique tirade athéiste… Mais admirons ici surtout l’art du discours, tel que l’église le développe depuis tant de siècles que mère Agnès-Mariam de la Croix le maîtrise mieux qu’un enfant ne fait du vélo.

« Ce qui nous pose problème n’est pas le phénomène des manifestations contre les régimes de notre région », non… « mais le timing, et l’accompagnement tendancieux qui est réservé à ces dernières de la part des chaînes satellitaires », « en coordination parfaite avec certains gouvernements ». Les « gouvernements » ici dénoncés, ne sont jamais désignés, comme on pourra voir tout-au-long de ce texte.

« Elles étaient préparées pour l’année, le jour et l’heure. » Merveilleuse paranoïa de celui qui est habitué à régler ses spectacles ainsi, en vertu de calendriers mystiques, sur la base de son organisation mondiale qui lui permet en effet de « comploter » ce genre de mises en scène – et qui projette que, forcément, tout le monde fait comme lui… Mais non, mère Agnès, calmez-vous un instant : personne n’attendait la révolution tunisienne – et d’ailleurs elle aura tellement peu fait plaisir, celle-là, totalement incontrôlée, que vous préférez vous-même l’oublier de votre énumération…

Soyons charitable : il est normal que vous soyez inattentive à tous les détails de cette actualité surabondante. Entièrement dévouée au Christ, vous ne vous intéressez pas aux choses de ce bas-monde… « Tant que l’information ne nous concernait pas, nous ingurgitions passivement les nouvelles », nous expliquez-vous. C’est lorsque les « événements » ont déferlé en Syrie que vous avez commencé, « petit à petit », à vous rendre compte que ces nouvelles sont « savamment orchestrées » en particulier par les chaînes de télévision sur satellite – Al Jazira, Al Arabiyah, Al Hurra, CNN, la BBC et France 24 –, en « harmonie idéologique » avec Facebook, Tweeter, « Utube » (sic), et « la presse écrite en ligne ».

« Ces chaînes n’informent pas elles cherchent à infléchir le cours des évènements », et ce « par des moyens virtuels perfectionnés », nous explique mère Agnès-Mariam. « Ce faisant elles représentent un totalitarisme d’un type nouveau qui manipule l’opinion publique »… Délicieuse, église catholique… Voilà deux mille ans qu’elle prétend incarner l’universel, et qu’elle bourre le mou de tous ses adeptes, sermon après sermon, homélie après homélie, de bulle papale en bulle papale… Il n’y a pas longtemps encore, celles-ci revendiquaient même « l’infaillibilité ». Des fresques de Giotto aux oratorios de Bach, les moyens de sa propagande auront été infinis, et elle aura colonisé jusqu’aux racines de la culture. Elle aura conservé rien de moins que le monopole de l’instruction, du berceau à l’université, pendant tant de siècles qu’elle en détient encore une bonne part. De l’Osservatore romano à La Croix, on ne compte pas les médias qui se revendiquent d’elle directement, et ceux sur lesquelles sont influence est extrêmement lourde sont parmi les principaux groupes de communication du monde, pas seulement en France ou en Amérique latine, mais en Belgique, aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne comme aux Philippines.

Totalitaire, l’église ? Bien sûr. C’est elle-même qui a inventé le concept, d’une société entièrement tournée vers une seule idée, ne lisant qu’un seul livre, et n’ayant qu’une seule activité : œuvrer – dans « l’Unité » – pour la gloire de Dieu et du Christ miséricordieux… Les messes commencent dès l’aube, et se répètent cinq fois par jour, pour se terminer dans la nuit. Les chapelets s’égrainent sans fin, et même lorsqu’il dort le chrétien est hanté par le remord. Tout le jour, il porte ses fautes, et jusqu’à la mort, quoi qu’il fasse, il ne pourra échapper ni un instant au péché originel. Le seul chemin de « libération » qui lui est proposé est la soumission absolue au prêtre et à ses élucubrations.

Tous les « totalitarismes » modernes sont nés sur ce modèle médiéval fixé dans l’espace de la chrétienté. Mais voilà notre mère supérieure qui s’insurge, parce que, dans cet âge où les églises se vident même en Syrie, certaines de ses ouailles n’écoutent plus les « paroles d’Évangile » qui tombent de la chaire le dimanche, et ce, scandale des scandales, même pas au bénéfice d’une autre autorité, non : c’est par la grâce des messages échangés sur Twitter que, de Tunisie en Espagne, en passant par le Yémen, l’Egypte ou la Syrie, ces peuples se soulèvent et ne veulent plus entendre aucune autre autorité que celle de leur raison !

Pour les flics français comme pour les gardiens du dogme catholique, ces choses sont, pour sûr, insupportables.

« Les données médiatiques sont soumises à un subtil filtrage qui fausse leur sens », explique mère Agnès-Mariam, véritable experte en médiologie contemporaine. « On les traite d’une manière sélective pour aboutir à une image donnée de la situation et, ce qui est pire, l’orienter insidieusement dans un sens voulu. » N’aura-t-elle jamais remarqué que tout discours consiste à filtrer des « données », les traiter « d’une manière sélective », afin de donner « une image » de « la situation » ? Son propre article n’est-il pas une sélection d’informations visant à « orienter insidieusement » la compréhension de ses lecteurs « dans le sens voulu » ? Comme tout le travail de Voltaire, d’ailleurs.

