Accueil > 2011 > avril > De TF1 à EDF, les liaisons dangereuses de Nicolas Hulot

De TF1 à EDF, les liaisons dangereuses de Nicolas Hulot

Lénaïg Bredoux | www.mediapart.fr | 15 Avril 2011

vendredi 15 avril 2011


Rien n’agace plus Nicolas Hulot. Vingt ans qu’il essuie les mêmes critiques, les mêmes suspicions et le même désaveu de la part d’écolos purs et durs. Avec sa candidature à la présidentielle, nul ne pouvait douter que la polémique resurgirait. Sa concurrente Eva Joly ne s’en est pas privée jeudi, affirmant que « l’écologie n’est pas consensuelle, qu’EDF et Areva ne sont pas des entreprises écologiques et qu’elles ont des intérêts particuliers qui ne sont pas l’intérêt général ». Une allusion claire aux multiples casquettes de son rival, à la fois animateur vedette de la première chaîne privée de France et à l’origine d’une fondation dont la majeure partie des ressources provient d’entreprises du CAC-40.


Cette fondation a d’ailleurs prévu de réunir un conseil d’administration extraordinaire ce vendredi pour prendre acte du départ de son fondateur et de son changement de nom. La Fondation Nicolas Hulot gardera son sigle (FNH) pour devenir Fondation pour la nature et l’homme, et changera de président. Le site sera aussi expurgé de toute mention du candidat, le matériel pédagogique, les cartes de visite et le papier à en-tête progressivement réimprimés, le logo modifié. Le tout pour un coût estimé à 20.000 euros par la directrice générale, Cécile Ostria.
Hulot lui ne quittera pas tout à fait la structure : il en est membre fondateur et ne peut donc démissionner de cette fonction. Mais, selon Ostria, « il va renoncer à son rôle d’administrateur pour une durée indéterminée, et ce à compter de vendredi. Il ne siégera pas et ne donnera pas procuration. Ça fera un siège vide ».
Tout un symbole pour une fondation intimement liée au nom du célèbre animateur depuis sa création en 1990. Il s’y est entouré de proches, voire d’amis, dont certains ont aussi franchi le pas de l’engagement politique, comme Annabelle Jaeger, ancienne de la FNH et conseillère régionale EELV en Paca. « Il y a vraiment une cour autour de lui, son esprit est partout, on l’appelle Nicolas, on le tutoie, même quand on ne le connaît pas... C’est à ça qu’on reconnaît les vraies stars », témoigne Frédéric Denhez, journaliste indépendant et ancien collaborateur de la FNH.
L’actuelle directrice générale, Cécile Ostria, est bien consciente de cette Hulot-dépendance. « On sera pas écoutés de la même façon, il faut pas se leurrer. Le départ de Nicolas ne sera pas neutre », explique-t-elle. « Jusqu’à présent, la fondation a vécu sur la popularité d’une personne, même si elle s’est étoffée en matière de compétences ces dernières années », avance aussi le concurrent Greenpeace France, par la voix de son directeur général Pascal Husting.

Mais c’est surtout la manne financière qui pourrait se tarir. « On se pose la question. On a ouvert un livre d’or en appelant au soutien de la fondation. Le gros point d’interrogation porte sur les particuliers, on verra dans six mois », explique Cécile Ostria. Elle a reçu quelques messages – « qui se comptent sur les doigts d’une main » – de donateurs qui ne veulent plus payer pour la fondation. Elle attend aussi les réponses des ministères pour les subventions publiques. Mais le mécenat, lui, semble assuré.
Hulot a fait la tournée de ses partenaires privés avant d’annoncer sa candidature, « Vinci, EDF ou L’Oréal », énumère la fondation, pour s’assurer qu’ils continuent à financer la FNH. « Les gros partenaires se sont déjà engagés pour la suite et aucun ne va rompre les accords en cours. On en a même de nouveaux qui arrivent », explique Cécile Ostria. Les discussions sont ainsi bien avancées pour un partenariat de cinq ans avec Veolia.

