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Obama souhaite un Etat palestinien, mais s’oppose à sa proclamation devant l’Onu

Pierre Puchot | mediapart.fr | 19 mai 2011

samedi 21 mai 2011

Un Etat palestinien sur les frontières de 1967, dans le cadre de négociations avec Israël. Dans son discours prononcé jeudi 19 mai devant le département d’Etat, le président américain s’est déclaré pour la première fois en faveur de la création d’un Etat palestinien dans le cadre des frontières de 1967, sur la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, avec des échanges possibles de territoires. Il a également évoqué le principe d’un Etat démilitarisé.

Mais Barack Obama a aussi mis en garde les Palestiniens contre toute tentative d’ « isoler symboliquement Israël aux Nations unies en septembre », leur demandant de ne pas proclamer la création d’un Etat indépendant à cette occasion. Barack Obama a annoncé en outre un vaste plan de soutien économique aux pays arabes qui se sont prononcés en faveur d’une évolution démocratique et, au delà, à tous ceux qui auraient la volonté de promouvoir des règles nouvelles de bonne gouvernance et de liberté d’expression. (Voir l’intégralité du discours dans la vidéo ci-dessous :)

(Lire ici la transcription en français du discours du président des Etats-Unis)

Comme l’on pouvait s’y attendre, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a exclu aussitôt tout « retrait aux lignes de 1967 », tout en s’abstenant de s’opposer frontalement au président Obama : il doit le rencontrer ce vendredi à Washington. Le leader palestinien Mahmoud Abbas a appelé pour sa part Israël à « donner au processus de paix la chance qu’il mérite », convoquant la direction palestinienne pour « une réunion d’urgence ».

La Proche-Orient, c’était la grande ambition internationale de son mandat, un dossier pour lequel Barack Obama avait obtenu le prix Nobel de la paix par anticipation ! Ce vendredi 20 mai, il rencontre le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou. Dimanche, il prononcera un nouveau discours, cette fois devant le principal lobby pro-Israël aux Etats-Unis, l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC, lire ici notre enquête sur ses activités).

Le mois dernier, le New York Times affirmait que la Maison Blanche comptait proposer un Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale commune à Israël et au futur Etat palestinien. Washington écarterait l’option d’un « droit au retour » des réfugiés palestiniens. Mais depuis 2008, de nombreuses rumeurs ont entouré les intentions supposées de la Maison Blanche sur ce dossier. La presse américaine avait prêté au président l’ambition de s’inspirer de l’initiative saoudienne, qui proposait un plan de paix régional à Israël en échange d’un retrait des territoires palestiniens, où vivent aujourd’hui plus de 300.000 colons. Las. Israéliens et Palestiniens n’ont finalement rien vu venir de concret.

À 18 mois des élections présidentielles américaines, Obama aura beau utiliser toute la verve et le charisme qui l’ont porté à la tête de la première puissance mondiale, le bilan de son action au Proche-Orient est sans appel. Symbole de cet échec permanent, l’envoyé spécial au Proche-Orient, George Mitchell. L’émissaire américain a démissionné vendredi 13 mai, après avoir multiplié les voyages et médiations ces deux dernières années, sans aucun succès.

Le président a rendu hommage dans un communiqué au « promoteur infatigable de la paix », rappelant que l’ancien sénateur s’était engagé pour deux ans quand il a accepté la mission en janvier 2009, à l’âge de 75 ans. Cette dernière précision ne trompera personne. La démission de Mitchell, dont la nomination avait été présentée comme un signe fort de la volonté de la Maison Blanche de s’investir dans ce dossier, acte l’échec de la politique américaine.

À Washington, on plaide désormais pour qu’Obama s’investisse davantage : « La démission du sénateur Mitchell souligne la nécessité, pour le président, de prendre en charge personnellement la politique américaine de paix au Proche-Orient », affirme désormais l’oganisation Americans for Peace Now, qui promeut la solution de deux Etats. « Les émissaires, ajoute son porte parole, ne peuvent se substituer à un engagement présidentiel personnel. »

Que le processus de paix « soit une affaire extraordinairement difficile n’est une nouveauté pour personne », a commenté Jay Carney, le porte-parole de la Maison Blanche, après la démission de Mitchell. « Mais il se trouve que c’est important, et le président a l’intention de continuer à y travailler. » Les observateurs attentifs continuent, eux, de se poser la question : jusqu’ici, qu’a fait Obama au juste ?


Depuis deux ans, l’administration américaine a égrené un chapelet de bonnes intentions, sans jamais avoir le courage politique et les moyens de cette ambition. Pour l’heure, le bilan d’Obama peut être considéré comme plus nocif encore que celui du second mandat de George Bush ! En laissant sa secrétaire d’Etat Hillary Clinton accepter le concept israélien de « gel partiel des colonies » en Cisjordanie (lire notre article), Obama a sapé dès l’automne 2009 l’une des bases des négociations : le gel de la colonisation, au centre des débats depuis vingt ans, sans jamais proposer de solution de substitution.