De quoi se plaint-elle, mère Agnès-Mariam ? C’est qu’il y aurait « une nouvelle “source” de renseignements » : « les messages MMS, multimédia, envoyés clandestinement à partir de téléphones portables ». Ça pour sûr, c’est le pire : l’information citoyenne, sans aucun contrôle, que chacun peut recueillir, librement, quasi gratuitement, et la rediffuser à loisir sans que nul ne puisse y faire obstacle. Plus un coup de matraque qu’on ne puisse enregistrer et donner à la vue de tous. En direct, même, depuis plusieurs jours, quel que soit le silence des médias institutionnels, on peut assister au rassemblement de la Puerta del Sol, 24 heures sur 24, sur Ustream, un riverain ayant eut l’idée de mettre une webcam sur son balcon…

Ainsi que notre mère supérieure le relève, « ces messages téléphoniques sont souvent l’unique source d’information visuelle ou sonore pour retransmettre ce qui se passe dans tel ou tel pays ». Quel mal y aurait-il là ? Mère Agnès-Mariam va nous l’expliquer : « Nos jeunes ont été sollicités, par des SMS ou par des mails, à envoyer ces documents aux chaînes satellitaires avec, en contrepartie, la promesse d’une rémunération financière. » Oh, les vilains. Et on ne s’en était même pas avisé. Heureusement que notre religieuse, fine observatrice, s’aperçoit de tout. Il y aurait là, en plus, du sale argent. Chassez-moi ces marchands du temple ! « Par appât du gain et parce qu’il y a preneur, tout et n’importe quoi est offert sur ce marché dérisoire de l’information », conclut-elle, clouant d’une estocade son impitoyable dénonciation des systèmes d’informations qui ont permis de soulever trente-six peuples en quelques mois.

Mère Agnès-Mariam sait de quoi elle parle : c’est « un de [ses] contremaîtres » qui lui a montré un vidéo-clip « réalisé par des jeunes syriens pour illustrer une chanson arabe ». « On y voit une bande de jeunes habillés de noir circulant armés dans des voitures décapotables comme des gardes de sécurité. » Imaginez le scandale : « cette même vidéo a été montrée sur la chaîne Al Jazira comme étant la preuve de l’arrogance des services secrets syriens ! » Curieuse confusion. Mais, à propos, si ces jeunes mimaient des services de sécurité – ne serait-ce parce que ceux-ci se comportent en effet avec une certaine « arrogance » ? Ou bien s’agit-il vraiment d’une pure œuvre de fiction issue des cerveaux fiévreux de jeunes gens en proie à l’ennui ? Réjouissons-nous en tout cas d’apprendre qu’en pleine révolution, des « jeunes syriens » aient le loisir de se consacrer à faire des vidéo-clips musicaux…

Mère Agnès-Mariam connaît d’autres anecdotes, comme l’interview de ce colonel victime d’un guet-apens où seraient morts huit soldats et un officier. « À qui voulait l’entendre le Colonel ‘Uday a affirmé qu’ils n’avaient pas été tués par l’armée mais dans un guet-apens d’inconnus, on lui a fait dire le contraire. » En voilà une distorsion, en effet. Mais, ainsi qu’on va le voir plus loin, notre religieuse, comme Thierry Meyssan, veut nous faire croire qu’il y aurait une opposition armée en Syrie. L’armée syrienne ne contrôlerait pas son territoire. Des « inconnus » pourraient allègrement liquider des bataillons entiers de soldats et s’évaporer ensuite dans la nature sans qu’on n’en sache rien… C’est possible, bien sûr, mais tout sauf plausible. Sait-on que la Syrie est le pays au monde qui consacre la plus grande part de sa richesse à l’armée ? Près de la moitié de son PNB – 43%. Il s’agit tout bonnement de l’État le plus militarisé au monde. Et c’est dans ce pays quadrillé, surquadrillé, super-fliqué, surfliqué, qu’on voudrait nous faire croire que se baladent tranquillement des commandos qui repartent en sifflotant après avoir liquidé soldats et colonel comme qui jouerait aux dominos…

S’est-elle avisée, mère Agnès-Mariam, que le Colonel Uday aurait eu le plus grand mal à dénoncer publiquement une bavure militaire – sauf s’il était suicidaire ? Peut-elle concevoir que les journalistes auront fait l’économie de présenter son communiqué en langue de bois, simplement pour permettre au public de comprendre la nature de l’incident relaté – évitant de présenter la très peu vraisemblable version officielle ?

Mais l’affaire se corse lorsqu’on aborde la question des fameux « snipers » déjà évoqués par Thierry Meyssan, et décrits comme des commandos infiltrés, stipendiés par diverses puissances, dont l’objectif serait de servir l’intérêt d’Israël à affaiblir la dictature de Bachir el Assad, réputé comme un des plus intransigeants opposants de l’État sioniste, avec l’Iran. Ainsi, nous explique mère Agnès-Mariam, il s’agirait de « mercenaires » qui abattent « cyniquement » « ces pauvres soldats » dont « les médias s’évertuent à faire des bourreaux » ! Elle en donne pour preuve l’interview d’un soldat peu coopératif face à un intervieweur qui lui demande comment il peut oser tirer sur ses coreligionnaires musulmans… La question indique indéniablement un parti pris du « journaliste », qui se sent partie prenante au point où il demande : « Pourquoi tiriez-vous sur nous, musulmans ? » Mère Agnès-Mariam aurait du mal à comprendre ce genre de point de vue, et voit là un odieux journaliste en défense de « cyniques mercenaires » s’acharnant sur un « pauvre soldat ». Admettons qu’il puisse s’agir ici d’une question de point de vue…

C’est qu’elle ose se mettre en colère, notre religieuse : « Il faudrait vraiment se désintoxiquer de la désinformation concertée de ces mega medias », dit-elle. En guise de « méga média », ce qu’elle commente, c’est un clip diffusé sur Youtube après avoir été enregistré avec les moyens du bord par des manifestants qui tentent de rendre compte de la répression sauvage dont ils sont l’objet. « Quel zèle haineux a soudainement envahi leurs comités de rédaction pour qu’ils puissent à ce point mentir dans l’agencement de l’image et du son ? » conclut-elle sans même voir que sa propre haine de la liberté l’étouffe et que ces « comités de rédaction » improvisés sous la mitraille dans la rue sont l’honneur du journalisme et de ce qu’on appelle le cyber-journalisme, le journalisme citoyen.

