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Vers une loi anti-claque ?

Merima Huseinbasic | ladepeche.fr | 1er mai 2011

dimanche 1er mai 2011

C’est un spot choc : une petite fille se fait gifler par sa mère. Ce spot qui va être diffusé sur les chaînes nationales à l’initiative de la Fondation pour l’enfance est destiné à interroger les parents sur les violences familiales. La gifle est-elle éducative ? C’est un spot bien frappé. On y voit une petite fille, qui vient de renverser un verre par inadvertance, se faire gifler par sa mère. Ce spot choc, qui est diffusé à partir d’aujourd’hui sur les chaînes nationales, veut montrer aux parents que la gifle n’est pas « un outil éducatif ».

Le spot est l’illustration d’une campagne diffusée par la Fondation pour l’enfance à l’occasion de la journée internationale contre les violences éducatives. « Éduquons sans violence. Ni claques ni fessées » : tel est le message de cette fondation créée en 1977 par Anne-Aymone Giscard d’Estaing. Voilà qui relance le débat entre partisans d’une « bonne paire de claques », et adversaires de la gifle. Au pays des droits de l’homme, où ceux de la femme sont régulièrement bafoués par des violences conjugales, les droits de l’enfant posent encore question. Le Conseil de l’Europe, depuis 2008, recommande à ses membres d’interdire les châtiments corporels contre les enfants. Mais la France n’a pas légiféré sur le sujet, alors qu’en 2009, la députée UMP Edwige Antier a déposé une proposition de loi sur le sujet. L’Angleterre, le pays de Charles Dickens, non plus.

La gifle est pourtant marquée au « fer rouge » sur les joues de tous ceux qui en ont reçu une. Les châtiments corporels sont dénoncés par la plupart des éducateurs, pédiatres, psychiatres, enseignants, tout autant pour le traumatisme qu’ils engendrent que pour leur inutilité sur le plan éducatif. L’autorité ne se bâtit pas sur la violence. Mais elle ne s’achète pas, non plus, avec des téléphones portables et des vêtements de marque. « Les parents ont du mal à considérer que le manque fait partie de leur vie et de celle de leurs enfants », remarque un psychologue de l’École des parents et des éducateurs à Toulouse. Entre l’enfant-roi et l’enfant-martyr…

Pour se structurer, les jeunes ont besoin d’interdits : « Et plus l’interdit est énoncé, moins on a besoin de violence physique », indique le psychiatre toulonnais Boris Cyrulnik, qui s’interroge sur le bien-fondé de la campagne télévisée. « Elle risque de culpabiliser les parents. Il faut rechercher les causes de la fessée. C’est toujours soit un désarroi parental, soit un trouble du développement de l’enfant. Donc, je pense qu’il faut entourer les parents au lieu de diminuer leur autorité en signifiant aux enfants : « vos parents n’ont pas le droit de vous toucher ».

Les promoteurs de la campagne se défendent pourtant de vouloir culpabiliser les parents. « La loi interdit de frapper un adulte ou un animal, et c’est normal. La loi doit aussi interdire de frapper un enfant », affirme le Dr Gilles Lazimi, coordinateur de la campagne de la Fondation pour l’enfance. Qui ajoute : « C’est un film pour faire débat. J’aimerais que les parents que nous sommes se questionnent sur la façon d’éduquer leurs enfants, sur l’utilité, les dangers et les risques de frapper un enfant. Est-ce que cela aide l’apprentissage, est-ce que ça va l’aider dans sa vie sociale future, est-ce que ça ne va pas engendrer de la violence » ?

Rappelez-vous… La joue brûle encore.


Le chiffre : 50 %

DES PARENTS D’enfants de moins de deux ans > déclarent avoir eu recours à des punitions corporelles. C’est une étude québécoise qui le montre. Un parent sur deux donnerait des claques.

« Autrefois, un simple froncement de sourcil permettait de se faire obéir. Actuellement, le recours à la violence devient un substitut très maladroit ». Boris Cyrulnik, psychiatre.


expert

"Il faut interdire cette violence"

Que pensez-vous du spot télévisé contre les violences éducatives ?

Edwige Antier, pédiatre, députée UMP.. Cela me ravit ! J’avais déposé une proposition de loi pour abolir les châtiments corporels. La secrétaire générale du Conseil de l’Europe, qui a fait adopter une loi dans 22 pays, était venue à l’Assemblée nationale où nous avions organisé un colloque sur le sujet. Nous venons de redéposer une nouvelle proposition de loi pour abolir les violences physiques et psychologiques sur les enfants.

