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Faux amis… et vrais enne­mis

A propos de la campagne contre la lapidation de Sakineh Ashtiani - publié par Camille Boudjak - 25 août 2010

vendredi 27 août 2010

Nous n’avons pas attendu l’appel de Bernard-Henri Levy pour nous mobi­li­ser contre la lapi­da­tion, la peine de mort et plus lar­ge­ment contre la République Islamique d’Iran. Pour les cama­ra­des ira­nien(ne)s cela fait 31 ans que le combat est mené, dans les rues, les usines et les uni­ver­sités des gran­des villes, dans les mon­ta­gnes du Kurdistan ou en exil. Ce combat n’est pas une lutte natio­na­liste, mais entre dans une lutte plus géné­rale pour l’éman­ci­pation de l’huma­nité. Et cette lutte pour l’éman­ci­pation de l’huma­nité se dirige non seu­le­ment contre le régime de la République Islamique d’Iran mais plus géné­ra­lement contre l’ensem­ble des diri­geants de cette planète, qu’ils oppri­ment et exploi­tent sous le dra­peau de la reli­gion, la ban­nière étoilée ou le fanion tri­co­lore.

Depuis les mani­fes­ta­tions insur­rec­tion­nel­les du mois de juin 2009, et même avant depuis la contre-révo­lution isla­mi­que qui a brisé et réprimé le for­mi­da­ble élan popu­laire et les conseils ouvriers de la révo­lution de 1978-1979, nous avons tou­jours rap­pelé notre oppo­si­tion résolue à toute inter­ven­tion mili­taire ou sanc­tions éco­no­miques contre l’Iran. Loin d’être en guerre contre l’Iran, nous sommes soli­dai­res de sa popu­la­tion, de ses femmes et de sa classe ouvrière qui lut­tent pour en finir avec 31 ans de bar­ba­ries, d’exé­cutions, d’apar­theid sexiste, de misère et d’oppres­sion.

BHL est connu pour avoir sou­tenu toutes les aven­tu­res mili­ta­ris­tes des Etats occi­den­taux, des bom­bar­de­ments sur la Yougoslavie et leurs « dom­ma­ges colatéraux » à l’occu­pa­tion de l’Afghanistan et de l’Irak. Pour ne pren­dre que ces deux pays, il est facile de cons­ta­ter que l’occu­pa­tion impér­ial­iste, non seu­le­ment a ajouté à la popu­la­tion les souf­fran­ces de la guerre, mais n’a en rien favo­risé les droits humains en général et les droits des femmes en par­ti­cu­lier. En Irak, c’est sous l’oeil bien­veillant des trou­pes d’occu­pa­tion amé­ric­aines que la Charia est entrée dans la lég­is­lation, quant à l’Afghanistan, c’est bien Karzaï, chef de l’actuel République Islamique d’Afghanistan (c’est le nom offi­ciel de ce régime), qui, il y a un an, a ins­tauré des lois dis­cri­mi­na­toi­res dignes des Talibans à l’encontre des femmes chii­tes, leur inter­di­sant de sortir du domi­cile sans l’auto­ri­sa­tion du mari ou du gar­dien et léga­lisant le viol conju­gal. C’est ce même gou­ver­ne­ment Karzaï qui, aujourd’hui cher­che l’alliance avec une frac­tion des Talibans alors même que, réc­emment, on appre­nait qu’un couple avait été lapidé dans le nord du pays. Une inter­ven­tion mili­taire contre l’Iran, non seu­le­ment est humai­ne­ment inac­cep­ta­ble vu ce qu’elle signi­fie­rait pour nos soeurs et frères de classe qui vivent dans ce pays, mais serait le meilleur cadeau qui pour­rait être fait au régime. Depuis tou­jours, nous avons pro­clamé que la seule solu­tion, à la fois humaine et radi­cale, pour en finir avec 31 années de réaction moyen-âgeuse en Iran, c’est la révo­lution. Et pour accom­plir cette révo­lution, la classe ouvrière et plus géné­ra­lement la popu­la­tion ira­nienne peut certes comp­ter sur les tra­vailleu­ses et les tra­vailleurs du monde entier, mais en aucun sur les Etats exis­tants, quels qu’ils soient. Rappelons qu’en 1991, à la fin de la guerre du Golfe, les Etats-Unis et leurs alliés ont donné les moyens à Saddam Hussein pour rép­rimer l’insur­rec­tion ouvrière au Kurdistan. Les Etats peu­vent se cha­mailler et même se faire la guerre, ce qu’ils crai­gnent le plus au monde, c’est jus­te­ment la rév­olte des exploité(e)s, où que ce soit.