On serait là, selon elle, face à « un totalitarisme de l’opinion qui surpasse en efficacité celle des pires régimes d’antan »… – ceux-là mêmes que l’Église a toujours soutenu, tout comme elle soutient ici le pire régime d’aujourd’hui, celui de Bachir el Assad, capable de tuer des manifestants pacifiques par centaines – le dernier décompte était de 850… –, sans accorder à son peuple qui se soulève héroïquement le bénéfice de la légitimité que les armées tunisiennes ou égyptiennes ont été amenées à reconnaître avant d’en arriver là, parce qu’une armée ne peut pas éternellement tirer sur son peuple, sauf à être si lourdement corrompue qu’elle bénéficie de la manne du pétrole, comme en Libye, ou d’un État qui pille l’essentiel de la richesse de son pays pour elle, comme en Syrie.

« Il est décrété que les peuples arabes doivent se révolter et changer de régime à l’aveuglette et à n’importe quel prix pour exorbitant qu’il soit. » Oui, une révolution se fait « à l’aveuglette », sauf à être complotée par des groupes aux intentions troubles, église, franc maçonnerie, partis fascistes ou bolchéviques. Oui, même la démocratie est un exercice par définition imprévisible. Oui, la liberté peut avoir son prix. Et, bien sûr, personne n’a « décrété que les peuples arabes doivent se révolter et changer de régime ». Ce sont les peuples eux-mêmes qui, par ce très curieux phénomène moléculaire qui s’appelle révolution, se soulèvent aujourd’hui, parce qu’ils en ont assez de la misère que des régimes ineptes leurs imposent depuis trop longtemps sans même leur laisser la liberté de leurs opinions. Si le « prix » est aujourd’hui effectivement « exorbitant » en Syrie, c’est bien à cause de l’ignominie du régime de Bachir el Assad. Et mère Agnès-Mariam, tout comme Thierry Meyssan, feraient bien de se demander dans quelle mesure ce régime n’est pas poussé à cet extrême de barbarie, entre autres… par la faute du soutien intellectuel et diplomatique que l’église catholique et les services français persistent à lui fournir.

« Il est clair qu’on cherche à créer un vide sécuritaire et à affoler l’habitant », ajoute notre religieuse, décidément fine analyste, manifestement très au fait des questions politiques les plus absconses. Or, l’habitant qui s’affole, il semble bien que ce soit elle. Voilà des décennies que la dictature syrienne offre à l’église catholique sa bienveillante protection – et qu’elle est ainsi parvenue à trouver parmi les chrétiens ses rares soutiens dans la population syrienne. Est-ce bien certain qu’une révolution les mettrait en danger, ainsi que cherche à s’en convaincre la fondatrice de l’ordre d’Antioche ? N’aura-t-elle pas remarqué qu’au contraire de ce que serinent les propagandes dictatoriales, en Syrie comme en Libye, les révolutions en cours sont tout sauf confessionnelles ?

On sait parfaitement que si les coptes, chrétiens d’Egypte, connaissent des ennuis depuis quelques temps – et ce avant même que commence la révolution –, c’est du fait des milices de Moubarak. Celui-ci s’amuse à agiter ce danger d’affrontements inter-confessionnels, alors qu’au contraire, les révolutionnaires ont manifesté leur volonté expresse non seulement de dépasser ces clivages ineptes, mais de faire évoluer la société dans le sens d’une plus grande liberté de ce point de vue, en particulier pour les femmes. En Syrie aussi, on a vu des manifestations de femmes. On n’aura par contre vu nulle part de manifestation anti-chrétienne, alors même que cet épouvantail est agité par la propagande du dictateur et de ses alliés, y compris au sein de la hiérarchie de l’église catholique comme on voit ici.

Il ne vient bien sûr pas à l’idée de mère Agnès-Mariam qu’en engageant l’église formellement aux côtés de la dictature et contre le peuple, comme elle le fait dans ce texte un brin trop polémique, elle donne au peuple de bonnes raisons d’en vouloir à cette église qu’il vaudrait peut-être même la peine de faire débarrasser le plancher, quels que soient ses alibis archéologiques. Rappelons ici que depuis plus d’un siècle, en particulier dans la région, les services archéologiques ont le plus souvent servi de couverture aux services secrets, ainsi qu’en témoigne, par exemple, la jeunesse de celui qu’on a appelé Lawrence d’Arabie. Dans le même registre, on peut évoquer la figure de son homologue français, moins connu, mais non moins intéressant pour ce qui nous concerne, Louis Massignon, qui fut peu archéologue, mais non moins grand savant, « arabisant » et intégriste chrétien tout autant qu’il était passionné d’Islam et plus encore amateur de nationalisme arabe comme de mystique – et qui passa sa vie au service des services. Son influence sur la politique arabe française, dont il donna l’essentiel des bases dès les années 20, sera fondamentale au point où l’on ne fait qu’en enregistrer ici les lointaines retombées.

Reconnaissons toutefois aux services de renseignements, même lorsqu’ils sont religieux, d’être bien renseignés… Ainsi, mère Agnès-Mariam évoque « le rôle possible d’agitateurs » « à la solde de Khaddam », ex-vice président aujourd’hui en exil en France. Deux personnes de son entourage auraient été arrêtées alors qu’« ils étaient en train de semer le trouble en distribuant de l’argent et des armes ». Cette action pour le moins trouble, serait en rapport avec celle de « chiens galeux, loyaux de Rifa’t al Assad, oncle mafieux et déchu de Bashar El Assad ». Pour le coup, les informations de notre nonne ne semblent pas complètement fantaisistes, tant qu’elle peut citer des « activistes des droits de l’homme » et des responsables de l’opposition qui auraient dénoncé la chose. C’est en effet troublant. Mais ne faudrait-il pas se demander à qui profiterait une telle agitation ?