Une paire de claques, cela fait donc si mal ?

C’est une absurdité. La gifle, cela sert à humilier, cela met de la rage dans le cœur de l’enfant. Certains vous diront qu’une bonne paire de claques n’a jamais tué personne. Je réponds que c’est encore heureux. Mais je pense que ces gens ne réalisent pas vraiment l’effet qu’une gifle a eu sur eux. Nous, les praticiens, et toutes les études l’ont montré, savons que les châtiments corporels soit rendent les enfants agressifs en retour, soit les rendent sournois, soit les inhibent. Et user de la violence n’a jamais donné de l’autorité aux parents.

Peut-on avoir de l’autorité sans user de violence ?

Quand vous tapez, vous perdez votre autorité. L’enfant dit : « Même pas mal ». Il faut apprendre la parentalité positive. Les parents doivent avoir un comportement adapté à la vie de l’enfant, utiliser d’autres méthodes. En cas de caprice, les Américains disent : « Time out », exclusion ; l’enfant doit aller dans sa chambre, chacun chez soi jusqu’à ce que les choses se calment. Dans mon livre, « L’autorité sans fessée », j’explique quatre principes : les enfants, il faut les occuper, faire diversion, les exclure lorsqu’on n’en peut plus, et se faire aider… Et j’ajoute une chose : les adultes qui ont donné une claque à leurs enfants ne doivent pas se sentir coupables, mais maintenant qu’on leur a montré les conséquences négatives de cette violence, réfléchir et remettre leur éducation en question. Car taper plus petit que soi, c’est grave, non ?

Recueilli par S. B.


Dans 22 pays européens, il est interdit de frapper

L’abolition des châtiments corporels contre les enfants est un combat de longue haleine entamé tant par les Nations unies qui ont reconnu les Droits de l’enfant, qu’au niveau du Conseil de l’Europe. En octobre 2007, les États membres de ce dernier qui avaient modifié leur législation et interdit tous les châtiments corporels, dans toutes les circonstances et quel qu’en soit l’auteur, étaient au nombre de 17 : l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Islande, la Lettonie, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, la Roumanie, la Suède et l’Ukraine. La Suède a été le premier pays à proscrire les gifles et les fessées.

Le 15 juin 2008 à Zagreb, le programme « Construire une Europe pour et avec les enfants » a lancé une activité de sensibilisation contre le châtiment corporel des enfants, et notamment une campagne européenne « Levez la main contre la fessée » ou une autre en faveur de la « parentalité positive. »

Des efforts qui portent leurs fruits puisque la très conservatrice Pologne a réformé son code de la famille en août 2010 et voté une loi sur la prévention de la violence familiale qui interdit les châtiments corporels. La Pologne est ainsi devenue le 22e État abolitionniste dans ce domaine. À l’heure actuelle, 22 États membres du Conseil de l’Europe ont banni complètement les châtiments corporels et six autres se sont engagés à leur emboîter le pas. Une démarche parfois longue et complexe car elle nécessite un profond toilettage juridique. En revanche, d’autres pays font de la résistance comme la France et l’Angleterre, qui n’ont pas encore légiféré et se contentent d’une « interdiction partielle sans engagement à réformer. »

Philippe Rioux


Cahuzac, Bayrou, Carayon : gifles retentissantes

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les claques distribuées par Jérôme Cahuzac, le député-maire PS de Villeneuve-sur-Lot, François Bayrou, le président du Modem, et Bernard Carayon, le député-maire de Lavaur, à des jeunes, ont eu du retentissement.

Le 8 avril 2002, treize jours avant le premier tour de la présidentielle, lors d’une visite officielle dans une école à Strasbourg, François Bayrou donne une gifle à un gamin lui « faisant les poches ». Il remonte dans les sondages immédiatement et franchit la barre des 5 %…

Le député-maire UMP de Lavaur a aussi la main leste. Le 14 janvier dernier, à Paris, à la suite d’une partie de football au cours de laquelle son fils aurait été insulté, Bernard Carayon se serait rendu au domicile des parents du gamin irrespectueux et lui aurait donné une claque. Une plainte a été déposée.

À Villeneuve-sur-Lot, vendredi dernier, le député-maire PS Jérôme Cahuzac, qui est aussi le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, a donné deux gifles à un jeune qui l’aurait insulté et menacé. Jérôme Cahuzac a reconnu le « geste violent », mais il a expliqué qu’il n’avait pas pu « faire autrement » pour faire cesser des incivilités dans sa ville.