Les mécènes du CAC 40
L’enjeu est vital pour la FNH qui, dès ses débuts, s’est essentiellement financée grâce aux dons d’entreprises privées, y compris quand elles étaient de gros pollueurs. Rhône-Poulenc – dont l’ancien directeur de la communication, André de Marco est actuellement conseiller auprès de la direction de la FNH –, Alstom ou Norauto ont compté parmi les mécènes. Actuellement, trois « fondateurs » siègent au conseil d’administration – EDF, L’Oréal et TF1.
On retrouve aussi parmi les donateurs les autoroutes Vinci, Bouygues Telecom, les hôtels Ibis ou les piles Duracell. Les publicitaires sont aussi très présents, comme Publicis ou JCDecaux. Le vice-président de la FNH, appelé à prendre la succession de Hulot dès vendredi, Pierre Siquier, est aussi le patron d’une agence de pub, Ligaris, et ancien du secteur TBWA Corporate. Au total, les entreprises portent « 70% » du budget d’environ 5 millions d’euros en 2010 (le reste étant pris en charge par les dons et legs des particuliers (18%) et par les subventions publiques (12%), selon la FNH).
Mais c’est aussi là que le bât blesse pour Nicolas Hulot, accusé par les partisans de la décroissance d’être lié au CAC-40 (voir le pacte contre Hulot), mais aussi par Corinne Lepage par exemple, auteure en 2007 d’une tribune acerbe sur le journaliste-aventurier. L’animateur d’Ushuaïa est, en vrac, accusé d’avoir longtemps été silencieux sur le nucléaire (sa priorité a longtemps été la diminution des énergies carbonées), sur les industries chimiques ou le pétrole, et d’être bien mou sur le contrôle de la publicité.
Sa fondation a d’ailleurs été épinglée dans un rapport parlementaire récent, consacré aux associations de protection de l’environnement. Coécrit par la socialiste Geneviève Gaillard et l’UMP Jean-Marie Sermier, il ne remet pas en cause le principe du mécenat d’entreprises mais s’en prend à la présence de certains groupes au conseil d’administration de la FNH.
« EDF est une entreprise de pointe dans le secteur nucléaire. Quant à L’Oréal, elle est classée parmi les groupes de cosmétiques dont les produits font l’objet de test sur les animaux, au grand désarroi des opposants à la vivisection. Dès lors, comment interpréter, par exemple, la position très mesurée de Nicolas Hulot sur l’énergie nucléaire ? Quel poids donner à sa parole sur les activités principales de ses deux administrateurs, dont vos rapporteurs ont appris que l’un d’eux finance la fondation à hauteur de 10 % de ses ressources ? », écrivent les députés.


La Fondation a répondu en détail, démentant l’expérimentation animale chez le géant des cosmétiques et jurant qu’« à aucun moment, notre liberté de parole ou d’action n’a été soumise à des tentatives d’influence de nos partenaires ». Quant à eux, les deux parlementaires, interrogés par Mediapart, persistent et signent et prévoient d’approfondir leur mission d’information dans les mois qui viennent.
Hulot sur France Inter jeudi matin s’est de nouveau défendu : « Lorsqu’on crée une fondation (...) il faut des moyens pour agir. Les moyens, soit vous en avez dans votre fortune personnelle, soit vous allez toujours frapper au porte-monnaie des Français, soit vous allez demander aux entreprises de contribuer à cette mission pour peu que votre indépendance ne soit jamais prise en défaut. Et mon indépendance n’a jamais été mise en défaut. »
Beaucoup de ceux qui ont approché Hulot en conviennent. Husting de Greenpeace France, qui s’enorgueillit pourtant de ne jamais faire appel à la générosité des entreprises, affirme qu’il « n’a jamais eu l’impression que les partenaires financiers avaient une quelconque emprise sur les principales lignes directrices de la FNH ». D’ailleurs, rappelle-t-il, « Hulot compte aujourd’hui parmi les écologistes les plus radicaux. Il vient d’un monde bling bling et il a évolué vers un monde critique ».
« Pour faire de grosses campagnes, l’argent des particuliers ne suffit pas. L’appel aux entreprises est la seule solution, avance de son côté Arnaud Gossement, avocat et ancien porte-parole de France nature environnement (FNE). Il peut bien sûr arriver qu’une entreprise fasse comprendre au président ce qu’elle souhaite... Y’a des coups de fil, c’est sûr, mais après, dans les faits ? La FNH a-t-elle fait un truc pour EDF ? » Certes Hulot a longtemps été sur la réserve au sujet du nucléaire, mais il a évolué, se défend-il aujourd’hui.
La FNH a toutefois connu quelques déboires avec ses sponsors. Ainsi, elle a mis fin à un partenariat avec la marque Repère de Leclerc en 2006 : « On ne s’est pas entendus », explique Cécile Ostria. Notamment parce que la FNH refusait de voir son logo ou la bouille de Hulot sur des produits de la marque et que Leclerc refusait de distribuer un guide pour les consommateurs, où figurait une défense du commerce de proximité.
Les royalties et TF1
Mais les liens de Hulot avec le monde des affaires ne s’arrêtent pas là. Ils commencent même ailleurs, en l’occurrence avec TF1, dans l’exercice même de son métier d’animateur d’Ushuaïa. Pour quatre émissions par an, il touche un salaire de 30.000 euros par mois « environ », selon un de ses proches, l’avocat Pascal Durand. Les discussions sont toujours en cours avec la chaîne – elles ont parfois été très tendues – mais le principe est acté : Hulot ne présentera plus son émission fétiche et ne touchera plus un centime – du moins le temps de la campagne. « Tout revenu est interrompu et la forme juridique est en train d’être définie », a-t-il expliqué jeudi. Il pourrait bénéficier d’un congé sans solde.


