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Sarkophonie - Dissection dyslexique du discours réactionnaire

Rafaële Arditti | MatadorCie | 15 févr. 2011

mardi 15 mars 2011

Entre les présidentielles et les législatives, le gendarme, devenu président de la République, cherche à convaincre les derniers indécis de lui donner une majorité...

Il a un défaut de langage : une dyslexie qui le fait glisser d’un sens à l’autre, faisant apparaître à son insu la face cachée du discours.

Rafaële Arditti présente ici un solo original et surprenant qu’elle a écrit à partir d’un vrai discours présidentiel.

Clown et auteur : Rafaële Arditti
Regard extérieur : Noémie Lefebvre
Bande-son : Delphine Baudet, Eugénie Barbezat


Censure d’un spectacle parodiant les discours de Sarkozy

Par Chloé Leprince | Rue89 | 15/03/2011 | 12H49

En Rhône-Alpes, la Drac (Direction régionale aux affaires culturelles) craint le crime de lèse-Sarkozy. Un de ses agents a fait du chantage aux subventions à une association grenobloise qui organise un festival de théâtre de rue depuis dix ans.

Festiv’arts ne dépend pas à l’année des subventions publiques. Mais l’association, qui prépare la dixième édition de son festival pour avril, avait répondu à un appel d’offre du ministère de la Culture dans le but de financer un festival off consacré aux jeux de mots. Cet événement aurait rejoint la programmation officielle de la Semaine de la francophonie. Lorsque Festiv’arts envoie son budget prévisionnel fin décembre, la Drac Rhône-Alpes promet de s’engager à hauteur de 3 000 euros.

L’occasion – « alors que c’est de plus en plus rare » – de financer une vingtaine de personnes et de rémunérer tous les artistes et les techniciens avec des cachets de plus de 75 euros, résume Auriane Faure, l’organisatrice.

Pour la Drac, « un objet non-identifié »

Conteurs, sérigraphiste, graffeurs étaient donc attendus sur deux jours, mais surtout une comédienne-metteur en scène, Rafaëlle Arditti, qui a construit son spectacle autour d’un discours de Nicolas Sarkozy. Ce spectacle s’appelle « Sarkophonie, dissection dyslexique du discours réactionnaire ». (Voir la vidéo)

C’est ce spectacle qui devait être le clou du off de la francophonie. Mais la Drac a mis en garde l’association après avoir eu vent de la programmation d’un spectacle : s’ils maintenaient Rafaëlle Arditti et sa compagnie Matador, la subvention avait toutes les chances de leur passer sous le nez.

Rue89 a pu consulter l’e-mail envoyé à l’association Festiv’arts par le cadre en charge du dossier à la Drac. Il ne cache pas sa frilosité pour un spectacle sarcastique vis-à-vis du chef de l’Etat :

« En ce qui concerne la programmation, je vois surgir un objet non-identifié qui m’a l’air d’être une charge contre le président de la République. Je n’ai rien contre un point de vue citoyen, mais on ne peut pas demander au ministère de la Culture de subventionner n’importe quoi… »

N’importe quoi ? Rafaëlle Arditti est une comédienne professionnelle de 35 ans. Elle a de nombreuses années de théâtre d’improvisation et de clown à son actif. Et notamment un personnage récurrent, un gendarme un peu dictateur, qu’elle a peaufiné au fur et à mesure parce qu’elle avait « un intérêt personnel, lié à mon histoire familliale, pour la figure de l’oppresseur, du dictateur, le fantasme de toute puissance ».

Quatre hommes politiques parodiés, dont Sarkozy

En 2004, elle décide de donner à son gendarme un vrai spectacle. Pour cela, elle reprend les discours sur la sécurité et l’emploi (« des discours réactionnaires », dit-elle) de quatre hommes politiques : Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur), Jacques Chirac, Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen.

Le principe : prendre leurs mots, jouer avec et les mélanger aux mots « auxquels ces hommes politiques pensent vraiment » pour dénoncer démagogie, double-discours de la classe politique. La France devient « la Rance », il faut « incarchérer les adolinquents ».

Le spectacle ne tourne pas si mal, une centaine de dates au total. Puis Nicolas Sarkozy est élu en 2007 à la présidence de la République. Elle décide de faire évoluer son spectacle. Elle choisit son discours du Havre, durant la campagne pour les législatives, juste après son arrivée à l’Elysée, et reprend son procédé :

« C’est que c’est loin d’être le discours le plus excessif. Il est presque modéré, ce qui me permettait de faire mes transformations, alors que les discours les plus “trash” parlent d’eux-mêmes. J’ai ensuite analysé sa politique secteur par secteur pour être plus précise, et le spectacle a vu le jour en 2008. »

Plus de 2 500 personnes entre Aurillac et Avignon

Depuis, il a un peu tourné ; les éditions Bérénice ont publié le texte et entre 2 500 et 3 000 personnes ont vu le spectacle à l’été 2010 rien qu’à Aurillac et à Avignon, où il était présenté dans le cadre du off. Mais les salles qui le programment restent rares :

« Ce qui est intéressant avec le retrait de la Drac, c’est que c’est la partie émergée de l’iceberg qu’on découvre soudain. Mais souvent j’ai remarqué que des programmateurs venaient me parler après le spectacle, me féliciter, me dire qu’ils souhaitaient me programmer… et puis on passe les commissions mais bizarrement, ça bloque à la dernière. Beaucoup s’autocensurent. »

Festiv’arts a décidé d’annuler sa participation à la semaine de la francophonie. Parce qu’elle craignait un désinvestissement total de la Drac sur l’événement off. Mais aussi parce qu’il n’était « tout simplement pas envisageable » de déprogrammer Rafaëlle Arditti. La comédienne a toutefois promis aux organisateurs de venir se produire, avec ce fameux spectacle, à Grenoble. Gratuitement.


Voir en ligne : Censure d’un spectacle parodiant les discours de Sarkozy

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