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Contamination au Japon - Infos CRIIRAD

Corinne Castanier | criirad.org | Dimanche 20 mars 2011

dimanche 20 mars 2011

COMMUNIQUE

Voir tableau de résultats et carte de localisation sur www.criirad.org

Cela fait plus d’une semaine que la centrale nucléaire de FUKUSHIMA DAIICHI rejette des produits radioactifs dans l’atmosphère. Les premières analyses de produits alimentaires révèlent des niveaux de radioactivité très élevés dans des épinards et dans du lait (chiffres officiels). Les normes sont largement dépassées et les produits concernés doivent impérativement être retirés du marché. Il faut d’ailleurs aller plus loin et conseiller aux habitants des zones affectées de ne pas consommer de produits à risque (inutile de les analyser) et les approvisionner en aliments non contaminés. Les résultats relatifs aux épinards sont d’autant plus inquiétants que la zone de prélèvement est située entre 80 et 120 km au sud de la centrale (préfecture d’IBARAKI).

JAPON : chronique d’une contamination annoncée

La contamination de l’air a été presque totalement passée sous silence malgré les appels répétés de la CRIIRAD qui avait une nouvelle fois lancé l’alerte après avoir découvert les niveaux d’iode et de césium mesurés à Tokyo le 15 mars.

Elle a évidemment provoqué, tout au long de la semaine écoulée, des dépôts au sol : des dépôts dits secs qui ont été intensifiés partout où la neige et/ou la pluie sont tombés, lessivant les masses d’air contaminé et précipitant au sol les particules radioactives et les gaz solubles comme l’iode.

Les végétaux ont bien évidemment intercepté ces retombées radioactives. Les végétaux à larges feuilles (et donc à larges surfaces de captage) font partie des aliments à risque. On trouve classiquement parmi les légumes les plus contaminés les blettes, épinards, salades, poireaux… Ces aliments ont commencé à être contaminés dès samedi 12 mars, en tout cas dans les zones voisines de la centrale de Fukushima Daiichi.

Les aliments contaminés de façon indirecte – comme le lait, le fromage et la viande – l’ont été avec quelques jours de décalage : en effet, le bétail broute l’herbe contaminée et les radionucléides présents sont métabolisés et fixés dans les organes : les isotopes radioactifs de l’iode (131, 132) se retrouvent préférentiellement dans la thyroïde des animaux mais aussi, et c’est plus préoccupant, dans le lait ; le césium est présent dans le lait mais également dans les muscles (et donc la viande).

Des niveaux d’iode 131 très élevés dans les épinards

Tout au long de la semaine écoulée, la CRIIRAD a recherché les résultats disponibles (débits de dose, activité de l’air, dépôts au sol, contamination de l’eau, des aliments). Quelques résultats, très parcellaires, ont été trouvés au cours des 3 derniers jours attestant notamment de la contamination de l’eau mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’ont été collectés des résultats sur la contamination des aliments.

Certains sont très élevés et confirment que l’inquiétude de la CRIIRAD était malheureusement fondée. Nous avons reproduit sur notre site internet les résultats d’analyses d’épinards et d’oignons verts prélevés sur 7 communes de la circonscription d’IBARAKI située à près de 100 km au sud de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Une carte de localisation permet de repérer les différents points de prélèvement.

 • Dans les épinards, l’activité de l’iode 131 varie de 6 100 Bq/kg à 15 020 Bq/kg.
Les 7 échantillons présentent des niveaux de contamination de 3 fois à près de 8 fois supérieurs à la limite de 2 000 Bq/kg en vigueur au Japon1 . L’activité est moins élevée dans les oignons verts mais elle atteint quand même plusieurs centaines des Bq/kg : de 114 à 686 Bq/kg.
 • L’activité des césiums 134 et 137 varie de 140 à 524 Bq/kg dans les épinards mais restent inférieures à 10 Bq/kg dans les oignons. Un seul échantillon dépasse la limite de 500 Bq/kg définie pour l’activité totale des isotopes du césium.

Les épinards ne sont évidemment pas le seul aliment touché : l’iode se retrouve dans l’ensemble de la chaîne alimentaire (cf. résultats sur les oignons verts) et notamment dans le lait et le fromage frais.

L’analyse de 3 échantillons de lait prélevés entre le 16 et le 18 mars dans la circonscription de FUKUSHIMA
révèle des teneurs en iode 131 de :

Les niveaux de contamination conduisent au dépassement de la limite de 1 mSv/an

Les activités mesurées dans le lait et les épinards sont suffisamment élevées pour que l’ingestion de quantités limitées de produits conduise au dépassement de la limite de dose maximum admissible de 1 mSv/an (limite de dose pour la population).

Dans le tableau ci‐dessous, nous avons calculé, sur la base des coefficients de dose efficace reconnus au niveau international, l’activité d’iode 131 (en Bq) qui, si elle est ingérée, délivre à l’organisme une dose égale à la limite de dose maximum admissible de 1 mSv/an.

Les valeurs sont plus basses pour les enfants, notamment du fait des particularités anatomiques : une même activité ingérée délivre une dose supérieure étant donné que la dose correspond à l’énergie délivrée par unité de volume et que leurs organes sont plus petits. Il suffit qu’un enfant en bas âge ingère 5 000 Bq d’iode radioactif pour qu’il reçoive une dose de 1 mSv ; pour un adulte, la quantité nécessaire est 8 fois supérieure (45 500 Bq).