Est-il vraiment nécessaire de « distribuer de l’argent » pour susciter la révolte dans une population où l’on est si déterminé à se battre pour sa liberté qu’on accepte de mourir, en grand nombre, depuis de nombreuses semaines maintenant ? Quant à « distribuer des armes », est-ce bien sérieux, encore une fois, dans un État où l’armée représente quasiment la moitié de la réalité ? À qui profiterait ces quelques manœuvres aussitôt éventées, sinon à la dictature ? Est-on bien certain qu’un ancien vice-président, encore au pouvoir il y a quelques années, ou qu’un « oncle mafieux » du président sont de véritables adversaires, et qu’il ne sont pas au contraire en train de jouer à l’adversaire utile, utile pour justifier du maintien de l’ordre sanguinaire de Bachir el Assad ? Croit-on vraiment que ces gens-là pourraient avoir de véritables affinités avec le mouvement démocratique ?

Quand on voit la position des services français telle qu’elle s’exprime à travers ces textes, il est bien possible de concevoir qu’un opposant exilé à Paris qui s’amuserait, à distance, à « armer » des gens en Syrie, ne serait en effet qu’un « chien galeux » de plus au service de la diplomatie souterraine française qu’incarnent ici Thierry Meyssan et mère Agnès-Mariam de la Croix.

Cette dernière est catégorique : « Des mercenaires circulent un peu partout. » Elle peut même témoigner : « Pas plus tard qu’hier un tracteur a été intercepté contenant des armes, il est passé par devant notre monastère sis sur le chemin de contrebande à l’orée du village. » On aurait affaire à des « réseaux occultes qui ces dernières années ont infiltré des jeunes désœuvrés ». Il y aurait « des cellules dormantes » qui « s’équipaient petit à petit pour un scénario de renversement du régime savamment élaboré entre diverses capitales et patronné par certaines grandes puissances et quelques pays arabes ». Rien de moins.

Bachir el Assad serait ainsi nullement confronté à la colère de son peuple qui tente désespérément de sortir de la misère et de l’oppression, mais à un complot « savamment élaboré » où interviennent « diverses capitales » et « certaines grandes puissances » et même « quelques pays arabes ». La voilà soudain bien mystérieuse notre bonne sœur si prête à pourfendre tous ces hypocrites qui s’attaquent à sa dictature bien aimée… Faut-il croire qu’un souci diplomatique retient sa plume ? N’aurait-elle pu en désigner une de « ces capitales » de « grandes puissances » ou « pays arabes » ?

Non. Par contre, elle le répète, on a bien affaire là à des « mercenaires professionnels armés et équipés ». Si elle le dit… Une preuve ? « Le cousin de notre tailleur de pierre allait au restaurant depuis une semaine [?]. Une voiture sans immatriculation passe près de lui et l’abat à bout portant. » Une anecdote qui se passe de commentaire… Une autre ? « Hier à Deir Atiyeh, village cossu à quatre kilomètres du nôtre, un groupe armé a tiré sur le restaurant le plus sélect et a endommagé plusieurs magasins. » Mais ne vient-il pas à l’idée de notre bonne sœur que Bachir aurait tout intérêt à semer la terreur aveuglément – et que ce n’est par contre nullement l’intérêt de l’opposition, fut-elle manipulée et stipendiée de l’étranger ?

Se moquerait-on ici un peu facilement de quelqu’un si fortement en prise dans sa réalité ? « Nos jeunes [chrétiens] de Homs ont poursuivi et attrapé des fauteurs de troubles, qui étaient des étrangers de nationalités irakienne, libanaise ou égyptienne, armés et arborant des téléphones portables type
Thuraya (connectés par satellites). » Oh… Mais, faut-il comprendre, à lire notre mère supérieure, que le peuple syrien partout soulevé depuis des semaines et s’exposant à la mitraille des hommes du dictateur, en particulier à Homs, ce serait en fait des irakiens, des libanais ou des égyptiens, venus en goguette en Syrie avec de magnifiques téléphones satellitaires ? Cette hypothèse d’une présence de « mercenaires » dans le soulèvement syrien est lourdement fantaisiste – ce qui n’empêche mère Agnès-Mariam de la soutenir et de la nourrir autant que faire se peut sans prendre en compte une seconde la réalité de la colère du peuple syrien, et son authentique aspiration à la liberté et à la démocratie.

Car la mère-supérieure du monastère de Saint-Jacques le Mutilé, fondatrice de l’Ordre de l’Unité d’Antioche, dispose également de témoignages qui « donnent le frisson », ainsi celui d’une « institutrice », dont elle ne donne que les initiales et dont elle certifie qu’il s’agit d’une personne « digne de foi », « membre de notre paroisse et très proche de notre monastère depuis des années ». C’est dire son impartialité… Celle-ci certifie : « Les manifestants que nous avons vu déferler le jour des Rameaux ne sont pas de Homs. » « Ils nous demandaient comment se diriger dans les rues. Beaucoup sont des gamins qui portent des sortes de pantoufles qu’ils égarent dans la rue. » Voilà des détails criants de vérité, non ? Ça ne s’invente pas. Voilà même des manifestants qui viennent d’on ne sait où – ailleurs –, avec « des sortes de pantoufles », si étrangères qu’on n’en auraient jamais vues de semblables « chez nous ». Et carrément, non contents de faire de longs voyages en pantoufles, ils les « égarent dans la rue »… Mais voilà qui est extrêmement crédible, non ?

