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Un spécialiste du « care » au chevet de la pensée de Nicolas Hulot

Gérald Andrieu | marianne2.fr | Lundi 7 Février 2011

mercredi 9 février 2011

Le présentateur d’Ushuaïa « consulte » des experts en vue de sa possible candidature à la présidentielle. Mais de qui s’agit-il ? Quelles sont leurs idées ? À quoi pourrait ressembler le programme de Nicolas Hulot qui découlerait de ces rencontres ?

(photo : Olivier Tétard - Wikimedia commons - cc)

Le très hésitant Monsieur Hulot « consulte ». Son entourage le répète à longueur de colonnes de journaux. Mais sans que les noms de ces fameux experts sollicités par l’écolo héliporté ne soient jamais mentionnés. De quoi permettre à ceux qui s’opposent à sa candidature et soutiennent celle d’Eva Joly de le clouer au pilori avant même que ne soit avancé le commencement d’une idée politique. « Il n’est pas de gauche », disent-ils. « Il lui faudra s’opposer clairement à Nicolas Sarkozy. En est-il capable ? », s’interrogent-ils.

Serge Guérin

Pourtant, le curriculum vitae de ces « experts » peut apporter un avant-goût ou, du moins, un début d’éclairage sur ce que pourrait être le programme de Nicolas Hulot s’il se décide à arrêter de faire sa mijaurée façon DSK. Parmi eux, il y a Serge Guérin, élu écologiste au Conseil régional d’Île-de-France et sociologue à la vie civile (1). Sa spécialité ? Ceux que l’on nomme désormais en novlangue les « seniors » (2). Mais pas seulement. Guérin est aussi un défenseur du care, cette fameuse (ou fumeuse ?) théorie dont s’est récemment entichée la Première secrétaire du PS, Martine Aubry. Pour Serge Guérin, le care a beau avoir été « un peu moquée » dans les médias et présentée comme une « calinothérapie », il « peut être le fil conducteur d’une vraie politique » et même « constituer un programme » à part entière. Mais Hulot ne l’a pas approché pour faire sienne cette théorie-là. En tout cas, il n’en est pas encore question, même si Guérin ne désespère pas de réussir à le convaincre.

Notre homme a rencontré Nicolas Hulot pour la première fois en décembre dernier et a été missionné pour « monter, confie-t-il, une série de rencontres avec des experts autour de la question sociale ». Des réunions en comité très restreint organisées sur une péniche (c’est d’un chic !) amarrée en plein cœur de Paris et propriété d’un ami de Nicolas Hulot, Gérard Feldzer alias le très médiatique spécialiste des crashs d’avions. Deux rencontres ont déjà eu lieu sur les thèmes de la pauvreté et de la dette. La prochaine portera sur le logement. Ségolène Royal a raison : être candidat, « ça ne s’improvise pas » ! Et Nicolas Hulot, lui, semble avoir décidé de partir de zéro…

Sur la question de la dette, l’animateur télé a eu droit à un petit exposé suivi d’un échange avec Gérard Cornilleau, directeur adjoint au département des études à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). À la vue d’une récente interview donnée au Monde, Cornilleau semble s’inscrire dans une logique très keynésienne, prônant une relance par la consommation et la hausse des salaires, et n’apparaît pas comme un farouche partisan des politiques de réduction drastique de l’endettement public. Bien au contraire… Un discours aux antipodes de celui d’Eva Joly. En novembre dernier, dans Libération, l’ex-magistrate présentait son contre-projet de Loi de Finances et jouait, elle, la carte du réalisme et de la crédibilité en entonnant le couplet de la rigueur de gauche maquillée pour l’occasion en « sobriété joyeuse ».

Reste à savoir ce que retiendra Hulot, entre deux séances de kitesurf, de ces entretiens. Comme il reste à savoir si Serge Guérin saura également lui faire passer ses idées en matière de laïcité. Ce dernier a un point de vue on ne peut plus clair sur le sujet comme en témoigne le texte qu’il a co-signé avec trois autres élus Europe écologie (3). Là encore, il s’agit d’un discours aux antipodes de celui d’Eva Joly. Dans Libération (à nouveau) elle cosigne une tribune au communautarisme si revendiqué qu’il en devient caricatural. Pour elle et ses condisciples, « le laïcisme et le républicanisme » sont les« nouveaux dogmes d’une France drapée dans son conservatisme, qui se cogne la tête au mur de ses peurs et de ses fantasmes. » Les auteurs vont même jusqu’à plaider ce qu’ils appellent « une laïcité raisonnée qui reconnaisse la part de l’appartenance ethnique, culturelle, religieuse, linguistique » (4) ! Pour Guérin, il s’agit-là d’une « vision très communautariste et dangereuse » dans laquelle « [il] ne [se]retrouve pas ». Et de faire remarquer qu’accoler l’adjectif « raisonnée » au mot de « laïcité » rappelle la fameuse (fumeuse ?) « laïcité positive » de Nicolas Sarkozy…

Selon Serge Guérin, Nicolas Hulot, lui, ne semble pas être « dans une logique communautariste ». Tout comme il semble être « revenu », affirme-t-il, des promesses de Sarkozy. Une chose est plus certaine encore, selon lui : « Nicolas Hulot en a envie ». « Il est, explique le sociologue, comme ces salariés que l’on rencontre de plus en plus fréquemment et qui se disent : “Quel est le sens de ma vie ? À quoi puis-je être utile ?” ». Réponse à cette dernière question en mars-avril. On verra alors si Hulot s’est construit un solide corpus idéologique ou un simple vernis. Et, surtout, s’il a décidé de se démarquer d’Eva Joly.


(1) Son blog : Prospective sociale

(2) Son dernier livre : La Nouvelle société des seniors. Editions Michalon. Janvier 2011. 224 pages. 17 euros. Réédition enrichie de La Société des seniors parue en 2009.

(3) « Quelle est verte ma République ! » sur le site Lesinfluences.fr

(4) Lire l’article de Jack Dion dans le numéro de Marianne de cette semaine : « Eva Joly lève le voile ».


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