Reste la question de tous les produits dérivés Ushuaïa, des gels douche aux lunettes, en passant par certains modèles de voiture (sic), la chaîne de télé dédiée (Ushuaïa TV) et même un magazine du même nom. Au total, 17 contrats de licence ont été signés par TF1, propriétaire de la marque, selon la journaliste Bérengère Bonte dans son livre Sain Nicolas.
En vingt ans, Ushuaïa est devenue une véritable machine à cash pour la chaîne privée, à qui la griffe rapportait 100 millions d’euros par an en 2005, mais aussi pour l’animateur, qui touche des royalties. Lui jure n’avoir jamais demandé à les percevoir, ni n’avoir rien négocié.
Mais, selon plusieurs sources, il s’agit plutôt d’un deal entre TF1, qui voulait financer les émissions très coûteuses, l’animateur, qui voulait les présenter, et les industriels, dont certains sont devenus – en échange, en quelque sorte – les bailleurs de fonds de la FNH. C’est notamment le cas de L’Oréal, qui commercialise les gels douche Ushuaïa et compte parmi les « fondateurs » de la Fondation.
Au final, Hulot amasse ses royalties – estimées à « 250.000 euros les bonnes années », selon Durand – et ses droits d’auteur (pour ses livres ou ses films) dans une petite société – Eole Conseil –, domiciliée dans le XVIe arrondissement de Paris et dont il détient 4.127 parts sur 4.131. Les quatre restantes sont détenues par deux de ses proches, selon les statuts disponibles au tribunal du commerce.
La pratique est loin d’être exceptionnelle. Pendant plusieurs années, Hulot s’est d’ailleurs plié aux règles de transparence fixées par la loi et a régulièrement publié les comptes d’Eole –du nom de son chien décédé – auprès du tribunal. Ainsi en 2009, le chiffre d’affaires a progressé de près de 6% sur un an, à 714.917 euros, pour un bénéfice net de 393.039 euros. Au total, la situation nette de la société atteignait au 31 décembre 2009 2.440.185 euros.
Mais pour 2010, le bilan n’est pas disponible. Pas plus que pour l’année 2007, quand Hulot avait envisagé se présenter à la présidentielle avant d’y renoncer. La journaliste Bérengère Bonte note d’ailleurs qu’au fil des années, les documents publiés par Eole sont « plus elliptiques ». « Visiblement Hulot change progressivement de stratégie concernant la transparence de son business », écrit-elle. « C’est une drôle de coïncidence... Que fait-il de son argent ? L’utilise-t-il pour financer ses activités politiques ? », s’interroge un militant écologiste, sous couvert d’anonymat. 
Hulot promet que les royalties qu’il touchera le temps de la campagne seront intégralement reversées à des ONG. Et l’avocat Pascal Durand promet que les comptes 2010 seront publiés avant le 30 juin, la limite légale (sous peine d’amende). Il insiste : « Il y a beaucoup de fantasme autour de tout cela. C’est un salarié qui gagne très très bien sa vie, mais il est resté salarié, il n’a pas une société commerciale, il ne fait pas de business. Il ne vit pas dans le monde du fric. Le Nicolas que je connais n’a rien à voir avec les premiers cercles. » Il navigue en revanche parfois dans les mêmes eaux.


Voir aussi :
NICOLAS BERTRAND CANDIDAT A L’ELECTION PRESIDENTIELLE !

Après avoir longuement hésité, dit oui, puis non, peut-être que oui, mais sans doute non, et enfin oui, Nicolas Bertrand lance finalement aujourd’hui sa candidature à l’élection présidentielle !

Retrouvez sans attendre la déclaration de Nicolas Bertrand sur le site du Contre-Grenelle de l’environnement :

www.contre-grenelle.org/


Vidéo


Nicolas Bertrand / mix de Nicolas Hulot et Yann... par lyon_videos_fr


Voir en ligne : De TF1 à EDF, les liaisons dangereuses de Nicolas Hulot

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.