Tout d’un coup, il ne s’agit plus tant de « mercenaires professionnels armés et équipés » de « Thuraya » satellitaires. Non, ce serait des « adolescents » et ceux-ci, sûrement mis en confiance par la brave institutrice, à l’heure de perdre leurs pantoufles, « se sont targués devant [elle] de “gagner de l’argent” ». « Ils ont fait état de sommes d’argent qui leur ont été distribuées pour participer à la manifestation. Pour quelques-uns c’était 500 livres syriennes la journée, pour d’autres c’était 1 000 livres syriennes. » En voilà un témoignage éloquent, non ?

Mais l’institutrice ne dispose pas seulement de son propre témoignage. Elle a pu aussi recueillir l’avis de ses « voisins » qu’elle a entendu « se répéter les uns les autres : “D’où viennent ceux-là et pourquoi doivent-ils s’exprimer chez nous à notre place ?” ». Voilà qui est singulièrement parlant, en effet. D’ailleurs, on ne sait trop comment elle aura pu assister à de tels dialogues, car « les gens de Homs avaient peur et se barricadaient chez eux ». Mais peut-être se barricadait-elle avec eux ? Ou bien non, elle, courageusement, allait au contact direct de ces terrifiants manifestants, pour recueillir leurs confidences et jusqu’au détail de leurs émoluments…

Elle en sait plus d’ailleurs sur ces manifestants : ils « étaient mal élevés, des Hardabasht [?] ». Comble du comble : « à 18 h 30 » – là, pour le coup le témoignage est précis, « ils se sont arrêtés à l’église Saint Antoine des grecs-orthodoxes à Bab El Sbah » et ils « ont parlé insolemment avec les Pères Wahib Bitar et Tohmeh Tohmeh qui faisaient les prières des Rameaux ». « Ils les ont interrompu et leur ont intimé l’ordre de se dépêcher pour terminer. » Incroyable. Mais pourquoi donc ces adolescents venus d’ailleurs, mal élevés et stipendiés par on ne sait qui, auraient eu le souci d’abréger la messe du dimanche des Rameaux, qui se tenait tranquillement sinon, alors que les habitants de la ville « avaient peur et se barricadaient chez eux »… ? « Du jamais vu en Syrie où la coexistence islamo-chrétienne est idéale », peut souligner notre institutrice à juste titre.

Mais cette horreur ne s’est pas arrêtée là, pensez-vous : « Les manifestants ont continué leur chemin, cassant des magasins, brûlant des pneus et molestant les passants. Ils proféraient des paroles vulgaires et insultantes. » Et si ce n’était que ça, mais « on a fait état de personnes assassinées » ! Et devinez qui il y avait parmi les victimes de ces adolescents mal élevés ? « Un général. » Si. On n’aura pas son nom, mais on sait que celui-ci « allait dans sa voiture faire des achats ». Pauvre général, qui n’était même pas en train de mitrailler la foule…

On peine à suivre le témoignage de notre vaillante institutrice qui, à ce point, devient un peu plus confus : « On leur a tiré à bout portant puis on les a coupé en morceaux pour causer la plus grande frayeur au public. » Mais de qui et de quoi parle-t-on là ? Dans le mouvement du récit, cela pourrait signifier qu’on a « tiré à bout portant » sur… les manifestants. Mais cela ne semble pas l’objet de ce témoignage pourtant, que de dénoncer les forces de l’ordre qui n’ont pas encore été évoquées d’ailleurs, sauf en la personne de ce malheureux « général » qui allait faire ses courses en voiture… Et voilà que non seulement on leur « tire dessus », « à bout portant », mais qu’on les « coupe en morceaux » ? Il est vrai que les forces de sécurité syriennes sont réputées pour leur sauvagerie, mais on n’avait pas encore entendu de telles horreurs… Notre institutrice peut même expliquer la source de son inspiration : « Le même procédé a été utilisé par les salafistes à Nahr El Bared avec l’armée libanaise, où les soldats eurent les yeux crevés et les membres coupés. »

Et elle peut conclure son « témoignage » : « Durant leurs obsèques tout Homs était bouleversé et acclamait le Président. » Ah… On avait mal compris. Ce n’est pas l’armée qui aurait tiré « à bout portant » sur les manifestants avant de les « couper en morceaux »… Non, bien sûr. Ce sont bien ces horribles manifestants, « mal élevés », qui osaient demander aux prêtres d’abréger leur messe… Mais on peine à comprendre sur qui ils auraient donc « tiré à bout portant », et qui donc seraient ces malheureuses victimes qu’ils auraient « coupées en morceaux » ? Le « général » qui allait faire ses courses en voiture ? Un général « coupé en morceaux », diantre.

Mais non, ce témoignage ne s’arrête pas là. D’abord notre institutrice peut remarquer que « les médias étrangers n’ont donné aucune importance à cet incident ». Incident ? Le mot est un peu faible, non ? Ces médias « attribuent tout à des “coups montés” du régime ». Oh… Vraiment, ces gens-là voient le mal partout. Et surtout s’obstinent à ne pas prendre en compte la criante vérité qu’on vous dénonce ici :
« Le lendemain après-midi les manifestants sont revenus. » Si. Non contents d’avoir perdus leurs pantoufles et découpé un général, voilà nos adolescents venus d’on ne sait où qui auront refait le chemin, avec de nouvelles pantoufles probablement. Entretemps, il semble que nos adolescents mal élevés auraient sensiblement changé de méthode : « Les services d’ordre ont remarqué qu’un immeuble en réfection était infiltré par des snipers. »

la suite

Messages

  • Merci de ne pas assimiler l’ensemble des chrétiens de Syrie au discours "grand-complotiste" et ultra-identitaire de Mère Agnès.

    Intéressez-vous plutôt aux analyses remarquables du Père Paolo Dall’Oglio du monastère de Mar Moussa.