Quel est votre souvenir de gifle le plus marquant ?

Émilie Leroy, 27 ans, Toulouse, vendeuse en boulangerie. La pire claque dont j’ai le souvenir, c’est moi qui l’ai donnée ! On m’avait fait une réflexion qui ne m’avait pas du tout plu. C’était une comparaison avec je ne sais plus quel animal. C’est parti tout seul. C’était à un ami à moi, qui sur le coup a été très vexé. Je n’ai pas regretté. Il s’est excusé et maintenant, fort heureusement, on en rigole. C’est pardonné ! Je ne me souviens pas avoir reçu de gifle, rien de marquant en tout cas. J’ai un petit garçon de 5 ans, je ne lui en ai jamais donné. Il faut dire qu’il m’aide tous les jours à la boulangerie !

Françoise Joulia, 65 ans, Aubignan (84). Enfant, je n’ai jamais reçu de gifle. J’ai toujours été gâtée, j’étais plutôt sage. Par contre, j’ai le souvenir d’une claque que j’ai donné à ma fille, elle m’en reparle encore aujourd’hui. Nous étions à la plage, elle devait avoir une dizaine d’années. Elle m’a fait une réflexion qui m’a vexée, concernant quelques boutons que j’avais dans le dos. Très léger comme sujet, je reconnais, mais c’est parti tout seul ! Maintenant, on en rigole souvent ensemble. Une loi pour interdire la claque ? C’est un peu trop je pense, quelques fois c’est nécessaire, tout dépend l’usage que l’on en fait.

Gérard Rodriguez, 66 ans, Toulouse, retraité. Je n’ai pas le souvenir d’avoir donné ou reçu des claques souvent. Si c’est le cas ça ne devait pas être fort, ça ne m’a pas marqué ! Je crois que c’est normal par contre de donner de temps à autre de petites fessées à ses enfants. Ces corrections, si elles se font, ne doivent pas être quotidiennes ni méchantes. Correction ne veut pas dire brutalité ! Malgré tout, je pense qu’il faut toujours privilégier le dialogue, la compréhension par la parole. Je pense qu’une loi pour interdire la claque serait un petit peu abusive, il faut savoir se modérer, tout simplement !

Avanie 28 ans, Toulouse. J’en donne tous les jours ! Plus sérieusement, les rares claques que je donne ne sont jamais sur le visage, ni violentes. Si quelques fois je donne des fessées à mon enfant de 4 ans, c’est toujours très doucement et sur les fesses. Jamais rien de violent ! C’est une forme d’autorité envers les enfants qui doit être utilisée à bon escient. Si après plusieurs réprimandes, il ne comprend toujours pas, je lui donne une petite tape sur les fesses. Il n’en a jamais pleuré ! C’est une façon de lui faire comprendre les limites. Pour ma part, je n’ai aucun souvenir de gifle, au point d’en parler encore aujourd’hui.

Recueilli par Merima Huseinbasic


Voir en ligne : Vers une loi anti-claque ?

Messages

  • Je ne suis pas sûre que la petite claque sans violence pour lui faire comprendre ne soit pas plus grave que la gifle qui part toute seule.

    Il y a peu de temps, ma belle fille presque en larmes m’a raconté qu’elle avait donné une gifle à sa toute petite fille qui lui avait fait mal en lui tirant les cheveux.

    Je lui ai donné mon opinion :
    L’agression physique n’est jamais un geste éducatif ( encore moins s’il est maîtrisé, "prémédité".)
    Son geste n’était qu’un geste réflexe, regrettable, mais pas dramatique non plus, à condition d’y mettre les mots dessus : " Je suis désolée, je ne voulais pas faire ça, j’ai eu mal et c’est parti tout seul. Mais je regrette, parce que je t’aime, et je n’ai surtout pas envie de te faire mal."

    Ce n’est pas un geste acceptable, on ne peut donc pas le justifier en tant que "pédagogique".
    Pas la peine non plus d’en faire une montagne.

    Et puis, les enfants n’apprennent pas qu’à travers les attitudes pédagogiques. Au contact des pairs ( et parfois des adultes !! ) ils apprennent parfois qu’une agression peut provoquer une réponse agressive.
    Et que les mots sont bienvenus pour réparer les dégâts.

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