Si une famille de la circonscription d’IBARAKI consomme des épinards à 15 000 Bq, il suffira qu’un jeune enfant en ingère 370 g, un enfant de 10 ans un peu plus d’un kg et un adulte 3 kg pour atteindre en quelques repas, quelques jours la limite annuelle.

En réalité, la limite sera atteinte beaucoup plus vite puisque étant donné qu’il faut comptabiliser les apports en iode 131 de l’ensemble des aliments.

Sans compter que l’iode 131 n’est pas le seul radionucléide présent : il faut tenir compte de la contribution de tous les autres radionucléides (en tout cas les plus significatifs sur le plan sanitaire) : césium 137, du césium 134, iode 132. L’ingestion de ces radionucléides conduit elle aussi à une irradiation interne qui augmente la dose. Il faut également déterminer si les rejets radioactifs contenaient du tritium ou du strontium 90, radionucléides qui nécessitent des dosages spécifiques. Il faudrait également savoir si des transuraniens (plutonium notamment) sont présents dans les retombées, en quelles quantités et jusqu’à quelle distance.

S’ajoute à cela le fait que les habitants des zones contaminées ont inhalé (et continuent d’inhaler) de l’iode 131 et tout le cocktail de produits radioactifs présents dans les rejets de Fukushima Daiichi. Si, par exemple, une personne a déjà reçu 0,3 mSv du fait des produits radioactifs qu’elle a incorporés en respirant l’air contaminé, elle aura déjà atteint 30% de la limite. Le dose reçue du fait de l’ingestion d’aliments radioactifs ne devra pas dépasser 0,7 mSv. . Ces valeurs sont de 3 à 5 fois supérieures
à la limite de 300 Bq/kg définie pour l’iode 131 dans le lait.

Pour évaluer le risque sanitaire, il faut additionner les doses reçues du fait de l’exposition externe (irradiation à partir des panaches radioactifs et des produits radioactifs qui se sont déposés au sol) et de l’exposition interne : principalement l’inhalation de gaz et d’aérosols radioactifs et l’ingestion d’aliments contaminés. Pour l’inhalation comme pour l’ingestion, il faut tenir compte de tous les produits radioactifs.

Il faut aussi considérer l’exposition dans le temps : ajouter les doses reçues depuis plus d’une semaine (dont on ne sait pratiquement rien) et anticiper les doses à venir (la radioactivité ne disparaît pas en quelques jours, et ce d’autant plus que les rejets de radioactivité continuent).

Au vu des doses associées à la consommation d’un seul radionucléide dans un seul aliment (cas de l’iode 131 dans les épinards), on comprend que la mise en œuvre de mesures de protection est indispensable. Il est impératif que les aliments qui dépassent les normes de contamination soent identifiés et éliminés ou retirés de la consommation.

Respecter les normes ne suffit pas

Cette mesure ne suffira pas à assurer la protection des personnes. Les normes de contamination des aliments en situation accidentelle sont trop élevées. Il faut orienter la consommation des habitants vers des aliments non ou peu contaminés (lait en poudre à la place du lait frais par exemple) ; leur donner des informations fiables sur les précautions à prendre (rappeler par exemple qu’il ne suffit pas de laver une salade pour la débarrasser des radionucléides qui s’y sont déposés car ils sont rapidement métabolisés par la plante, rendant le lavage inefficace).

Il est évident que la mise en œuvre de mesure de protection est, dans le contexte actuel, excessivement difficile. La communauté internationale doit se mobiliser pour apporter au Japon toute l’aide nécessaire pour limiter au maximum l’impact de la contamination environnementale. Un effort tout particulier doit être fait pour les enfants, les femmes enceintes et celles qui allaitent leur enfant.

REPERE 1 : les normes de contamination des aliments en vigueur au JAPON

g

REPERE 2 : comparaison n’est pas raison

En situation d’accident nucléaire ou de pollution radioactive, la communication officielle recourt généralement aux comparaisons avec les doses susceptibles d’être reçues du fait de la radioactivité naturelle ou de l’irradiation médicale. Cette démarche mise sur le fait que le public méconnait le plus souvent les risques qui leur sont associés. Sans entrer dans de longs développements, rappelons seulement :

1/ que le radon, gaz radioactif naturel, est la deuxième cause de cancer du poumon après le tabac (et la première cause de cancer du poumon pour les non‐fumeurs). Le risque est avéré pour des concentrations inférieures à 200 Bq/m3 (soit une dose corps entier de quelques mSv/an).

2/ qu’un scanner délivre au patient une dose de plusieurs mSv (variable selon le type d’examen) et que la réglementation impose que ces examens soient strictement justifiés et que les doses soient réduites au maximum. Le surcroît de risque est – doit être – justifié par le bénéfice que le patient en retire.

Voir ci‐après une dépêche AFP du 16 décembre 2009 pour les références de deux études récentes.

Contact : Corinne Castanier


Notes
1
Il s’agit très probablement de limites provisoires s’appliquant en cas d’accident nucléaire ou d’urgence radiologique.


Transmis par Maryvonne B

Sun, 20 Mar 2011 22:34:50 +0100

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