    Voici son dernier texte :

    La démocratie consensuelle, pour l’unité nationale
    Wed, 08/31/2011 - 23:49 — paolo.dalloglio

    Introduction

    Sur la base de diverses conversations à propos du futur du pays et des voies à suivre pour sortir de la crise actuelle, j’ai choisi de formuler l’idée de « démocratie consensuelle » comme apport qui s’ajoute à la prière et au jeûne afin que les initiatives actuelles en faveur d’un dialogue constructif soient couronnées de succès. Ces initiatives et celles qui suivront sont nécessaires pour échapper à la logique de l’effusion de sang et du cercle des vengeances.

    Je suis un moine d’origine italienne, profondément enraciné en Syrie depuis trente ans. Depuis plus de dix ans nous avons commencé, au monastère de Saint Moïse l’Abyssin (Deir Mar Moussa al-Habachi) à organiser des séminaires de réflexion religieuse et de dialogue avec des représentants de la société civile et des diverses appartenances religieuses. Ayant publié divers livres en arabe pour participer à jeter les bases d’une démocratie mature, et formulant une méthodologie adaptée à notre particularité nationale et régionale. Nous étions nombreux à espérer une évolution pacifique et la maturation progressive d’une démocratie pluraliste, pour les citoyens et patriotes authentiques dans notre pays bien-aimé.
    L’évolution des événements nous a privé de cette espérance, année après année… mais aujourd’hui il est nécessaire de renouveler cette espérance pour réagir de manière constructive à la dérive qui conduit à une logique de guerre civile, à la fragmentation de la patrie, et au danger de reporter notre confiance exclusivement dans la conservation du passé, dans ses fonctionnements, dans le retour vers ce passé. C’est pourquoi, au lieu de polémiquer et de distribuer les responsabilités…, j’essaie d’esquisser une idée qui me semble adaptée pour résoudre la problématique syrienne, et que j’appelle « démocratie consensuelle ».
    Il faut prendre en considération que la situation actuelle suscite la préoccupation des minorités ethniques et religieuses. Par exemple, nous autres chrétiens souffrons d’un déchirement entre d’un côté notre engagement, notre solidarité civique, et d’un autre côté la peur que nous ressentons nous d’être entraînés dans le conflit en cours, de manière analogue à ce qui s’est passé en Irak. Certains d’entre nous penchent actuellement vers l’attachement à un passé révolu, et donc s’abstiennent de participer au mouvement en cours.

    Nous pensons que la vérité spirituelle originale de notre pays – celle qui reste toujours vrai, s’il plaît à Dieu – réside dans la pratique du bon voisinage, du partage de la vie pacifique et harmonieuse dans le respect mutuel, où tous sont égaux pour construire la patrie commune.

    Remarque sur la gestion de la situation en période transitoire

    Le premier pas, pour sauver la patrie, consiste aujourd’hui à assurer la sécurité des citoyens sans empêcher la revendication de liberté et son exercice pacifique. Il est en réalité nécessaire, pour aborder une rivage plus sûr, de savoir distinguer entre la sauvegarde de la sécurité à l’intérieur des quartiers – chose que dans la plupart des cas, et en faisant abstraction des courants politiques, des comités populaires locaux, pacifiques et sans armes, peuvent assurer – et la sauvegarde, pendant cette phase intermédiaire, de la sécurité des édifices publiques, de la liberté de mouvement dans le pays et du libre développement des activités économiques, en combattant la contrebande, surtout celle des armes, ce qui revient à la police et à l’armée.

    Il sera en outre nécessaire de créer une haute commission pour l’étude de la réforme constitutionnelle, dans laquelle seront représentés tous les courants de l’opposition, ainsi que les forces nationales. Le devoir de cette commission nationale sera de programmer et organiser les prochaines élections, en assurant qu’elles soient conduites correctement, en collaboration avec les comités populaires locaux et avec une couverture médiatique libre et plurielle.

    Cette haute commission devra produire un nouvel accord national, en traçant les grands traits d’une nouvelle Constitution, afin d’assurer la réalisation d’une démocratie nationale, de consensus et non d’oppression, pluraliste et non unilatérale.

    Modèles

    Je voudrais maintenant décrire brièvement un certain nombre de modèles constitutionnels réalisés dans certains pays et que je considère comme inopportuns pour la Syrie. Je proposerai ensuite ce que je considère comme la solution idéale.

    Le premier modèle : il s’agit de la monarchie constitutionnelle. Cette forme d’Etat n’est pas adaptée pour notre patrie à cause de l’attachement de la majorité des citoyens à la forme républicaine, considérée comme plus moderne, évoluée et progressiste, ceci en dépit de toutes les difficultés rencontrées par la Syrie depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui.
    Cependant, la monarchie constitutionnelle est souvent perçue comme assurant d’une certaine manière l’unité nationale et le progrès des institutions, en évitant le glissement dans la pratique de la violence. En réalité, le Roi s’appuie sur un consensus national dans l’exercice de ses prérogatives en qualité d’arbitre et de garant de toutes les composantes sociales ; et c’est à lui de protéger la société contre l’éventuelle domination de la part d’une des composantes sociales, ou d’une association trouble de composantes sociales, sur le corps social dans son ensemble. On évite ainsi d’entrer dans une logique de polarisation ou de lutte à l’intérieur de la société civile. De plus, le Roi contrôle la dialectique et la dynamique nécessaires à la vie d’un mouvement démocratique authentique.
    Dans certaines constructions républicaines modernes, le Président joue un rôle similaire à celui d’un Roi constitutionnel pour assurer la consensualité de la dynamique politique et éviter la fragmentation et la communautarisation, selon ce que nous verrons dans le denier modèle proposé dans cette brève étude. Il semblerait que le Royaume jordanien et celui du Maroc s’acheminent graduellement vers la maturité démocratique, réalisant ainsi le modèle de la monarchie constitutionnelle.