C’est là tout le problème : cette inconséquence a redonné la main à un gouvernement israélien mené par la coalition de droite et d’extrême droite, qui a montré depuis deux ans qu’elle n’avait aucunement l’intention d’effectuer le moindre sacrifice d’ampleur pour parvenir à la paix. Comment s’étonner dès lors de l’échec de la dernière tentative, lancée à Washington en septembre 2010, et qui avait échoué moins d’un mois plus tard sur le refus d’Israël de prolonger un moratoire sur la colonisation en Cisjordanie ?

Très inquiet de l’élection d’Obama, président le plus impopulaire en Israël, Benjamin Nétanyahou a utilisé à son avantage toutes les hésitations américaines pour dicter son rythme aux négociations, lui qui a toujours été partisan d’une « paix économique » avec les Palestiniens plutôt que de la solution à deux Etats. En refusant de prolonger l’an passé le « moratoire sur la colonisation » demandé par Washington, Nétanyahou s’est même permis d’adresser un camouflet à l’administration américaine.

Et qu’avait-il réellement à craindre ? En boycottant le Hamas, en contraignant le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à demander le report de l’examen du rapport Goldstone (relatifs aux crimes de guerre d’Israël et du Hamas pendant l’opération Plomb durci contre Gaza) devant l’ONU, les Etats Unis ont montré qu’ils soutenaient Israël coûte que coûte, même lorsque Tel-Aviv faisait preuve d’une volonté manifeste de torpiller le processus de paix.

Comment croire que Barack Obama puisse contraindre aujourd’hui Israël à faire des concessions, alors même que le gouvernement Nétanyahou demeure sur ses gardes et redoute plus que tout les conséquences des révolutions arabes, en Egypte, en Syrie, et jusqu’au sein du camp palestinien ? Dimanche 15 mai, la commémoration de la « Nakba » (« catastrophe », synonyme dans le monde arabe de la création de l’Etat d’Israël en 1948 et de l’exil forcé de plus de 750.000 Palestiniens qui s’en est suivi) a été endeuillée par des violences qui ont fait au moins 12 morts et des centaines de blessés, la plupart à la périphérie des territoires palestiniens, au Liban et dans le Golan syrien occupé par Israël.

Dans le plateau syrien du Golan, l’armée israélienne a ouvert le feu sur des manifestants palestiniens venus de Syrie qui avaient pénétré dans la partie occupée, tuant au moins deux personnes. Dix personnes ont en outre été tuées par des tirs israéliens à la
frontière libanaise, où des milliers de réfugiés palestiniens s’étaient
rassemblés dans la localité de Maroun ar-Ras, à un kilomètre d’Israël,
selon l’armée libanaise. C’est dans ce contexte chaotique que les Palestiniens tentent cependant de reprendre leur destin en main.


Sous la pression des manifestations à Gaza et en Cisjordanie, le Fatah du président Mahmoud Abbas et le Hamas sont convenus, mercredi 27 avril au Caire, de former un gouvernement non partisan jusqu’à des élections présidentielle et législatives d’ici un an. Le chef de la délégation du Fatah, Azzam al-Ahmad, a annoncé un accord pour la formation d’un « gouvernement d’indépendants ». Le point le plus important, capital même si l’on se souvient des affrontement armés à Gaza entre le Hamas et le Fatah en 2007, et qui donne finalement tout son sens à cet accord : le chef de la délégation du Hamas Mahmoud Zahar a indiqué fin avril que le Fatah et le Hamas avaient réglé la question de la réunification des forces de sécurité.

Embarrassés, les Etats-Unis ont timidement salué ce retour à l’unité palestinienne, qu’Israël a fermement condamné, suspendant par la même occasion le versement des taxes douanières dues au Palestiniens. Dimanche 15 mai, le gouvernement israélien a finalement levé le gel de 70 millions d’euros de fonds palestiniens. Versée normalement avant le 4 de chaque mois, cette somme constitue les deux tiers des recettes budgétaires de l’organisation palestinienne. « Nous avons débloqué ces fonds car nous avons pu vérifier que l’accord Fatah-Hamas n’a pas eu d’effet, la coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne a continué », a affirmé le ministre israélien des affaires stratégiques Moshé Yaalon.

De leur côté, Hamas et Fatah ont désormais le regard tourné, non pas vers Washington, mais vers New York, et travaillent à la proclamation d’un Etat palestinien à l’assemblée générale de l’ONU, à l’automne 2011, selon le plan originel du premier ministre Salam Fayyad. Israël a déjà annoncé des représailles en cas de proclamation, et les Etats-Unis ont mis en garde les Palestiniens contre « toute mesure unilatérale ». Mais l’idée fait son chemin.

Ces dernières semaines, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a enchaîné les visites à l’étranger pour tenter de convaincre les chefs d’Etat de soutenir le projet. Plusieurs Etats d’Amérique latine ont déjà reconnu l’Etat palestinien. Le président français Nicolas Sarkozy n’a pas dit non. Première condition essentielle de cette proclamation : le retour de l’unité palestinienne, désormais effective. Il n’est donc pas sûr que les Palestiniens attendent grand-chose d’un président américain qui semble résolu à leur faire obstacle à l’Onu en septembre.


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