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Un médicament contre le déficit de l’Assurance maladie : Mediator !

Aurélie Haroche | jim.fr | jeudi 5 mai 2010

jeudi 5 mai 2011

Paris, le jeudi 5 mai 2011 – Depuis le début de l’affaire
Mediator, les interventions du ministre de la Santé, Xavier
Bertrand, sont (plus encore qu’auparavant), impatiemment attendues.
Chacun savoure (mais avec des intentions parfois différentes) la
façon dont le ministre a choisi d’adopter un ton intransigeant à
l’égard de Servier, méthode qui permet d’oublier que dans cette
affaire les responsabilités (et les dédommagements ?) pourraient
être partagées. Ce matin, invité de Jean-Pierre Elkabbach sur
Europe 1, le ministre de la Santé a ajouté à la rigueur une
certaine pointe d’ironie en déclarant : « Le laboratoire Servier a
largement de quoi indemniser les victimes. Personne ne comprendrait
que Jacques Servier continue à faire preuve d’un entêtement sans
nom dans cette affaire » a-t-il commencé réagissant aux
informations révélées en début de semaine par le quotidien les
Echos concernant la confortable situation de la trésorerie des
laboratoires qui compterait 2 milliards d’euros. Le ministre a
ensuite poursuivi : « Les sommes qui ont été engagées par la
Sécurité sociale devront être remboursées par le laboratoire
Servier. L’assurance maladie se retournera contre Servier
 ».
Ici, Xavier Bertrand faisait allusion au nouveau « scoop » du
Figaro de ce jeudi 5 mai qui s’appuyant sur un document interne de
l’Assurance maladie indique que le Mediator aurait coûté au moins
1,2 milliards d’euros à la Sécurité sociale.

De 1,454 million de boîtes en 1983 à plus de 9 millions en 2005  !

Arriver à une telle somme n’aura pas été une mince affaire.
L’Assurance maladie ayant souhaité disposer d’une estimation
concernant toute la période de commercialisation du Mediator, il a
fallu procéder à des conversions franc/euro pour les années (de
1976 à 2001) passées avant l’entrée en vigueur de la monnaie
unique. Le chiffre obtenu a ainsi été établi en euros constants de
2009 nous précise le Figaro ! Ensuite, une multiplication a dû être
réalisée : 145 millions de boîtes ont été vendues en 33 ans, prises
en charge à hauteur de 70 % jusqu’en août 1993 puis à 65 %.
Résultat : 879 millions d’euros ont été dépensés en 33 ans pour la
prise en charge du remboursement du Mediator. Le document donne par
ailleurs des indications sur l’évolution des ventes du médicament
et révèle une belle progression jusqu’en 2005. Ainsi, entre 1983 et
2005 le nombre de boîtes vendues par an est passé de 1,454 million
à 9,152 millions. Puis une décélération constante s’est faite jour
jusqu’à l’arrêt de la commercialisation. Bref, il aura continué à
être prescrit sans qu’aucune alerte majeure n’en dissuade des
médecins apparemment de plus en plus confiants.

Des malades opérés… systématiquement à cause du Mediator ?

A ces 879 millions d’euros s’ajoutent les 315 millions d’euros
liés, lit-on dans le Figaro, à la prise en charge des effets
secondaires du médicament. Ici sont inclues les 1 750 personnes
ayant consommé du Mediator et ayant subi une intervention
valvulaire sans que le quotidien précise si pour tous ces patients
a pu être clairement mis en évidence un lien avec le médicament
(sur la base de signes évocateurs échographiques décrits dans la
littérature). Le compte ne s’arrêterait cependant pas là :
l’Assurance maladie pourrait y ajouter les frais engendrés par
l’envoi de courriers à 663 000 personnes ayant reçu du Mediator,
ceux liés au remboursement des échographies ayant suivi ces
messages d’alerte et les dépenses engendrées par le paiement
d’indemnités d’arrêt de travail ou de primes d’invalidité. En
outre, le Figaro ajoute que les mutuelles ont pour leur part
probablement dépensé entre 250 et 300 millions d’euros.

L’Assurance maladie va-t-elle réclamer à l’état le remboursement de son préjudice ?

L’Assurance maladie n’a pas attendu que cette estimation soit
dévoilée par la presse pour intenter une action (de plus) contre
Servier. L’avocat de la Sécurité sociale, Maître Georges Holleaux
précisait hier au Figaro à cet égard que « Les caisses de Sécurité
sociale envisagent de solliciter de la part du juge d’instruction,
lors des mises en examen, la constitution de très importantes
cautions à la charge des mis en examen. Cette demande consiste à
couvrir le montant des considérables dommages et intérêts ».

Peut-on cependant réellement envisager qu’une juridiction impose
aux laboratoires le remboursement intégral de l’assurance maladie ?
Cette dernière elle-même au moment de sa plainte n’envisageait
d’ailleurs de ne demander des dommages et intérêts que pour la
période allant de 2000 à 2009 (soit 222,6 millions).

Surtout sera immanquablement soulevée la question de la
responsabilité des autorités de tutelles (et donc de l’état) qui
ont maintenu l’AMM et le taux de remboursement malgré l’existence
de doutes sur l’efficacité et la sécurité du produit.

Et comme le dit l’adage multiséculaire, nul ne peut se prévaloir
de sa propre turpitude ! 



Aurélie Haroche




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