    Le second modèle : il existe une forme démocratique républicaine basée sur l’élection directe, de la part du peuple, du Président en tant que « guide » de la Nation. En général, l’élection se déroule à 50% des voix plus un. C’est ce qui s’appelle un régime présidentiel… Ce régime est adapté aux structures nationales homogènes sur le plan culturel et ethnique, où les minorités participent aux mouvements politiques sans réclamer pour elles mêmes ni favoritisme ni conditions spéciales.
    Ceci nécessite un haut niveau de laïcité de l’Etat, du corps social et des institutions. Aujourd’hui, se manifeste une certaine faiblesse de ce type de régime, à cause de la mondialisation des sociétés. Cette faiblesse résulte de la facilité avec laquelle les lobbies locaux et internationaux peuvent exercer des pressions sur le pays, et la fragilisation de la société provoquée par les minorités organisées et imposantes, de telle manière que surgit une conflictualité entre une majorité qui cherche à maintenir ses privilèges acquis, et de nouveaux regroupements sociaux qui réclament le respect de leurs droits.

    Ce modèle n’est absolument pas adapté à la Syrie. En réalité, il n’est pas en mesure de favoriser l’harmonie sociale dans une composition comme celle-ci, où de fortes appartenances communautaires cherchent une solution qui satisfasse tout le monde, selon un mode qui ne puisse pas être utilisé par qui veut favoriser la logique communautaire pour s’imposer à la société entière.

    Le troisième modèle : c’est le fédéralisme, qui se construit sur les particularités et sur l’indépendance des régions et des cantons, mais ceci n’est pas non plus adapté à la Syrie, à cause du risque de fragmentation de la Patrie, et également à cause de la situation démographique syrienne, qui se caractérise par une distribution des minorités religieuses et ethniques sur tout le territoire.

    Le quatrième modèle : il s’agit du modèle communautaire libanais. Celui-ci est aussi inadapté à notre situation, car il est faible en lui-même. En fait, souvent, le citoyen est comme piégé dans un aspect particulier de son identité. En outre, ce modèle ouvre grand la porte aux ingérences étrangères.

    Toutefois, le principe de l’accord national constitutionnel libanais constitue un besoin réel, aussi pour la situation historique que vit actuellement la Syrie.

    Identités non conflictuelles

    Avant de décrire le modèle de la démocratie consensuelle, il vaut la peine de consacrer quelques mots à l’idée contemporaine d’identité complexe, non conflictuelle mais plutôt en dialogue. L’homme contemporain, le citoyen de son propre pays et la personne qui participe à l’évolution mondiale, se caractérise par une pluralité d’aspects qui forment sa personnalité ou identité. La hiérarchie des priorités sur laquelle s’ordonnent les composantes constitutives d’une identité diffère beaucoup d’une personne à l’autre : celui-ci est syrien avant d’être musulman et un autre sera chrétien avant d’être syrien ; celui-ci est préoccupé par le destin de la classe ouvrière avant toute autre chose, tandis qu’un autre s’intéresse à son propre capital et fait abstraction des autres éléments culturels ; celui-ci est avant tout arabe tandis qu’un autre se sentira syrien au-dessus de tout autre caractéristique… En dépit de cela, chacun d’eux vivra des appartenances multiples, plus ou moins importantes, qui peuvent être linguistiques, culturelles, de genre, tribales, de classe, etc. La Constitution ne devra pas être construite sur une conception qui enferme la personne à l’intérieur d’une seule de ses caractéristiques, au désavantage des autres. C’est pourquoi il ne faut pas d’une Constitution qui ne laisserait pas d’espace au citoyen pour exprimer les composantes identitaires qu’il considère comme principales et importantes pour une raison ou pour une autre.

    Ce qui est important, et même fondamental, c’est que la société dans sa complexité s’accorde sur l’exercice du principe de consultation (shura) et sur la renonciation radicale à l’exercice d’une quelconque sorte de violence dans la gestion des inévitables conflits, en sauvegardant entièrement la protection de la liberté de conscience, limitée uniquement par le principe « ne pas léser, ne pas être lésé », et par la renonciation à blesser les autres dans ce qu’ils considèrent comme sacré. Pour que cela survienne, il est nécessaire d’assurer aussi bien l’indépendance du pouvoir judiciaire et de perfectionner l’environnement de la liberté d’expression et d’association, selon les conditions définies par la Loi, d’une manière entièrement libre de tout esprit sectaire ou hégémonique, mais bien dans un esprit de consensus.

    La démocratie consensuelle

    Le modèle que nous proposons comme adapté à la situation syrienne actuelle se fonde sur l’importance de la Présidence comme partie qui garantit l’unité nationale en jouant son rôle d’arbitre ultime et de défenseur pour toutes les composantes sociales qui se trouvent marginalisées pour quelque raison que ce soit. C’est pourquoi il sera nécessaire que le Président soit élu à travers une procédure de négociation et de consensus, en cherchant toujours le compromis le plus en mesure de mettre d’accord les diverses composantes sociales.