Et parmi les récents « sou­tiens » de poli­ti­ciens à Sakineh, on ne peut que sou­li­gner l’hypo­cri­sie de ceux qui, non seu­le­ment cher­chent ainsi à faire oublier leur propre poli­ti­que inhu­maine, mais qui ont été ou sont encore aujourd’hui des sou­tien des réacti­onn­aires reli­gieux lors­que cela sert leurs intérêts. Giscard d’Estain, par exem­ple, est sorti de sa retraite. Mais qui était pré­sident de la République Française lors­que Khomeiny était hébergé à Neauphle-le-Château dans la ban­lieue pari­sienne et lui a offert le concours d’Air France pour retour­ner en Iran briser la révo­lution popu­laire de 1978-1979 ? C’est lui aussi qui, se fai­sant le pro­mo­teur de la stratégie des « démoc­raties occi­den­ta­les » au Moyen-Orient afin d’y briser les luttes pro­gres­sis­tes avait déclaré en 1980 « Pour com­bat­tre le com­mu­nisme nous devons lui oppo­ser une idéo­logie. À l’Ouest, nous n’avons rien. C’est pour­quoi nous devons appuyer l’islam ». Et, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et les régimes poli­ciers de la région ont tous appuyé l’isla­misme poli­ti­que, en Iran, en Afghanistan, au Pakistan et ailleurs, comme force de frappe pour briser les aspi­ra­tions à la liberté et à l’égalité des femmes et des hommes de cette région.

Au nom des droits humains uni­ver­sels des femmes et de l’éman­ci­pation de l’huma­nité, nous refu­sons l’apar­theid sexiste, que ce soit en Iran ou ailleurs. Et voilà que Clara Burni (1) déc­lare « sachez que mon mari (c’est-à-dire Sarkozy) plai­dera votre cause sans relâche et que la France ne vous aban­don­nera pas. » La France, par contre, par son sou­tien mili­taire au gou­ver­ne­ment Karzaï, a déjà aban­donné les femmes d’Afghanistan et, par la voix du même Sarkozy, les femmes d’Arabie Saoudite qui subis­sent le pire apar­theid sexiste au monde. En jan­vier 2008, à Riyad, c’est bien Sarkozy qui pro­cla­mait son amour de la monar­chie obs­cu­ran­tiste et miso­gyne et de son roi, allant jusqu’à dire « L’Arabie Saoudite et la France n’ont pas seu­le­ment des intérêts en commun. Elles ont aussi un idéal commun. » Et cette même France, aban­don­nera à n’en pas douter Sakineh dès lors que ses conflits diplo­ma­ti­ques avec l’Iran seront réglés.

Depuis tou­jours nous com­bat­tons la lapi­da­tion, la peine de mort et l’oppres­sion des femmes. Nous avons tou­jours refusé et conti­nuons de refu­ser d’accep­ter l’apar­theid sexiste au nom du rela­ti­visme cultu­rel ou de « l’anti-impér­ial­isme », mais de la même façon, nous ne pou­vons que dén­oncer l’hypo­cri­sie de ceux qui sont de faux amis et de vrais enne­mis. Et c’est bien pour les mêmes rai­sons que nous com­bat­tons à la fois Ahmadinejad et Sarkozy, Poutine et Obama, et fina­le­ment tous les diri­geants de ce monde, pour en cons­truire un autre, où chaque être humain aura une vie digne du 21e siècle… et la révo­lution en Iran n’est pour nous qu’une étape vers l’éman­ci­pation de l’huma­nité. Une révo­lution ouvrière vic­to­rieuse en Iran nous ser­vi­rait de point d’appui pour la néc­ess­aire révo­lution en Europe et par­tout ailleurs.

Camille Boudjak

(1) Clara Burni déc­lare : « En France, les enfants appren­nent à l’école que la clém­ence est la prin­ci­pale vertu des gou­ver­nants »… on est tenté de dire que s’ils l’appren­nent peut-être à l’école, ils pren­nent très vite cons­cience, sur­tout si leurs parents sont sans-papiers ou roms, que la clém­ence des gou­ver­nants s’appli­que bien sou­vent, en effet, pour les poli­ti­ciens cor­rom­pus, qu’elle permet aux Papon de ne pas crever en prison… mais qu’elle est inexis­tante pour les prolét­aires de ce pays comme par­tout. Mais il y a-t-il réel­lement des ensei­gnant(e)s assez naïfs pour raconter de telles niai­se­ries aux enfants ?


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