    L’expérience des divers pays montre que la meilleure voie pour réaliser ce modèle est que le Président soit élu par les deux Chambres des députés et des sénateurs, réunis en session commune. Etant donnée la situation syrienne, il est évident que le Président doit être élu aux deux tiers des voix, car c’est ainsi que l’on peut éviter la formation de toute majorité dominatrice.
    (Dans l’Eglise catholique, le conclave procède à l’élection du Pape aux deux tiers des voix, quelles que soient les difficultés rencontrées ou la longueur du processus. Ceci est destiné à assurer l’unité de la communauté avant toute autre valeur. Les difficultés évidentes que peut rencontrer ce type de système ont été prises en considération par le Pape actuel, qui a apporté des corrections à ce système électif. Les candidats qui ne parviennent pas à obtenir les deux tiers dans un certain nombre de séances électives perdent complètement la possibilité de se porter candidat, de sorte que l’assemblée est obligée de chercher un nom sur lequel se coagule le consensus, et de le trouver, avec l’aide de Dieu !).
    De manière semblable, l’assemblée élective syrienne, bien que souffrant de nombreuses divisions, réussira à élire la personne en mesure de promouvoir et d’assurer la cristallisation de l’harmonie nationale. Je propose que le premier Président de ce nouveau système soit élu pour trois ans seulement, sans possibilité de renouvellement ; puis, pour une période de cinquante ans, il sera élu pour sept ans sans possibilité de renouvellement, puis ensuite pour un septennat renouvelable une seule fois. Ceci, afin de maintenir la stabilité et la pérennité de l’unité nationale.
    La Chambre des députés, comme c’est le cas dans la majorité de ce type de constitutions, est élue par listes de divers partis regroupant des votes sur l’ensemble du territoire national, pris comme une unique circonscription. Ici, le député ne représente pas une région mais plutôt une idée autour de laquelle se réunissent les gens. naturellement, dans un Assemblée de ce type, seront surtout représentés les divers courants politiques, avec éventuellement une coloration religieuse ou d’appartenance sociale.
    En Syrie, le Sénat se doit de rassembler les représentants des diverses régions géographiques, ceci afin de garantir la représentation des composantes nationales qui sont liées à une appartenance ethnique ou régionale, ou toute autre composante locale particulière de nature plus dynamique.
    Le Président nomme le Chef du Gouvernement et celui-ci forme le Conseil des Ministres. Il sera nécessaire que le Gouvernement obtienne la confiance des deux Chambres avec un haut pourcentage, par exemple 60% des votes, afin d’assurer la consensualité de la démocratie.
    J’estime que les gouverneurs des régions doivent aussi être élus par les Assemblées régionales avec un haut pourcentage des voix, afin d’assurer le consensus social local et l’harmonie intercommunautaire.

    Conclusion

    Ce que j’ai décrit n’est qu’un modeste exercice de dialogue, à propos d’une constitution que j’estime opportune. En Syrie, la démocratie est possible mais la réforme sera impossible si ne sont pas assurées entièrement les libertés d’expression et de conscience et si l’on ne renonce pas à toute atteinte à la dignité humaine et à tout abus en ce qui concerne les droits de l’homme. De fait, le déchirement entre les diverses composantes nationales va s’aggravant, tandis que paix et harmonie s’éloignent.

    Qui conduira le pays vers le salut ? L’histoire a chargé le docteur Bashar el-Assad d’une lourde responsabilité et il se trouve maintenant en face d’une série de choix difficiles et douloureux.
    On parle beaucoup de complots contre la Nation et ceux-ci, naturellement, ont toujours existé. Il est toutefois préférable de mobiliser toutes les bonnes volontés et les bonnes intentions disponibles localement et internationalement pour trouver la meilleure solution, qui ne pourra qu’être consensuelle.
    Comme membre de l’Eglise catholique, j’espère qu’un pays ami de la Syrie, et en même temps important du pont de vue de l’Eglise, comme le Brésil, puisse être en mesure de rassembler nos amis à l’étranger, pour qu’ils puissent aider à créer les conditions opportunes pour la transformation démocratique en cours et pour sa pleine réalisation.
    La réconciliation nationale besoin d’un mécanisme d’indemnisation morale et matérielle pour les familles qui ont perdus certains de leurs membres dans les événements. De la même manière, il sera nécessaire d’offrir à ceux qui ont servi leur pays selon leurs convictions, jusqu’au jour des réformes, une manière de pouvoir quitter leurs fonctions de manière pacifique et honorable, en empêchant toute possibilité de vengeance à leur encontre. La vengeance, en effet, ne ferait que provoquer plus de souffrances et de destructions, y compris la perte de l’unité nationale.
    Je prie de tout cœur pour que Monsieur le Président puisse voir, lui, sa famille et ses conseillers, cette occasion comme historique afin que la Syrie réalise un saut de qualité vers un futur plus juste.
    L’amour pour la Patrie implique d’être prêt au sacrifice suprême. Sans aucun doute, cette mutation démocratique exigera ce sacrifice, accompagné par un grand courage et une grande générosité. Les sages de la communauté internationale doivent faciliter ce processus évolutif en assurant la possibilité, en tant que de besoin, que certains puissent quitter leurs fonctions tout en continuant à vivre dans la dignité et dans la sécurité.
    Ce sont les prochaines générations qui auront le rôle d’étudier et d’évaluer cette phase difficile et importante de l’histoire nationale. Naturellement, les opinions et les perspectives seront différentes dans l’évaluation des acteurs de cette phase. Toutefois, nous tous qui vivons dans le cœur de ce mouvement, nous avons le devoir de chercher avec courage, sagesse et réalisme, une solution raisonnable et praticable. Ce n’est pas le moment de juger, mais de passer un gué difficile avec la quantité la plus petite possible de pertes humaines et économiques.
    Avec cette proposition, je voudrais exprimer ici mon espérance, et les espérances de tous, que cette phase de passage puisse s’accomplir le plus rapidement possible pour pouvoir sortir de l’isolement international dans lequel se trouve la Syrie aujourd’hui. De fait, l’urgence économique est devenue pressante, surtout en ce qui concerne les besoins des pauvres parmi les fils de notre peuple.
    En conclusion, je voudrais déclarer encore une fois mon désir de servir cette société que j’aime, et à n’importe quel prix. Je déclare à nouveau mon refus de principe de la violence, tant intellectuelle que physique, et je demande à Dieu, l’Amant des hommes, de donner à la Syrie ce succès qui en ferait un exemple à imiter, de génération en génération.

    Paolo Dall’Oglio
    25/ 07/2011

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.